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Tiens, pour changer, on va parler de montres…
 
Le 16-12-2008
de Business Montres & Joaillerie

On pourrait parler de… Mademoiselle Chanel, de l’osmium, de la poubelle, de l’écran souple, de la crise,
du polissage chez Bulgari, de la pyramide fatale, de l’America’s Cup, de l’intox, de l’info et de l’inusable Jean-Claude Biver…

••• OSMIUM : c’est un métal abondant sur cette terre, qui a plusieurs avantages, dont celui d’être deux fois moins cher que l’or ou le platine [deux métaux qui sont actuellement à des prix équivalents, contrairement à ce que veulent nous faire croire certaines marques] et d’être bourré de qualités industrielles. Voisin du platine, il en a la brillance, la dureté et la résistance, alliées à une intéressante couleur gris bleuté. Son dernier exploit : selon certaines recherches de l’université de Warwick (Royaume-Uni), c’est un fantastique anti-cancer. De là à en faire un argument marketing subliminal pour créer des boîtiers de montres innovants, il n’y a qu’un tout petit pas, vite franchi par certaines marques…

••• SOUPLESSE : toujours dans la série des produits hybrides qui pourraient révolutionner l’horlogerie [le tabou électronique + mécanique a déjà été violé par plusieurs manufactures], il faut s’intéresser aux nouveaux écrans souples mis au point par HP et l’université d’Arizona. Il s’agit d’un papier électronique déjà industrialisable, qui allie faible prix de revient et faible consommation d’énergie. De quoi proposer, sur une montre mécanique, des affichages périphériques qui ne remettraient pas en cause l’intégrité du calibre purement mécanique : pourquoi pas sur le bracelet lui-même ou en fond de boîte ? Il pourrait aussi être question d’écrans tactiles sur les verres saphir, avec un affichage/désaffichage de fonctions annexes sur le verre lui-même…

••• POUBELLE : faut-il jeter à la poubelle toutes les campagnes horlogères conçues avant la crise ? Les stratégistes des grandes agences de publicité se posent la question tellement ces campagnes semblent décalées par rapport aux orientations mentales des consommateurs. Si tout le monde s’accorde à penser qu’on ne peut plus parler aux consommateurs de la même manière, ni mettre en scène les mêmes valeurs, les nouvelles tendances divergent pour répondre à cette mutation rapide du paysage marchand. Option 1 : jouer la proximité, l’écoute, la modestie, la relation égalitaire avec le consommateur devenu expert à la place de la marque. Option 2 : accentuer, au contraire, l’aspect hédoniste et les valeurs de consumation – plutôt que de consommation – liées à la marque, qui sera considérée comme le totem tribal et emblématique d’une culture particulière. Option 3 : l’humour et la dérision dans un grand clin d’œil à une actualité déprimante, avec une logique de complicité et de connivence qui fait le lien avec l’option 1. Bref, on change tout pour que rien ne change…

••• AUTO-RÉPARATION : certaines recherches font rêver, comme celles qui concernent les polymères auto-réparateurs. Imaginez une montre dont la « peau » – un traitement de surface – se réparerait d’elle-même au premier accroc ou à la première rayure, voire à la première attaque de rouille. C’est, d’une part, se libérer des contraintes du choix des matériaux, jusqu’ici choisies pour leur résistance à l’oxydation (acier, or, etc.). C’est d’autre part libérer sa créativité pour ce qui concerne le revêtement d’un boîtier exposé aux chocs : des traitements aux polymères auto-réparateurs permettent toutes les fantaisies côté matières plastiques et couleurs. C’est enfin ouvrir de nouvelles perspectives pour les mouvements, qui pourraient vraiment devenir autolubrifiants. Le tout à documenter dans la revue Advanced Materials, grâce aux travaux de Paul Braun et de Scott White (université de l’Illinois, Etats-Unis)…

••• INFO OU INTOX ? Les initiés affirment que l’« affaire Madoff » – du nom d’un ancien dirigeant du Nasdaq américain, arrêté pour une fraude portant sur 50 milliards de dollars – aura des conséquences directes sur la haute horlogerie suisse, dont quelques dirigeants étaient clients du « jeu de l'avion » réinventé par Bernard Madoff. Les banques privées genevoises sont également éclaboussées (et dépouillées !) par cette affaire montée comme une classique « escroquerie pyramidale ». Ce qui est épatant, c'est que des managers d'élite se laissent encore plumer dans de telles combines…

••• BON SENS : « Si des marques connues s’avèrent mises en difficulté par un hausse de 25 francs du prix des mouvements, ça doit être que leurs affaires ne sont pas très solides », s’exclame Jean-Claude Biver à propos des dernières augmentations de prix décidées par ETA (Swatch Group). Il est vrai que Hublot met actuellement la dernière main à un mouvement chronographe « manufacture », roue à colonnes et tout le reste, qui est déjà en pré-production dans les ateliers de la marque. Ce calibre a en grande partie été mis au point par une « jeune » recrue de Jean-Claude Biver : René Maillefer, ancien chef de production de la ligne Valjoux chez ETA, mis à la retraite par le Swatch Group. L’expérience de cette « jeune » recrue a permis à Jean-Claude Biver de gagner trois à quatre ans dans la mise au point d’un calibre chronographe fiabilisé, qui ser intégralement produit dans la nouvelle manufacture Hublot de Nyon [on pourra constater l’avancement des travaux pendant le SIHH]…

••• BIVER BIS : savez-vous pourquoi Business Montres n’a pas lancé cette année sa traditionnelle consultation des journalistes horlogers (pas loin d’une centaine à travers le monde) pour désigner le « manager horloger de l’année » ? Parce qu’il m’est apparu, après sondage rapide, que Jean-Claude Biver allait être désigné pour la troisième année consécutive et que ça paraîtrait très suspect. Donc, abstention, mais le cœur y était…

••• BIVER TER : une autre bonne raison de ne pas parler de Jean-Claude Biver serait sa récente entrée dans la liste des 300 plus grosses fortunes de Suisse. Selon Bilan, il est le seul à intégrer le peloton des premières fortunes horlogères, avec 100 à 200 millions de francs suisses [chiffres non confirmés et singulièrement approximatifs] retirés des ventes successives de ses parts dans Blancpain et dans Hublot...

••• MYOPIE : les prévisions des agences de notation n’engagent que ceux qui els croient. Quand un analyste japonais (Nomuta Equity Research) estime que les marges des groupes de luxe devraient à peu près se maintenir d’ici à 2010, alors que leurs ventes reculeront, on se pose des questions : tout indique que les marques vont non seulement bloquer leurs prix aux niveaux actuels, mais souvent les réduire (Louis Vuitton annonce ainsi 7 % de baisse sur ses prix japonais). On ne voit pas bien comment les bénéfices actuels se maintiendraient avec des ventes et des prix en baisse : 29,7 % du CA en 2007 pour PPR contre 26,3 % en 2010, 20,9 % pour 18,1 % (même période) chez Richemont, c’est assez fantaisiste. Comme, de son côté, la banque HSBC persiste à voir les résultats de LVMH augmenter en 2009, on comprend encore moins…

••• ÉMERGENCE : les prévisionnistes financiers misent à peu près tous sur les « pays émergents » – les fameux BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine. Lesquels sont plutôt mal en point : Brésil et surtout Chine ne vivaient hier que des usines qui produisaient pour les pays occidentaux. Les nouveaux riches de ces pays prospéraient grâce à l’argent des consommateurs américains et européens qui achetaient les produits de ces usines. Ce moteur est cassé aux Etats-Unis et en Europe : comme une classe moyenne n’a pas eu le temps de sédimenter au cours de ces années de vaches grasses, le soufflé va retomber très vite, sans effet de reprise tant que la reprise n’aura pas eu lieu aux Etats-Unis et en Europe. Le même schéma reste valable pour la Russie ou pour l’Inde, loin d’avoir atteint cette phase de maturité économique qui voit l’apparition d’un marché intérieur digne de ce nom. S’il y a des « marchés émergents » pour les marques de luxe, ce sont aujourd’hui leurs marchés historiques, notamment l’Europe de l’Ouest (Allemagne, France, Italie, etc.), longtemps négligés pour cause de tropisme russo-asiatique : la vraie reconquête, pour les marques de montres, sera celle de leur marché intérieur !

••• POLISSAGE : que fait-on quand les profits de sa marque chutent de 44 % au dernier trimestre ? Tout, sauf ce que vient de faire Francesco Trapani, le président de Bulgari (ci-dessus). Pour illustrer le fait que le luxe n’était pas crisis proof et devait se préoccuper de ses coûts, il a montré à un journaliste du New York Times que le verso du bracelet de sa montre or-acier n’était plus poli, mais laissé mat. « Au lieu de penser aux vedettes et aux dépenses somptuaires, nous pensons à réduire les coûts », précisait Francesco Trapani. Evidemment, Nelson D. Schwartz en a fait l’ouverture de son article (7 décembre) sur les difficultés actuelles de Bulgari [cote boursière divisée par deux et gestion déficitaire d’un réseau de 260 boutiques] ! Soit un méchant coup de canif dans l’image de la marque pour quelques centimes d’euros économisés sur le polissage. Ingénuité ou machiavélisme à usage interne ? Le New York Times cite le témoignage d’une cliente de la maison-mère, via dei Condotti, à Rome : « On vous fera 40 % de discompte si vous n’achetez pas les pièces de la dernière collection »…

••• INFO OU INTOX ?, saison II : les plus folles rumeurs courent en Suisse sur deux ou trois des principaux distributeurs de montres suisses dans la zone Caraïbes-Amérique latine. Distributeurs qui semblent téléphoniquement aux abonnés absents et qui ne répondent plus aux e-mails. Ce serait d’autant plus grave que ces ténors latinos de la montre suisse gèrent des stocks qui dépassent la centaine de millions de dollars pour les marques des grands groupes de luxe…

••• LE GRAND JEU : très belle série d’opérations réussies pour la communication de Chanel. Après le coup de maître de la pièce de 5 euros Chanel frappée par la Monnaie de Paris [la pièce en or est déjà introuvable sur le marché], Chanel relance la mise avec la réalisation du film Coco avant Chanel qui voit Audrey Tautou incarner Mlle Chanel dans les années les plus créatives de sa maison de couture. La couturière et la comédienne sont deux Auvergnates : c’est peut-être ce qui rend l’interprétation si crédible. Ce film est actuellement tourné par Anne Fontaine, qui a mobilisé Karl Lagerfeld pour recréer des modèles « à la manière de Mlle Chanel » et qui fait découvrir les coulisses de ce qu’était la boutique de la rue Cambon dans les années folles : une sorte de concept store à la Colette. Bref, une magistrale leçon de product placement et de branding post-moderne. Sortie du long métrage prévue à la rentrée 2009 : l’équipe de Chanel Horlogerie aura-t-elle réussi à équiper Audrey Tautou d’une montre [on sait que Gabrielle Chanel n’aimait que les montres d’homme, empruntées à ses amants] ?

••• BROUILLARD : rien ne s’éclaircit vraiment dans le ciel de l’America’s Cup, avec des initiatives contradictoires qui sèment un peu plus de brouillard dans le paysage nautique. Les Pacific Series lancées par Louis Vuitton – une fantastique initiative stratégique – connaissent quelques annulations (officiellement, faute de trésorerie pour certaines équipes), mais la liste des challengers inscrits à Valence pour la 33e America’s Cup ne cesse de s’allonger : face au Defender (le précédent vainqueur et organisateur Alinghi), on compterait déjà 16 équipes confirmées plus quatre en cours d’inscription, en vue d’épreuves qui se dérouleraient à Valence en 2010 et d’une finale en 2011. Un syndicat manque toujours à l’appel : BMW Oracle, engagé dans un bras de fer juridique de plus en plus embrouillé avec Alinghi…

 



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