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Alors, ce salon Belles Montres ?
 
Le 04-12-2008
de Business Montres & Joaillerie

Trois jours dans la bulle de Belles Montres, à Paris , qui a confirmé, pour cette seconde édition, un incroyable succès auprès du grand public des amateurs de montres.
Surtout dans un contexte de crise dont personne n’avait envie de parler.
C’était pour le coup très rafraîchissant...

••• Le point le plus chaud du salon : l’espace géré par Chronopassion, qui présentait cette année cinq marques qui ont piqué pendant tout le week-end la curiosité des visiteurs (Concord, Urwerk, De Bethune, MB&F et MCT-Manufacture contemporaine du temps). Grosse affluence pour découvrir les Dream Watch (De Bethune), la nouvelle HM3 de Max Busser (première mondiale), le tourbillon C1 Concord ou la Sequential One de Denis Giguet pour MCT (autre première apparition mondiale). Les patrons, les créateurs et les horlogers de ces marques étaient présents et serrés de près par des groupes compacts de jeunes amateurs avides de mieux comprendre.
Moralité : l’implication des responsables est décisive dans le succès d’un espace dédié à une marque. Surtout pour des montres difficiles à comprendre au premier coup d’œil et qu’il faut expliquer. Quel plaisir de voir les yeux s’allumer dès que le message est passé et d’avoir communié avec d’autres dans la transmission de cette passion créative !
Moralité bis : invité de dernière minute du stand Business Montres (qui n’a pas pu présenter, pour cause de défaillance informatique, l’animation high-tech prévue), Jean-François Ruchonnet a prouvé à des milliers d’amateurs que sa Cabestan était définitivement sortie des limbes de la virtualité. Les commentaires devant sa vitrine ou devant son poignet en disaient long, mais il a pu mesurer la distance qui existe entre l’honnêteté d’avoir livré ses premières pièces et la notoriété de sa Cabestan auprès du grand public [qui a également l’occasion de l’apercevoir à la télévision].

••• La marque qui avait tout faux : Cartier et sa palissade de baguettes défensives, Cartier et ses vitrines de show-room classique, Cartier et ses étiquettes de prix minutieusement placée sous les cacades de montres empilées (tragique erreur conceptuelle !), Cartier et son absence totale de relationnel, voire d’empathie avec le public présent. On vient à Belles Montres pour une ambiance de passion partagée, pas pour musarder devant les vitrines d’un shop in shop qu’on pourrait trouver partout ailleurs. Hôtesses d’accueil non passionnées et commerciaux non motivés s’abstenir.
Moralité : Belles Montres est un village portes ouvertes où chacun doit circuler librement, en esquivant toute pression commerciale, pour concentrer ses émotions sur des produits habilement mis en scène ou ingénieusement commentés par ceux qui les aiment ou qui les créent. Belles Montres est tout sauf une succursale de la rue de la Paix : au lieu d’aligner les inlassables déclinaisons des piliers de la collection, pourquoi ne pas avoir présenté des pièces rares ou des concepts comme ceux qui ont été dévoilés au SIHH 2008 ?

••• Autres grossières erreurs de communication : tous les stands refermés sur eux-mêmes, qui étaient – c’était visible à l’œil nu – beaucoup moins fréquentés que les autres, et tous les stands qui se contentaient de vitrines standardisées, sans la moindre explication pédagogique. La clé du succès à Belles Montres était, plus que jamais, l’approche relationnelle – à ne pas confondre avec la communication institutionnelle ou la promotion commerciale. L’usage des grandes affiches était révélateur : elle attirait l’œil quand elles présentaient en gros plan des pièces moins bien visibles en vitrine, mais elle faisait glisser le regard quand elles reprenaient des visuels trop connus de communication corporate des marques.
Moralité : plus un espace est ouvert, plus il incite les visiteurs à s’approcher de vitrines intimidantes. Plus les vitrines sont accessibles et placées à la bonne hauteur (Panerai, Jaquet Droz, Hublot), plus elles sont entourées, au besoin par la création artificielle de couloirs resserrés (excellente idée de Jaquet Droz, qui aurait mérité un espace plus étroit et plus en longueur).

••• Les meilleurs compromis prestige-convivialité : Chanel et Van Cleef & Arpels, qui disposaient d’espaces relativement ouverts et qui, en dépit de vitrines trop classiques, avaient fait un effort de mise en scène pédagogique complémentaire de leur concept boutique. Accessit à Hermès, qui aurait gagné à mieux souligner l’originalité de sa Cape Cod Grandes Heures. Prix d’encouragement à Vacheron Constantin pour le module d’explication des multiples personnalisations de la Quai de l’ïle (dommage que le stand ait été aussi peu ouvert sur le monde).
Moralité : les grandes marques gagnent à se mettre en scène, pourvu que ce ne soit pas au moyen d’une réplique hâtive de leurs espaces commerciaux. Ne serait-ce que parce que le cadre général n’y est pas : éclairages médiocres, poutres de béton et pauvreté des matériaux anti-feux. A chacun de faire preuve d’imagination pour définir le concept le plus approprié au message de la marque et à la qualité des visiteurs.

••• L’espace le plus didactique : Girard-Perregaux, seule marque à tenter de faire comprendre aux amateurs [pas toujours experts] ce que peut signifier le mot tourbillon. Devant les maquettes, grâce à l‘établi où oeuvrait un horloger ou par les films projetés sur écran, la démonstration était intelligente et d’autant plus conviviale qu’elle était assurée par Stefano Macaluso en personne (il est le fils et l’héritier de la manufacture relancée par son père).
Moralité : l’horloger loupe à l’œil en blouse blanche ne suffit plus à créer l’événement ! Il faut désormais savoir être plus créatif. Même une simple vitrine Raptor (Hublot) peut déclencher l’envie d’en savoir plus...

••• Le seul automate horloger du salon : le fameux Giocatore Veneziano présenté par Daniel Roth à Baselworld 2008. Construit par François Junod dans la grande tradition des automates à mouvement horloger du XVIIIe siècle, il attirait tellement de monde que beaucoup de spectateurs – moi le premier – sont passés à côté sur le stand de la marque, où il a éclipsé l’atelier de l’horloger disposé juste à côté. Ce qui est dommage, tant l’automate et la montre à répétition minutes qui s’en inspire sont exceptionnels. Pour mémoire, ce Joueur vénitien est inspiré par un des personnages du fameux tableau des Joueurs de cartes peint par le Caravage [tableau également baptisé Les Tricheurs, ce qui en dit long sur la moralité vénitienne de l’époque] : l’automate lance les dés dans son gobelet et il découvre un résultat aléatoire qui n’offre pas moins de 504 combinaisons. Le défi est de deviner le score proposé par l’automate !
Moralité : Une bonne idée d’animation se met en valeur. Elle doit concentrer tous les feux, surtout quand il s’agit d’une pièce unique, directement inspirée par les merveilles de l’âge d’or des automates. Dommage aussi que la montre Giocatore Veneziano – toujours en cours de réalisation à la manufacture Daniel Roth du Sentier, où elle n’est émaillée et personnalisée que pièce par pièce – n’ait pu quitter son atelier suisse...

••• L’espace le plus chaleureux : l’Atelier du bracelet parisien, qui a draîné vers cette partie du salon une foule de chalands enthousiasmés par la verve communicative de Jean-Claude Perrin et la grand manège des peaux exotiques où il taillait ses bracelets. Et chacun de s’extasier devant la patine vintage des écailles d’alligator ou le grain original d’un dos de crapaud-buffle. Avec près d’une trentaine de détails personnalisables sur chaque bracelet, chacun était sûr de trouver le lien idéal pour la montre de ses rêves.
Moralité : On vient à Belles Montres pour y découvrir le savoir-faire des manufactures les plus prestigieuses, mais aussi le savoir-faire de tous les métiers du temps. Au premier rang desquels on trouve les bracelets originaux que peut proposer, sur mesures, l’équipe de Jean-Claude Perrin, sympathique atelier familial que chacun se réjouissait de retrouver là.

••• La plus belle bousculade permanente : entre les vitrines et les bidons d’essence de BRM, marque française dont beaucoup de visiteurs découvraient à la fois le style très affirmé, la collection et les nouveautés 2008, dont le fameux premier tourbillon français et le mouvement automatique 100 % manufacture. Bernard Richards en personne expliquait, réexpliquait, re-réexpliquait inlassablement, heureux d’avoir cette « relation client » qui fait rêver tous les marketeurs sans jamais qu’ils s’y impliquent.
Moralité : quoiqu’en pensent les sectateurs de tel style ou les intégristes de telle école, BRM commence à trouver son public et à prouver sa légitimité. L’idée d’un stand très étroit, qui pose toute sa profondeur dans la chaleur communicative de ses animateurs, est une idée à retenir pour l’année prochaine [voir ci-dessous la gestion des espaces], au moins pour les jeunes marques aux collections courtes . Ce qui pose la question de savoir si une marque doit tout montrer à Belles Montres ou plutôt sélectionner ce qu’elle a de mieux à communiquer – problème différent de celui de montrer ce qu’il y a de plus commercial...

••• Le coup de cœur des amateurs : les montres du germano-normand Karsten Frasdorf, horloger de 30 ans, qui a posé son atelier dans le bocage normand pour y créer plusieurs mouvements, dont un superbe tourbillon à balancier géant. Même Philippe Dufour, le « dieu vivant » de la vallée de Joux, n’en revenait pas de ce niveau de qualité, de technicité et d’inventivité hors de la tradition combière. En bon motoriste « industriel », Mathias Buttet a tout de suite repéré, de son côté, la simplicité conceptuelle d’une construction accessible à tout jeune horloger, et non plus aux seules vieilles gloires d’un atelier. Le grand public, lui, se faisait plaisir avec un mouvement finalement très « à la française », comme les jardins du même nom : bien ordonné, « lisible » et cartésien, style « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » [soit une horlogerie à des années-lumière des montres conceptuelles plébiscitées à l’autre extrémité du salon]...
Moralité : est-il étonnant de voir les amateurs dédaigner les marques depuis trop longtemps dans la vitrine pour s’intéresser aux nouvelles créations qui influencent tout le secteur ? On n’achète plus le sucre en « pains » uniques, mais en cube, en rectangle, en poudre, en sachet, en glace, en allégé, en faux, en brun, etc. : ce sont les plaisirs du marketing. Même dans la haute horlogerie traditionnelle, la néophilie fait des ravages. Ce que Business Montres appelle la « nouvelle révolution horlogère »...

••• La bonne et la mauvaise gestion des espaces : le fait que le salon ait gagné 1 000 mètres carrés a dilué la bousculade de la première édition, mais déstabilisé les espaces dévolus aux jeunes créateurs, qui avaient pour le coup trop de place à leur disposition et qui semblaient « flotter » dans leur isolement. C’était encore plus vrai côté Marc Alfiéri, Hautlence ou HD3. La touche visuelle et picturale de Stéphanie Guglielmetti était elle aussi diluée sur trois modules qui ne constituaient pas une vraie galerie, alors que la dimension artistique reste nécessaire à Belles Montres. Enfin, chacun a pu apprécier l’ambiance SIHH d’un salon à circulation tournante, avec des haltes et des bars intermédiaires, mais que tout cela était tristement éclairé ! Le choix d’un décor sombre est légitime, mais il implique des spots très puissants, dont les reflets parasitent les vitrines et les montres.
Moralité : il faudrait sans doute moins d’espace aux créateurs indépendants, mais plus d’intimité. Des niches le long des murs plutôt que des agoras. Des alvéoles où les amateurs se bousculent plutôt que des esplanades où l’étincelle créative pâlit. Belles Montres est un lieu de rencontres, de passions échangées et de chaleur « mammifère » : on ne s’y assied pas de part et d’autre d’une table de vente, mais on y converse, montre en main, autour d’une vitrine. En revanche, c’est dans les allées, autour de haltes savamment ponctuées de rafraîchissements, qu’on devrait s’asseoir pour se reposer. A bas les chaises marchandes, vivent les canapés !

••• Les absents qui avaient forcément tort de bouder la fête : Rolex, évidemment (quelle occasion manquée de casser l’image de froideur relationnelle et d’arrogance liée au bling supposé de la marque), mais aussi Patek Philippe (quand on voit la curiosité soulevée par les indépendants, l’argument de l’exclusivité ne tient plus), Omega, Breitling, Zenith, Louis Vuitton, Breguet, Bell & Ross et bien d’autres (Corum, Ebel, etc.). Aucune marque du groupe Franck Muller : plus qu’une erreur marketing, une faute stratégique !
Moralité : Belles Montres, c’est un peu... Les Feux de l’amour ! Les amateurs, petits ou grands, aiment les marques qui les aiment, celles qui ont des attentions en mobilisant leurs managers, leurs créateurs ou leurs horlogers, sans se contenter d’hôtesses recrutées pour leur sourire, qui en connaissaient le plus souvent beaucoup moins que les visiteurs qui les interrogeaient. Ces amateurs aiment les marques qui viennent à eux dans un tel contexte de chaude convivialité partagée : ils vont finir par se méfier de celles qui se défilent à ce genre de rendez-vous...

••• Les meilleures idées de Belles Montres 2008 : les gants et l’atelier des enfants. Offerts par Babette Keller (créatrice de Keller Trading), ces gants d’horloger étaient un rituel initiatique pour prendre part à cette communion collective dans la fièvre horlogère. Dommage que les amateurs n’aient pas été incité à les porter sur le champ, au lieu de les considérer comme des cadeaux : quelle « gueule » aurait eu cette foule en gants blancs, qui aurait été la plus belle des déclarations d’amour aux montres ! Avec une pincée de lumière noire dans les éclairages, effet magique garanti... Inutile de revenir sur l’atelier Flik-Flak en partenariat avec Le Figaro : on sait qu’il est cher à Business Montres et on regrettera juste qu’il n’ait pas été un peu plus mis en avant dans la communication, beaucoup de parents n’ayant pas pensé à en faire profiter leurs enfants.
Moralité : la passion horlogère est un fédérateur d’énergie, qui crée autour des montres une forme de communauté affective, qui doit trouver ses « objets du culte », qu’il s’agisse d’autres ateliers pédagogiques ou d’autres « services » (librairie plus conviviale, cafeteria plus horlogère, etc.).

Moralité des moralités : un grand bravo à Alain Faust pour avoir osé réussir ce que tout le monde jugeait impossible et même inopportun. Belles Montres a définitivement posé le concept d’une nouvelle génération de salons horlogers grand public, non seulement en France, mais aussi en Europe. Belles Montres s'impose comme le pendant idéal du Tempus organisé à Singapour par The Hour Glass.
• Ce nouveau public est aussi la récompense des journalistes présents qui se dépensent depuis des années pour créer, approfondir, renforcer et diffuser une nouvelle culture horlogère : les 24 pages consacrées par la Revue des Montres à Belles Montres ont contribué à ces 10 000 visites de passionnés dont le monde a noté les réflexions intelligentes et l’excellent niveau de connaissances. Pour avoir moi-même créé bon nombre des suppléments horlogers proposés par les titres généralistes, je trouve dans le succès de ce salon beaucoup de satisfaction morale.
• Enfin, sujet qui fâche : même si Belles Montres est un salon de partage d’une même passion horlogère, les ventes n’y ont pas été négligeables, et les commandes encore moins. Peut-être le salon gagnerait-il à quelques clarifications dans ce domaine : il est tout de même regrettable de susciter un tel enthousiasme sans pouvoir le transformer définitivement en acte de vente...

 



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