|
Apparemment, la loi de l’omerta et les craintes de représailles publicitaires fonctionnent moins bien dans le secteur de l’information horlogère : j’adore quand les journalistes acceptent de se lâcher un peu…
••• Palme du courage à L’Agéfi suisse, qui dispose de deux plumes capables de mettre le pieds dans le plat. Stéphane Gachet nous avait habitué à une certaine liberté de ton. Bastien Buss, qui rentre d’une année sabbatique loin du microcosme, semble décidé à ne pas se laisser marcher sur les pieds par les uns ou les autres.
Résultat : un courant d’air frais dans l’information horlogère, quand il s’agit de dire les choses comme elles sont, que cela concerne le Swatch Group, Movado ou la conjoncture économique en général [j’en parle avec d’autant plus de plaisir que je ne suis pas moi-même entièrement d’accord avec les analyses de Bastien Buss sur l’affaire de l’augmentation des prix décrétée par ETA].
••• Comme toujours, les suiveurs suivent : on voit donc Le Temps (Genève) reprendre dans ce dossier ETA des éléments d’analyse à peu près identiques à ceux de Business Montres, qui écrivait le 27 novembre : « En plus de TAG Heuer, on peut considérer que Baume & Mercier, Raymond Weil ou même IWC et Hublot sont aussi dans le collimateur. Il s’agit là de “nettoyer“ un peu le créneau visé par Longines ». Dans Le Temps du 12 décembre, François Pilet conclut : « Swatch aurait choisi son moment pour asséner un coup dur aux TAG Heuer, Raymond Weil, Maurice Lacroix et Baume & Mercier, pour favoriser ses propres marques concurrentes sur le même segment, Tissot, Longines et Omega ».
••• L’information sur cette hausse des prix avait été publié dès le 20 novembre par Business Montres et discutée sur Forumamontres, documents officiels d’ETA à l’appui, dans les jours suivants, mais on ne va pas en vouloir à un quotidien lausannois de traiter l’actualité avec trois semaines de retard à partir du moment où le ton est assez franc et l’information sans souci du qu’en dira-t-on horloger…
••• Même tendance à la libération de la parole dans les revues horlogères : pour Watch Around, Jean-Philippe Arm rappelle, en parlant de la « revanche du réel », que les financiers de la bulle spéculative aujourd’hui honnie ont nourri l’art horloger à la mode. En notant, au passage, que l’horlogerie virtuelle avait même frappé, cet automne, avec des « avatars officiellement sélectionnés dans des concours censés honorer les montres du millésime »…
••• On a également noté dans Movment un sursaut de plume d’Eric Othenin-Girard, qui se demande si la crise ne se cache pas derrière les excellents chiffres à l’exportation. Ce n’est pas Business Montres qui se plaindra de ce soutien des confrères : depuis le début septembre [l’article qui demandait : « Et si on arrêtait de se raconter des craques ? », bien avant l’explosion du krach financier], il est devenu évident que la FH a joué, à son corps défendant, un rôle négatif dans l’évolution de la crise. L’illusion statistique – celles des seuls chiffres disponibles – a probablement empêché l’industrie d’anticiper en temps utile les bonnes décisions et retardé une salutaire prise de conscience. Trop de décisions ont été et seront prises désormais dans l’urgence pour que la FH puisse faire l’économie d’une réflexion sur la nécessité de disposer de chiffres fiables sur la réalité de l’activité horlogère : c’est tout un appareil de repérage et d’analyse qu’il faut construire !
••• D’autres exemples d’une nouvelle liberté de parole seraient à citer. En particulier les prises de position assez courageuses de la Fondation de la haute horlogerie à propos de situation réelle de l’horlogerie. Ces initiatives ne rendent que plus étranges les silences de médias horlogers qui s’affirmaient d’influence. Je pourrais parler ici de Worldtempus, impertubable robinet à communiqués de presse triomphants – « Tout va très bien, Madame la Marquise » – qui se contente au mieux d’une revue de presse sélectionnée. Mais il avait été convenu qu’on ne tirait pas sur les ambulances…
••• Une remarque en passant : avez-vous remarqué à quel point les suppléments horlogers de fin d'année semblent décalés, avec leurs rédactionnels à la gloire de modèles qui prennent la poussière dans les vitrines et leurs publicités déjà datées d'avant la crise ? Avez-vous remarqué la minceur quasi-anorexique des suppléments luxe qui regorgeaient l'année dernière d'annonces triomphales et de superlatifs jamais lassés sur les zéros avant la virgule ? Que le spécial Luxe du Figaro était modeste et minimaliste cette année...
|