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Quelques petites nouvelles du front horloger : il y en a pour tous les goûts…
••• SENTI une odeur de torchon brûlé entre l’actuelle équipe de Villemont, qui fait ce qu’elle peut avec ce qu’elle a [c’est-à-dire pas grand-chose depuis que son actionnaire l’a lâchée en rase campagne], et l’actuel administrateur, qui a jeté de l’huile sur le feu en faisant paraître un communiqué défaitiste et désastreux alors qu’il s’agissait de sauver les meubles. De quoi faire perdre confiance aux derniers clients [on a refusé d’en livrer certains, alors que les pièces étaient prêtes] et aux créanciers, qui pouvaient espérer un sursis concordataire [solution révélée avec un certain optimisme par Business Montres dès le 3 novembre, mais la situation était sans doute pire que ce qu’on pouvait imaginer]…
••• NOTÉ une consigne passée par l’état-major de Richemont aux marques du groupe : annuler toutes les dépenses somptuaires, qui vont des grandes manifestations de relations publiques aux simples petits dîners du personnel en fin d’année. Plus une goutte de champagne et plus un petit four avant le printemps prochain ! Cet ordre formel vaut bien entendu pour le SIHH, dont toutes les soirées de gala sont annulées [même la fête de lancement de Ralph Lauren passerait à la trappe]. Et suppression, bien entendu, de toutes les soirées after qui font le charme des nuits genevoises pendant le SIHH. Ceci, sans exception, même pour les chouchous habituels de l’actionnaire : pour avoir tenté de lever le doigt et de prêcher pour sa paroisse, un patron de marque pourtant bien en cour s’est attiré un tel regard noir de l’actionnaire qu’il a préféré se rasseoir sans demander son compte…
••• EXPLIQUÉ ce coup de sang de Johann Rupert par un vif souci d’économie – on parle aussi de faire sauter le bonus des cadres dirigeants du groupe ! – et par le retour à des principes de gestion low cost, mais surtout par certaines remontrances venues d’Afrique du Sud, à propos du caractère choquant des gaspillages de l’industrie du luxe. Ceci alors qu'une nouvelle paupérisation menace non seulement les ex-nouveaux riches des pays développés, mais aussi les ex-pauvres des pays émergents en train de décoller, dont la République sud-africaine. Et on sait que « l’actionnaire » de Richemont est un vrai patriote sud-africain…
••• PERÇU, à propos de la fête Ralph Lauren by Richemont, que la situation s’était nettement tendue entre l’équipe de direction de Ralph Lauren (M. Ralph Lauren et son fils) et le staff de Richemont, qui détient la licence montres de la griffe américaine. Business Montres révèlera quelques dessous de ce dossier brûlant dans la prochaine édition de la newsletter…
••• CONSTATÉ qu’Osvaldo Patrizzi était encore plus costaud mentalement que je ne le supposais. Tirant les leçons de ses différents insuccès d’hier, il convient lui-même que « ça aurait pu être pire » ! Mieux : sa crédiblité se trouve renforcée – du fait de sa transparence dans la déconvenue – par les chiffres relativement honorables de sa première vente [47 % de lots vendus, et 6,6 millions de francs nets sous le marteau].
Un score de vente élevé en quantité, qu’on peut expliquer par la liquidation intégrale du stock Cedric Johner [marque fondée par Jérôme De Witt avant le lancement de la marque DeWitt], qui a vu quelques centaines de « montres de luxe » [dont des quantièmes perpétuels « manufacture »] partir à moins de 10 % de leur prix catalogue initial.
Une addition finale tout aussi surprenante pour qui était dans les salles [et qui assistait à la liquidation Cedric Johner : 387 000 francs suisses au total, ce qui fera du bien à la trésorerie des propriétaires du stock], mais qui s’explique par la bonne tenue d’un vingtaine de pièces, qui ont assuré à elles seules 30 % du chiffre…
••• COMPRIS que le créateur de Patrizzi & Co était aussi un grand réaliste. Business Montres attirait hier l’attention sur le fait qu’il n’avait pas droit à l’erreur pour sa vente des Rolex de la collection Davide Blei, prévue à Milan pour la mi-décembre. La vente est tout simplement reportée au 22 mars prochain, le temps de remettre à plat toutes les défaillances d’un système informatique qui a empêché 188 clients sur 200 inscrits de se connecter pour des enchères en ligne ! D’ici mars, il aura le temps de régler les problèmes technologiques, psychologiques et stratégiques qui l'ont empêché de transformer ce coup d’essai malheureux en glorieux coup de maître…
••• DÉCOUVERT, dans la mémoire des vétérans des guerres horlogères, que la première vente aux enchères de montres organisée par Osvaldo Patrizzi en 1974 [il était à l’époque associé à… Gabriel Tortella, qui s’en souvient encore avec émotion], avait été tout aussi rock n’roll que celle d’avant-hier. A l’époque, il avait même perdu son crieur ! Ce qui ne l’aura pas empêché de créer ensuite Antiquorum et d’en faire, jusqu’à son limogeage, le numéro un mondial des enchères horlogères…
••• CORRIGÉ une erreur dans mon analyse des enchères de cette semaine : Christie’s ne pratique pas les prix garantis sur les enchères de montres et n’a donc pas risqué d’enregistrer des pertes pour cause d’engagements préalables trop élevés [correction déjà effectuée en ligne dans l’information datée du 19 novembre]…
••• APPLAUDI l’arrivée chez Colette (Paris), en exclusivité, des montres développées par Ebel pour Arsenal et le Bayern Munich (ci-dessus : la Tekton 1911 Bayern). Ebel, « chronométreur des plus grands clubs de football européens » chez Colette : ça joue ! Quand Colette se met à assurer la promotion de la culture foot, c’est qu’il y a vraiment quelque chose de changé dans la planète luxe ! Il n’y a pas que le polo dans la vie…
••• POURSUIVI mon enquête sur le dossier de la montre Marie-Antoinette de Breguet et les pièces volées au musée d'Art islamique de Jérusalem en 1983. Si on a retrouvé la fameuse Breguet baptisée Marie-Antoinette [révélation Business Montres du 29 octobre dernier et du 11 novembre 2007 : à l'époque, personne n'y avait cru !], un peu plus de la moitié des 106 montres volées par Lidor Neeman, un des plus fameux cambrioleurs du siècle, manquaient encore à l'appel. 43 d'entre elles viennent d'être retrouvées dans deux coffre-forts de banques françaises, après une enquête commune des polices israélienne et française. Il en manque encore une dizaine, sans doute revendues par la veuve de Lidor Neeman. Comme quoi les banques ont encore des ressources...
••• SOURI du coup de l'habituel coup de klaxon triomphal des statistiques horlogères, qui voient tous les chiffres plonger en valeur et en volume, sauf ceux des montres les plus chères. Livrées en retard sur la foi de commandes effectuées au printemps et d'avances déjà versées, ces pièces de très haut de gamme permettent de masquer, par leur coût unitaire très élevé, l'effondrement constaté partout ailleurs. Seuls les myopes peuvent y croire ! Comme, en plus, ces chiffres sont ceux des exportations et non des ventes [du sell-in et non du sell-out, seul indicateur économique fiable], on est face à un Polaroïd très déformé de la situation : combien de ces grosses pièces trouveraient aujourd'hui preneur si elles n'avaient pas été pré-financées dans l'euphorie du début de l'année ?
••• REPÉRÉ deux faits divers aux frontières de l’horlogerie : l’arrestation en Bulgarie d’un des responsables de Chopard, venu ouvrir une boutique à Sofia [une affaire de carnet ATA oublié ou mal rempli, le genre d’affaire qu’on réglait jusqu’ici avec un « petit cadeau », mais la Bulgarie joue maintenant avec les règles communautaires] et l’arrestation, dans le Tessin suisse, d’un des responsables pour les pays de l’Est d’une grande manufacture genevoise. Son nom figurait – sans doute à tort, soyons-en certains – sur les fichiers internationaux des « blanchisseurs » de l’argent amassé par les cartels sud-américains…
••• FAILLI ajouter deux nouveaux noms à la « liste fatale », celle que Business Montres tient à jour pour les « victimes collatérales » de la récession horlogère. Ce qui porterait à sept le total – actuel – des premiers martyrs de la crise. Comme les négociations sont en cours, silence radio pour l’instant…
••• PLONGÉ avec beaucoup de plaisir dans une énigme historique, celle du « diamant bleu » (joyau historique de la Couronne de France) que des chercheurs affirment avoir retrouvé, mal retaillé et camouflé en « diamant Hope », mystérieusement apparu à Londres vingt ans après la Révolution française, avec un soupçon porté sur Danton, qui aurait organisé en douce le « casse du Trône » pour financer sa guerre contre l'Autriche et sa « victoire » de Valmy [on le soupçonne d'avoir « acheté » la défaite des Prussiens]. Un scénario fantastique et une grande leçon de petite histoire : c'est pour ça que les diamants conservent, à travers les âges, leur pouvoir de fascination...
••• GARDÉ le meilleur pour la fin : ETA augmentera ses prix de 12 %, dès les livraisons du 1er janvier 2009. Premiers visés : les mouvements Mecaline, c’est-à-dire essentiellement les calibres de la famille Valjoux 7750, les Valgranges et les spécialités 2893-2895. De quoi étrangler un peu plus les marques « moyennes » qui n’ont pas les moyens de répercuter cette augmentation sur leurs produits de moyenne gamme, surtout en période de crise.
Ce serait une nouvelle offensive anti-TAG Heuer que je n’en serais pas étonné. C’est aussi, pour le Swatch Group, un bon moyen de déblayer la concurrence que lui imposent les nouvelles marques allemandes, spécialisées dans le style militaro-mécanique…
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