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Verres à moitié vides ou verres à moitié pleins : les couleurs de l’automne sont pastélisées.
Après avoir vidé les verres pleins, l’horlogerie va-t-elle plaindre ses verres vides ?
••• Enchères horlogères de l’automne : soulagement ou rémission ? Demi-succès pour les uns, indices alarmants pour les autres. Les premières ventes aux enchères de montres ont permis de vérifier l’exceptionnelle réactivité des marchés aux pièces exceptionnelles [il y a encore des amateurs capables de sortir leurs millions pour des montres rarissimes au pedigree impeccable] et l’exceptionnelle indifférence de ces mêmes marchés à des pièces banales et trop vues ces derniers temps dans les catalogues [ça fait mal au cœur de voir un tourbillon Jaeger-LeCoultre Reverso bradé à 24 000 CHF, soit 13 000 euros ou un tourbillon Cartier Diabolo « ravalé » faute d’enchères, même à 30 000 CHF, soit 20 000 euros]. L’analyse des prix enregistrés pour les Rolex Daytona est un excellent indicateur : 20 000 CHF pour les pièces courantes [les spéculateurs commencent à prendre peur], mais 150 000 CHF pour les modèles rares – et vrais…
Donc, soulagement pour Antiquorum, dont le catalogue était conséquent, et Sotheby's, mais le vrai test sera aujourd’hui, avec le très beau catalogue Christie’s [il faudra tout le talent de metteur en scène d’Aurel Bacs pour réveiller les amateurs] et surtout demain, avec la première vente de Patrizzi & Co, qui a mobilisé beaucoup de curieux ce week-end, mais dont le concept multi-écrans zéro commission reste à valider sous le marteau : apparemment, Osvaldo Patrizzi était fier de son carnet d'ordres d'achat bien rempli...
••• Salons d’automne : un vrai test de la cote d’amour des marques auprès des amateurs français. C’est le salon Men’s World (ci-dessus) qui ouvrira le bal dès le week-end prochain, au Palais Brongniart [l’ex-Bourse de Paris : les montres à la place des actions, tout un symbole de contre-offensive !], avec le noyau dur des amateurs de montres et des marchands de pièces vintage venus du monde entier.
Suivront, la semaine prochaine, l’exposition organisée par Les Montres au Lutétia et, surtout, le salon Belles Montres du Carrousel du Louvre, qui s’est imposé, après l’édition 2007, comme le plus prestigieux rendez-vous européen entre les marques de luxe et les amateurs, qui y débarqueront de toute la France et des pays limitrophes.
Le challenge pour 2008 est déjà à moitié gagné, puisqu’environ 60 grandes marques ont choisi de montrer pendant ces trois jours [28-30 novembre] ce qu'elles avaient fait de mieux en 2008, mais il reste à confirmer avec une augmentation de la fréquentation qui avait atteint les 8 000 visiteurs l’année dernière.
Pour mémoire, Business Montres sera au rendez-vous de Belles Montres, avec une animation horlogère jamais vue en France et dont tous les visiteurs se souviendront (détails supplémentaires dans les jours qui viennent, mais ce sera... futuriste !).
••• Les grands prix horlogers de l’automne : rien ne va plus, faites vos jeux ! Après le dernier Grand Prix d’Horlogerie, on a surtout parlé des absents… Premier absent qui n’avait pas tort : Gabriel Tortella, véritable statue du Commandeur et fondateur de ce prix, dont les caméras ont soigneusement évité le fauteuil vide qui marquait, semble-t-il de sérieux doutes sur la légitimité des procédures [affaire détaillée dans le prochain Business Montres, avec les raisons qui m’ont empêché de présenter ce Grand Prix].
Autres absents de marque : les principales marques horlogères genevoises et suisses, mais aussi leurs dirigeants. Absences criantes : ceux qui ne veulent plus jouer, au premier rang desquels on trouvera François-Paul Journe, qui a clairement expliqué que c’était son « dernier Grand Prix » [trois Aiguilles d’or en cinq ans, c’est bien d’en laisser aux autres, même quand elles sont méritées !] ; quelques membres du jury ont également marqué une tendance à ruer dans les brancards ; les autorités de Genève elles-mêmes semblaient afficher une certaine lassitude de cette non-représentativité des prix décernés.
Dernière absence évidente : celle d’une communication minimum autour d’un Grand Prix à vocation internationale, qui n’a mobilisé ni les Genevois [on est loin de la Fête de la Montre annoncée], ni les Suisses en général, ni les médias internationaux [alors que c’était dans le contrat moral passé avec la ville de Genève, « capitale mondiale de l’horlogerie]. On trouvera dans Business Montres quelques explications sur la grave confusion stratégique entretenue autour du Grand Prix asiatique…
Il est sans doute encore temps de remettre les compteurs à zéro et de reformater un concept de prix horloger de référence, qui soit à la fois indépendant, équitable [pour toutes les marques, sans exclusive] et fiable pour le grand public…
••• Les comptes d’automne des groupes de luxe : l’arbre de la cosmétique comptable cache encore la forêt. Mi-figue mi-raisin, mi-chèvre mi-chou, mi-bique mi-bouc [comme on dit dans la Mayenne], bref des comptes officiels et des statistiques encore difficiles à interpréter, les chiffres annoncés ne prenant en compte que le sell-in des filiales, et non l’effondrement brutal, inattendu et catastrophique du sell-out (ventes) dès le mois de septembre. Comme on a « bourré les tiroirs », mais que rien n’est sorti, l’hiver s’annonce donc exceptionnellement rigoureux, avec des comptes de fin d’année plombés au plus mauvais moment pour rétablir un semblant de confiance. On peut parier sur un coup de déprime pour l’ouverture d’un SIHH où les détaillants japonais ont déjà annoncé qu’ils ne se rendraient pas, suivis par les Russes, dont le marché a enregistré une baisse de 85 % des ventes de montres de luxe [le sort des stocks de montres livrées et non encore payées provoque quelques nuits blanches dans les états-majors].
••• Les fêtes d’automne et de fin d’année dans le luxe horloger : champagne pour tout le monde ou profil bas pour respect d’un minimum de décence ? De nombreuses voix – notamment chez Richemont, mais aussi chez LVMH ou Patek Philippe – ont regretté quelques étalages festifs assez intempestifs à une heure où les personnels des manufactures s’inquiètent pour leur emploi et alors que les clients du luxe horloger – amateurs de montres ou détaillants – sont frappés au cœur par la crise économique. Un semblant de solidarité, un peu moins de bulles et un peu plus de compassion ne ruineraient pas le prestige des marques et des acteurs de l’horlogerie, qui doivent se persuader dès cet automne que la planète montres doit entrer dans une véritable cure de désintoxication vis-à-vis des années-fric et des années-frime…
••• Pour le reste de la semaine, météo d’automne variable. Giboulées glacées chez les fournisseurs, qui multiplient les annonces de chômage technique [boîtiers et cadraniers semblent les plus affectés, alors qu’ils étaient les premiers à se plaindre de la « surchauffe »], et dans les lignes de production des manufactures, où chacun s’efforce de livrer ce qui a déjà été commandé, acomptes à l’appui. Avis de grand frais pour les marques très engagées sur les marchés qui ne sont plus « émergents », mais franchement « décadents », comme Hong Kong, Singapour, la Russie, le Mexique, l’Amérique du Sud [l’Inde résiste encore un peu, avec des volumes très faibles, mais jusqu’à quand ?]. Indice d’incertitude très élevé pour les prévisions qui anticipent ou décalent « au doigt mouillé » la sortie d’une crise qui est encore loin d’avoir produit tous ses effets.
Ecoutons plutôt les vétérans des guerres horlogères, comme Franco Cologni, le président de la FHH, qui a été le seul à parler un peu courageusement au cours de l’immense festival de langue de bois qu’il avait lui-même récemment convoqué avec l’appui du World Economic Forum. Dommage pour nous, c’était à huis clos : sans doute la peur des mauvais courants d’air de l’automne…
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