Les marques horlogères sont de plus en plus nombreuses à se plonger dans leurs archives. Elles en tirent des modèles qui ont marqué leur histoire pour leur donner une seconde vie après quelques retouches techniques et esthétiques.

La Nautical de Vulcain fait le bonheur des designers et autres dévoreurs de tendances. Depuis sa renaissance en 1998, la Monaco deTAG Heuer trouve sa place parmi les meilleures ventes de la marque. Lancé il y a un demi-siècle chez Piaget, le modèle Emperador a été remis au goût du jour il y a quelques années. L'horlogerie traverse une phase d’introspection qui pousse les marques à feuilleter leurs archives et anciens catalogues à la quête de modèles emblématiques qui ont marqué leur histoire. Parce que leurs formes sont atemporelles, elles les rendent éternels. La tendance est lancée, fi du présent, le futur est dans le passé.

A l’image de modèles qui réapparaissent, des marques refont surface en capitalisant sur le design de l’époque. Fournisseur officiel de l’armée italienne, la marqueOfficine Panerain’a produit que 300 pièces de 1936 à 1993. A cette date, elle sort du marché exclusivement militaire pour proposer ses produits au grand public.

Propriété du groupe Richemont depuis 1997, la firme amorce le lancement de trois collections toujours d’actualité: la Luminor, la Radiomir et la Mare Nostrum. La forme des boîtes, à l’instar de l’esthétique générale, est restée inchangée. Cette persistance a fini par s’imposer comme référence et, aujourd’hui, les montres Panerai ont atteint cette dimension hors du temps propre aux modèles de légende. Telle la mythique Porsche Carrera dans l’univers automobile, les lignes de force perdurent tandis que les détails évoluent constamment.

Futurisme mécanique

Relancée en 2002, la marque Vulcain présente, dès le début de sa seconde vie, une version revisitée de son modèle Nautical. «Nous avons choisi ce modèle pour son charisme particulier, expliqueBernard Fleury, directeur de la firme. Lorsqu’il a été présenté pour la première fois au public, en 1961, la taille du boîtier de 42 millimètres de diamètre a étonné, on l’a même jugé énorme. Aujourd’hui, les grandes montres sont devenues la norme, la Nautical a donc toute sa raison d’être. De plus, elle dégage une identité très forte qui empêche qu’on la confonde avec une autre montre. » Une esthétique unique, des formes qui s’accordent avec les humeurs de la mode actuelle, voilà deux raisons au retour en force des pièces maîtresses.

Autre facteur déclencheur de cet intérêt pour les pièces anciennes: une douce nostalgie. «Nos clients sont à la recherche d’authenticité, explique Michel Ferracani, directeur marketing montres chez Piaget. Leur proposer une montre qui a disparu satisfait leur besoin d’ancrage dans l’histoire. »

Stephen Urquhart, CEO d’Omega, confirme: «Nous avons relancé la production de la Railmaster car elle incarne plei-nement l’identité d’Omega! Pendant vingt ans, elle a disparu du catalogue mais a réapparu pour durer. Car c’est un produit iconique, une sorte de confirmation qui reste actuelle même si elle a 60 ans. » Mais le CEO précise que «la Railmaster a été intégrée à nos produits courants. Son retour n’a rien à voir avec une réédition ponctuelle. » Stephen Urquhart n’exclut pas que d’autres pièces refassent surface, «mais il y a peu de montres qui puissent être ressuscitées car elles doivent incarner l’ADN de la marque».

Chez TAG Heuer, même constat: «La Monaco est sortie en 1969 et a été le premier chronographe carré de l’histoire de l'horlogerie, raconte Kilian Müller, responsable du marché suisse. Au poignet de Steve McQueen dans le film Le Mans, son design d’avant-garde en a fait un mythe. Sa réédition en 1998 a été un véritable plébiscite tant du côté des collectionneurs que du grand public. La Monaco incarne l’avant-garde, une valeur fondamentale de la marque. »

Même l’inébranlable Rolex a opéré un retour aux sources. Elle a suscité un vif intérêt à Baselworld en 2005 – allant même jusqu’à effrayer certains concurrents actifs dans la montre rectangulaire – en présentant son modèle Prince réactualisé. Créé en 1928, ce dernier s’était éclipsé pour réapparaître décliné en quatre versions. Et comme le confirme la tendance, il s’agit d’un clin d’œil au passé savamment étudié puisque, avec sa forme particulière, la Prince comble un vide dans le catalogue de Rolex.

Carrosserie d’époque, technologies d’aujourd’hui

Lorsqu’une marque décide de relancer un ancien modèle, elle se reconnecte à ses racines. «Ce n’est pas que l’esthétique, raconte Stephen Urquhart. On réintègre une partie de l’ADN de la marque. » Reprendre un modèle dépasse alors la seule volonté d’étoffer son catalogue. Mais ce privilège n’est destiné qu’aux pièces qui ont sublimé modes et tendances. «Ce sont des modèles classiques au sens le plus pur, explique Michel Ferracani. Ils restent perpétuellement au goût du jour, nous n’intervenons que sur des détails comme la taille, la couleur, l’ajout d’une complication. » Pour entrer dans le cénacle des pièces éternelles, le modèle doit donc avoir une identité forte, un dessin unique.

Le retour en force de l'horlogerie mécanique a participé à cette tendance. Outre l’esthétique, les clients s’intéressent également au côté technique et veulent des produits fidèles aux originaux. Il en va également d’un gage d’authenticité. En revanche, toutes les montres ont été actualisées pour répondre aux standards de qualité actuels. A l’exception de la Monaco dont la glace est toujours en plexiglas, forme carrée oblige, on a opté généralement pour le saphir, plus résistant. L’étanchéité est aussi assurée et chaque marque a résolu les ennuis techniques dont souffraient les anciens modèles.

De réjouissantes nouvelles sont en perspective, car tant que l'horlogerie court après son histoire, de nombreux volumes de croquis et de modèles sommeillent, attendant qu’on veuille bien les réveiller.

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