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Quelques éclairages sur la semaine horlogère qui commence
 
Le 25-12-2008
de Business Montres & Joaillerie

Une semaine qui sera courte – « trêve des confiseurs » oblige – mais les manufactures de montres, de mouvements et de composants s’activent toujours frébrilement, à quelques jours du SIHH et à quelques semaines de Baselworld…


••• RECORDMAN : Enfin, une bonne nouvelle ! Tout ne va pas si mal, puisque notre président bien-aimé, Jean-Daniel Pasche (Fédération horlogère suisse), considère que « quoiqu’il arrive en décembre, 2008 sera paradoxalement toujours une année record »…

••• A POIL ! Alain Silberstein nous avait déjà proposé des montres à cadran croco, boîtier gaîné de croco et bracelet croco. Tokyoflash se lance dans la montre en fourrure : non seulement le bracelet, mais aussi le cadran. Avec les LED multicolores de la collection Waku et la couleur flashy des fourrures proposées, c’est géant. Il existe une autre version en « croco ». Rassurons ceux qui s’inquiéteraient pour les petites bêtes à poils : c’est de la fourrure synthétique – ce qui est au fond plus éthique que les bébés alligators écorchés prématurément pour finir en bracelets pour montres de luxe ! (http://www.tokyoflash.com/en/watches/tokyoflash/waku/)

••• TRANCHE DE VIE : allez donc faire un tour à la nouvelle boutique Georg Jensen de Madison Avenue. On y propose non seulement les montres et les bijoux de la marque danoise, mais aussi tout un univers représentatif du style de vie danois. Une grosse vingtaine de marques de luxe danoises (design, mobilier, décoration, hi-fi, etc.) ont accepté d’offrir à Georg Jensen quelques éléments de mobilier pour planter un décor danois, qui les pose en acteurs de ce style de vie autant qu’il pose Georg Jensen au cœur de cette touche danoise que recherchent les aficionados.
On est passé de la boutique-musée à la boutique-maison : une révolution dans le merchandising. Moins de compétition entre les marques, davantage de coopération : il s’agit d’associer un patrimoine culturel à chaque objet et de le contextualiser par la création d’un récit convaincant et authentifiable – story telling – dans chaque détail de l’environnement…

••• ENCORE UN COUP DE LA DÉSALPE ! Quand Jean-Claude Biver médiatise dans le monde entier, grâce à sa télévision privée, la désalpe de son mini-troupeau, fait-il autre chose que de contextualiser et de surépaissir le référent helvétique de ses Big Bang ? Que fait Franck Muller en installant ses maîtres-horlogers en vitrine aux quatre coins de Genève, sinon densifier son message de « master of complications » ? De là à râper du gruyère dans les shopping malls de Shanghai, il n’y a qu’un pas… que beaucoup refuseront de franchir !

••• SOUCOUPE VOLANTE : tout reste à réinventer, même les écrins horlogers. On s’en convaincra avec la dernière proposition de MB&F pour sa nouvelle HM3 : une vision rétro-futuriste travaillée dans l'aluminium, qui aurait séduit Jules Verne, fait rêver Robida et enthousiasmé Raymond Loewy (ci-dessus)…

••• OMEGA : un nouveau conservateur pour le musée Omega de Bienne. Il s’agit de Brandon Thomas (ex-Antiquorum), qui vient préparer la succession de Marco Richon, âme historique du musée, qui prendra sa retraite à la fin 2009. Brandon Thomas rapportera directement à Jean-Claude Monachon, VP Product Development.

••• L’ANNÉE DU VINTAGE : c’est reparti pour une année de commémorations, rééditions et autres séries « spécial anniversaire », qui pourraient dénoter un certain manque de créativité. Explication possible : personne ne veut prendre de risques alors que s’ouvre « 2009, l’année de tous les dangers ».
Exemple de cette absence de risques : IWC, qui mettra en vedette sa collection Vintage (présentée en 2008), mais avec des boîtiers en or au lieu d’acier ou de platine. Du coup, IWC baisse de 10 % le prix de ses Vintage acier et rembourserait même la différence aux acheteurs de ces derniers mois (non officiel et peut-êre réservé au marché allemand)...
Exemple du style néo-rétro confortable : TAG Heuer et sa réédition en série limitée (1 000 pièces) d’un chronographe Monaco qui fête ses quarante ans, dans les couleurs d’origine, avec l’allure du Calibre 11 d’origine (couronne à gauche, mais ce ne sera pas un vrai Calibre 11) et avec le cadran d’origine (sans le TAG, juste le Heuer). Seul regret pour ce énième Monaco à goût vintage : les poussoirs champignons rainurés de la version 1969 avaient tout de même un autre style que les poussoirs rectangulaires bon marché de la « réédition » 2009…

••• SÉRIES ILLIMITÉES. Hublot aura lancé en 2008 une grosse trentaine d’éditions limitées de sa Big Bang, et certainement plus si on décomptait toutes les séries exclusives réalisées pour telle ou telle boutique. Dernière en date, encore pas répertoriée sur le site Hublot, une édition spéciale Morgan du chrono Aerobang, rebaptisé Aeromax en l’honneur su sublime coupé Morgan qui porte ce nom et dont la série limitée à 100 voitures est pour le coup déjà sold out. Encore un nom à rajouter à la liste des horlogers qui prennent le volant…
••• ET VICE VERSA ! Vivement des voitures directement conçues par des horlogers : on en verra une démonstration époustouflante à Genève [révélation Business Montres du 5 janvier prochain]!

••• BLACK CAVIAR : toujours chez Jean-Claude Biver, il ne faudrait pas que, passées les fêtes, on oublie sa sublime One Million Dollars Black Caviar, dont les diamants noirs en taille baguette restructurent la ligne dans un esprit d’« invisible visibilité » qui pouvait passer jusqu’ici pour de la pure affèterie intellectuelle, mais qui trouve ici sa démonstration magistrale. Passons sur le tourbillon [tant qu’à vendre une pièce à ce prix-là, autant y loger un tourbillon] et dégustons le Jean-Claude Biver dans le texte : « Quand chaque élément est maîtrisé pour lui-même et dans la cohérence avec celui qui est juste à côté, cela est invisible de l’extérieur mais crée une vibration d’harmonie qui, elle, est visible et suscite l’émotion chez celui qui la perçoit ». Subtil, mais précis pour ce boîtier en or blanc resubstantié par les diamants noirs : ce n’est plus de l’horlogerie, mais de la sculpture (lien ci-dessous) !

••• LIQUIDITÉS : une fois de plus, notre ami Julien Dray, le député socialiste français, est rattrapé par une histoire d’argent liquide sur ses comptes en banque. La dernière fois, c’était pour une Patek Philippe payée 55 000 euros en cash à la boutique de la place Vendôme. Il avait expliqué au fisc que cet argent provenait de la revente d’une partie de sa collection privée. Pour l’avoir croisé dans différentes boutiques ou aux Puces, je savais cet ancien agitateur trotskiste devenu un très sympathique amateur de belles pièces, des Mickey de Gérald Genta aux RM de Richard Mille. Pièces qu’il a toujours semblé revendre pour racheter mieux. On lui reprocherait – qui sait exactement quoi ? – cette fois de gros mouvements de fonds d’origine douteuse sur ses comptes : la haute horlogerie aurait-elle encore perdu un bon client ? En tout cas, considérons-le comme innocent jusqu'à nouvel ordre...
••• VOEU DE PAUVRETÉ : les députés socialistes – même ex-trotskistes – ne font pas voeu de pauvreté, ni d'abstinence pour le shopping. Comme parlementaires et élus locaux, ils gagnent très bien leur vie (environ 15 000 euros), ce qui pourrait justifier un goût particulier pour les belles montres ou n'importe quels autres objets de luxe. Est-ce que le fait d'avoir une belle montre qui fait d'un homme un suspect ?

••• VIVE LA CRISE ! Elle n’empêche pas les bonnes affaires chez Louis Vuitton, qui vient de boucler discrètement sa première grande vente de haute joaillerie, moins d’un mois après la présentation de la première collection, remarquée pour la taille exclusive de ses diamants [une forme de monogramme, déclinée en 77 et 61 facettes]. Une fabuleuse parure de diamants (collier de 108 carats) et plusieurs pièces assorties (broches, bracelets, boucles d’oreille) viennent de changer de main pour cinq millions de (pétro)dollars.

••• AUDEMARS PIGUET : la manufacture du Brassus tient à faire savoir que, contrairement à ce qu'indiquait une parenthèse de Business Montres vendredi dernier, « l'information selon laquelle Audemars Piguet aurait procédé ou procéderait à des licenciement est erronée ». Précision de la marque : « Nous sommes toujours à la recherche de collaborateurs pour certains postes et des personnes ont été récemment engagées ». Dernière précision : « La succession de M. Georges-Henri Meylan était planifiée depuis longtemps. Ce dernier souhaitait en effet prendre sa retraite à la fin de l'année 2008. C'est dans cette perspective que son départ a été annoncé en janvier 2008 et que la recherche d'un successeur a été lancée. M. Meylan demeure actionnaire d'Audemars Piguet Holding SA et qu'il continuera de siéger au sein du Conseil d'administration d'Audemars Piguet Holding SA ».
••• QUE DES BONNES NOUVELLES ! Tant mieux si Audemars Piguet embauche, j'en prends bonne note, mais j’aurais tendance à maintenir mes informations concernant des allègements de personnel en préparation au Brassus. Après tout, c’est peut-être mieux de l’annoncer après les fêtes.
Je n’ai jamais pensé, ni écrit, que Georges-Henri Meylan s’était fait limoger à la façon d’un célèbre président genevois. Le savoir heureux de partir à la retraite me réjouit le cœur. Il n’en reste pas moins un des plus éminents représentants de la liste des ex-managers qui ne vivront pas les salons 2009 au poste qu’ils occupaient en 2008…

••• POUR CETTE SEMAINE DE NOËL, UNE PENSÉE PLEINE DE COMPASSION pour les employés de quelques marques tombées dès les premiers coups de canon de la « Première Crise mondiale » :
• Yema « Maison horlogère française 1948 » (Besançon), qui n’est pas la seule victime, mais qui est, parmi les grandes références, celle qui a le plus souffert et celle qui pourrait surtout ne pas se remettre des convulsions actuelles…
• Villemont (Genève), qui a fermé ses portes et licencié son personnel, mais qui attend des juges genevois un illusoire « stop ou encore »…
• Et toutes celles qui ne vont pas bien du tout…
••• À CE SUJET, il faudrait exiger des administrateurs qu’ils ferment les sites Internet des marques défaillantes, ou au moins qu’ils y mettent une bannière de deuil : a posteriori, les coquetteries de relations publiques, le sourire Colgate du CEO ou les rodomontades des revues de presse ont de quoi faire grincer les dents des amateurs dépités et des détaillants échaudés.
Peu de gens ont compris que tout restait et resterait désormais sur Internet, ad vitam aeternam ou du moins très très longtemps, et plutôt pour le pire que le meilleur.
Exemple de recherche sur Google, à deux lignes d’intervalle. Communiqué du 24 septembre 2008 : « Affichant une croissance continue et exponentielle depuis sa création, Montres DeWitt S.A. renforce sa direction générale ». Communiqué des mêmes, en date du 18 décembre 2008 : « La Maison horlogère a vu depuis septembre dernier ses livraisons baisser de façon tangible. Faisant face à une conjoncture économique de plus en plus morose, Montres DeWitt SA se voit contraint de procéder à des mesures de restructuration ». Ça fait désordre !

 



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