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Quelques faits marquants
en feuilletant mon agenda de la semaine...
••• SALUÉ le courage de Carla Chalouhi (Arije, Paris), qui se démarque de la sinistrose où baignent tous les détaillants européens pour ouvrir un grand espace horloger dans le « triangle d’or » parisien (30, avenue George-V, à quelques pas de sa boutique historique). De l’or à profusion, de la lumière coupée de transparences, des lignes architecturales audacieuses avec quelques touches de science-fiction et ce qu’il faut de glamour oriental pour qu’on soit toujours chez Carla, la grande prêtresse du luxe parisien. On se croirait dans le yacht qu’un nouveau capitaine Nemo aurait fait redessiner par Philippe Starck ou dans une Venise baroque revisitée par Franck Gehry (ci-contre, l’intérieur). Espace de réception au sous-sol et atelier d’horloger pour rappeler la vocation horlogère du lieu (en fait, le concept est de l’agence Au-delà de l’idée).
••• TROUVÉ Bernard Fornas (Cartier) assez réalistement défensif (L’Hebdo, Suisse) : « Je me suis préparé à cette crise en m’efforçant de faire mieux que les autres, de rester le numéro un mondial de la joaillerie et le numéro deux de l’horlogerie. Je ne me suis pas mis à produire tout et n’importe comment. (...) J’ai veillé à ne jamais diluer l’image de la maison et à protéger son ADN. (...) Ce n’est ni la première ni la dernière crise économique que nous vivons. Nous avons déjà dû essuyer celles des années 1973, 1981, 1992 et celle du 11 septembre 2001. (...) La vraie question, sur laquelle les grands spécialistes de l’économie ne sont pas d’accord, c’est de savoir combien de temps va durer cette crise et quelle sera son ampleur. »
••• CONSTATÉ que Rolf Schnyder, le président d’Ulysse Nardin, était encore plus franc : « Ceux qui vous racontent qu’ils ne ressentent pas la récession, il ne faut pas les croire. C’est de la rigolade ! » (toujours dans L’Hebdo, Suisse)...
••• ECOUTÉ d’une oreille distraite les doléances de plusieurs détaillants européens qui ont récemment ouvert des boutiques Rolex et qui se retrouvent scotchés avec des stocks pléthoriques, sans le moindre client pour les écouler. Il y a des factures à soixante jours qui font plus mal que d’autres...
••• RELEVÉ une nouvelle – et vaine – montée au créneau d’une marque indépendante pour annuler reporter ajourner repousser retarder différer le SIHH 2009 [rayez les mentions inutiles]. C’était sans espoir, mais il fallait le faire, ne serait-ce que pour pouvoir ouvrir le parapluie après l’orage...
••• DÉCOUVERT, en parlant de factures, que la difficulté de toutes les entreprises horlogères [marques, détaillants, fournisseurs et même entreprises de presse qui tardent à faire rentrer les factures publicitaires] était désormais dans les délais de paiement que chacun tente d’imposer à ses partenaires. Dans les watch valleys, les chefs d’entreprise se renseignent les uns les autres sur les mauvais payeurs : les plus grandes maisons ne sont pas celles qui paient le plus vite, et de loin ! Surtout en Suisse romande. Cette liste occulte des payeurs » à l’élastique » risque de compromettre certaines livraisons d’avant Baselworld...
••• REPÉRÉ un malaise du côté du salon Printor, rendez-vous français qui doit regrouper, une semaine avant le SIHH, diverses marques d’entrée de gamme à Lyon. Plusieurs exposants sont tentés de renoncer à leur stand et bon nombre de visiteurs ont annoncé qu’ils ne feraient pas le déplacement...
••• RÉÉCRIT quelques pages de mon carnet d’adresses, à la lettre A comme Antiquorum, pour cause de nouvelle valse dans la direction de la maison d’enchères. Business Montres perd un grand... ami : Yo Tsukahara, le tombeur japonais d’Osvaldo Patrizzi, est muté à Hong Kong comme managing director : promotion ou sanction, avec première étape d’un billet retour pour son Japon natal ? A Genève, il est remplacé par William Rohr, qui reste officiellement COO, mais qui fera fonction de CEO et qui se voit récompensé de ses efforts pour normaliser la situation. Autre changement : Evan Zimmermann, le second tombeur – new-yorkais – d’Osvaldo Patrizzi, est nommé CEO d’Antiquorum, Bob Maron s’installant comme chairman. En dépit de quelques pièces vintage un peu trop « fatiguées » [qu’on ne voyait plus sur les catalogues depuis plusieurs années], on notera la bonne tenue générale du prochain catalogue (New York, 10-11 décembre)...
••• SOURI de la modestie de Christie’s, qui prend bien soin de préciser que les estimations de son prochain catalogue (New York, 12 décembre) commencent à 1 000 dollars. Hier, on se félicitait des estimations à un million de dollars ; aujourd’hui, on se flatte d’en avoir « pour toutes les bourses ». Sic transit...
••• SURPRIS un nouveau passage de témoin à propos de l’ex-marque Japy, rachetée par Alain Chaumet (en partenariat avec Akram Aljord) après sa relance manquée. Alain Chaumet l’avait ensuite cédée au groupe Peace Mark du temps où celui partait à la conquête de l’Europe : il vient de la reprendre au même groupe Peace Mark, qui a également mis en panne sa licence Vuarnet, alors que Yema est en redressement judiciaire...
••• VÉRIFIÉ que la montre Boucheron by Richard Mille [concept de tourbillon dont les roues sont taillées dans des pierres précieuses ou des pierres fines] était toujours sur les établis : la première pièce sera probablement celle dont les roues sont en œil-de-tigre. La turquoise, plus spectaculaire, devrait suivre. Avec un peu de chance, on devrait les voir à Bâle cette année, Boucheron y faisant son retour. L’idée d’un mouvement aux rouages en diamant n’est pas abandonnée, mais ce sera sans doute pas avant le 151e, sinon le 152e anniversaire de Boucheron...
••• CONTINUÉ à ne pas trop comprendre, puisqu’on parle de Boucheron, qui en a la responsabilité, le sort qui serait réservé à la mini-marque sœur Bédat & Co, dont l’équipe tente d’y croire encore, mais dont les montres n’ont convaincu personne au récent salon parisien Belles Montres. William Dewine, l’ex-CEO de Bédat, démissionné cet été, n’en est pas moins venu proposer à l’état-major de Richemont sa candidature comme futur CEO de Roger Dubuis. Avec le succès qu’on imagine...
••• SURPRIS les premières images de la future collection Ralph Lauren, qui sera dévoilée au SIHH. « Caramba, encore raté ! », comme on dit dans Tintin... Trois collections pour le moins disparates – on cherche en vain le fil conducteur identitaire – qui mixent sans vergogne tous les tics des tendances horlogères 2007 et 2008 : le résultat n’a semble-t-il convaincu personne, d’autant que Pamela Clouthier, l’actuelle directrice marketing (ex-de Grisogno), n’a toujours pas clarifié son positionnement prix, qui peut varier du simple au double d’une réunion stratégique à l’autre...
••• ENTR’APERÇU une autre collection intéressante du prochain Baselworld : celle que prépare Swarovski, qui a totalement renouvelé son approche du monde horloger. Design très soigné et prix accessible pour des montres sans esbroufe qui devraient certainement trouver leur place sur le marché...
••• REFAIT le compte des boutiques horlogères qui ferment alors que d’autres continuent à s’ouvrir. Qui veut récupérer la boutique Omega de la rue Saint-Honoré, à Paris ? Le Swatch Group devrait d’ailleurs en fermer une bonne dizaine d’autres dans les mois à venir. Richemont, de son côté, déclare forfait pour la boutique Jaeger-LeCoultre qui devait s’ouvrir en face de la boutique Rolex, au 9, place Vendôme. Du coup, c’est Panerai qui attendra la fin de la crise pour remplacer Jaeger-LeCoultre à l’angle de la place Vendôme. De toute façon, tous les investissements immobiliers sont gelés chez Richemont – dont on remarquera que les chantiers des manufactures suisses sont également en panne. A suivre...
••• REÇU un communiqué un peu surréaliste de Baselworld, pour m’assurer que le salon dévoilerait cette année, dès le 26 mars, « les nouvelles tendances 2009 ». A savoir : « Un garde-temps chamarré suspendu à une chaîne tombant jusqu’à la taille [pour] rappeler la turbulente époque hippie des années soixante-dix... A contrario, une certaine élégance discrète symbolise la joie de vivre des années soixante... Les montres de grande taille, composées des matériaux les plus divers, dominent toujours le marché. Leurs aiguilles au design minimaliste assurent une lisibilité optimale. Les boîtiers, généralement ronds, plats et élégants, sont souvent rehaussés par des composants carrés... » Difficile de comprendre où veut en venir Sylvie Ritter, la directrice de Baselworld, quand elle précise que tout ceci s’entend... « abstraction faite de tous les facteurs externes non influençables »...
••• PRESSENTI les prémisses d’une prochaine déflation des prix horlogers en constatant le succès des « ventes au personnel » un peu partout dans les manufactures suisses et dans les sièges sociaux français. Qui pourrait résister à une pièce de haute horlogerie à moins 60, moins 70, voire moins 80 % ? Pas moi, et je suis prêt à admettre qu’il faut « nettoyer » les stocks des vieilles collections, mais j’y ai aussi vu des pièces toute récentes lancées récemment par des grandes marques de grands groupes. Je plains les détaillants qui risquent de trouver leurs ventes de fin d’année un peu maigres...
••• COMPRIS, au sujet de ces ventes, l’incroyable engouement des Américains pour les marchandises soldées en fin d’année [syndrome Black Friday]. Beaucoup de volume à prix écrasés pour peu de profits et l’essentiel des ventes asséchées au cours des mois qui viennent. « Oubliez Christmas », annoncent les gourous américains. « Ce n’est pas pour ce Noël, ni même le suivant », pronostiquent les analystes suisses, qui ne croient pas les pays émergents capables de relancer la machine et qui tablent sur la fin effective du « super-cycle » horloger des années deux mille.
••• DÉCIDÉ que Business Montres sera le seul site Internet à ne pas publier une des images de la nouvelle campagne Louis Vuitton avec Madonna. 10 millions de dollars pour faire lever la jambe à une quinqua renfrognée en collants résille, c’est un peu indécent alors que des millions d’Européens, d’Américains et d’Asiatiques sont jetés à la rue par la crise...
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