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Juste avant d’allumer le sapin, des cristaux, des lumières, des éclairs de génie, une taxe de folie, des matières précieuses, un ex-président russe,des fonds mirobolants, des parachutes dorés et un SIHH pas si mal rempli…
••• DE HAUT EN BAS : moi, j’ai adoré la géniale « baisse à un haut niveau » pronostiquée par la FH pour l’année 2008. Pas vous ?
••• Peut-être faudrait-il lancer une souscription pour offrir des cours d’économétrie à la FH, dont les responsables doivent comprendre que les exportations ne sont pas les ventes [seul indicateur fiable de la santé d’une industrie, surtout avec la multiplication des stocks-tampon dans les filiales] et que les statistiques ne sont pas une fin en soi, mais un des éléments qui permettent de construire ou au moins d’éclairer une stratégie industrielle…
••• SWAROVSKI : comme annoncé dans Business Montres dès le 5 décembre (« Le Sniper du vendredi »), Swarovski refait une apparition sur le marché horloger, en annonçant pour Baselworld (hall 1.0) pas moins de 5 collections Swiss Made et 45 modèles, tous organisés autour d’une mise en valeur du cristal Swarovski et tous porteurs du cygne fétiche de la marque. La nouvelle Octea Sport sera une montre de femme à mouvement quartz, boîtier acier de 39 mm serti de cristaux et bracelet caoutchouc.
••• PLATINE : ça y est, même le Wall Street Journal a fini par repérer que le platine était désormais moins cher que l’or, ce dont les lecteurs de Business Montres avaient entendu parler dès le 15 décembre dernier ! Tous ceux qui n’y croyaient pas et qui ont pris la peine de vérifier ont pu le constater. Il n’en reste pas moins que, même à prix égal pour le métal brut, le platine reste infiniment plus coûteux que l’or : ses frais de mise en alliage sont beaucoup plus importants et ses frais d’affinage sont aussi plus importants (process industriel trois fois plus long que pour l’or). On peut ajouter au tableau les taux de leasing également triplés pour financer des achats de matière première platine (4 à 5 %, contre 1,5 % pour l’or). Bref, un boîtier en platine a toutes les chances d’avoir un prix de revient plus élevé, auquel il faudra ajouter des frais d’usinage et de polissage plus élevés (plus dense et plus lourd que l’or, le platine n’est pas plus « dur », mais plus « mou » et il « colle » aux outils)…
• Précision concernant un métal récemment présenté par Business Montres : l’osmium est effectivement fabuleux anti-cancer à doses nanothérapeutiques, mais il est… puant à l’air libre. Il s’oxyde à température ambiante pour former un composant très toxique et malodorant !
••• POUR UNE POIGNÉE DE DOLLARS : le gouverneur de l’Etat de New York (15,4 milliards de dollars de déficit comptable en 2008), David Paterson, se propose d’instaurer une taxe supplémentaire de 5 % sur les montres de luxe facturées à plus de 20 000 dollars.
••• Pour mémoire : Tourneau, le premier réseau américain pour les montres de luxe, vient d’annoncer une baisse de 40 % de son chiffre d’affaires. Quelqu’un pourrait-il expliquer à ce digne bureaucrate new-yorkais que le marché de l’horlogerie est en crise et qu’il n’y a rien à gratter de ce côté-là, hormis un encouragement pour les Américains à faire leurs achats de montres ailleurs qu’à New York ?
••• LE SOLEIL SE LÈVE-T-IL A L’EST ? Apparemment, ça ne va pas mieux en Chine, où le distributeur Xinyu Hengdeli fait état d’un recul de 30% de ses ventes par rapport à 2007. Ce qui n’empêche pas certaines marques de niche de continuer à bien vendre dans la périphérie chinoise : la récente inauguration à Kuala-Lumpur (Malaisie) de la Starhill Gallery (premières mondiales pour les boutiques exclusives DeWitt, Blu, Ulysse Nardin, Graham) prouve qu’on peut y croire encore. C’est aussi là que Richad Mille, Audemars Piguet ou Richard Mille ont leur plus grande boutique internationale. La liste des marques horlogères présentes dans sa Gallery est impressionnante. Merci au Dr Francis Yeoh de continuer à nous faire rêver ! On peut déjà révéler qu’il prépare une autre Gallery pour les marques de montres, dans le futur casino de Singapour…
••• WATCH AWARD : c’est lors de cette inauguration de la Starhill Gallery qu’ont été décernés les Starhill Gallery Watch Award 2008, avec une récompense dans la catégorie Design pour la WX-1 de Jerôme De Witt, qui marquera l’année horlogère par son concept à cheval sur la frontière entre montre et objet d’art. Une « montre » disruptive, qui commence à être livrée, mais qui est sans doute encore trop en avance sur le marché pour être comprise par des jurés européens.
••• TESTS : trois tests essentiels en janvier pour l’industrie horlogère. Le Noël orthodoxe (7 janvier), traditionnelle source de ventes ostentatoires. Le SIHH (19 janvier), où on pourra juger du niveau des commandes. Le Nouvel An chinois (26 janvier), rendez-vous décisif pour les serial shoppers asiatiques.
••• VENTES PRIVÉES : déluge de montres de grandes marques à prix sacrifiés ! Après les ventes au personnel dans les marques et les manufactures, en France comme en Suisse, les initiés ont fait des affaires et les non-initiés piqué une grosse colère d’avoir raté ces bonnes affaires. Discret les années précédentes, le phénomène s’est amplifié dans les groupes. A tel point qu’il est en train de s’institutionnaliser, au risque de déstabiliser les marques : le dernier stock de Baume & Mercier dispersé en ventes privées on-line a beaucoup fait tousser le réseau français…
On compte désormais sur le Net plusieurs centaines de sites spécialisés dans les ventes privées, dont une grosse moitié en Europe. En France, venteprivee.com a ouvert le marché et compte 700 personnes, qui vendent 100 000 articles par jour. Le phénomène s’est étendu au Royaume-Uni, avec des sites comme RuleLaLa.com ou Brandalley, puis en Allemagne. On a même vu un site comme EditorsCloset.com organiser une vente privée de 4 x 4 Hummer !
Initiative intéressante : le groupe de presse Bauer, qui dispose de 200 titres plus ou moins spécialisés dans la mode et l’art de vivre, vient de créer son propre site de ventes privées, Cocosa.com, en y associant ses titres-leaders anglais comme Grazia (hebdo féminin, 550 000 exemplaires au Royaume-Uni) ou Arena Homme Plus (masculin). Un fantastique accélérateur de ventes à des fashionistas de plus en plus avides de bonnes affaires…
••• UNE BLANCPAIN POUR POUTINE : on voit beaucoup en ce moment Vladimir Poutine avec un chrono Blancpain au poignet. On peut aussi vérifier qu’il gribouille au lieu de prendre des notes (ci-dessus)…
••• MADOFF : le professeur Marco Avellaneda, qui est professeur de mathématiques à la New York University et « gourou » des nouveaux concepts financiers, raconte dans un de ses papiers privés une visite à Genève, où il avait tenté d’expliquer aux banquiers de Notz & Stücki – qui figurent parmi les premiers victimes du scandale Madoff – quelques nouveaux instruments financiers de toute sécurité. Peine perdue : les banquiers genevois ne juraient que par un mystérieux « fonds Madoff », dans lequel « la moitié de gestionnaires de fortune de Genève avaient déjà investi ». De retour chez lui, le professeur Avellaneda a essayé de comprendre la formule magique de ce Madoff, en lui appliquant toutes les formules mathématiques connues. Peine perdu pour lui aussi : ça ne marchait jamais. Il n’a pas été très étonné d’apprendre que 50 milliards avaient disparu, dont 5 milliards pour la seule place financière suisse (chiffre officiel provisoire)…
••• MADOFF - SUITE : au nom de Patrick Heiniger (ex-Rolex), Me Marc Bonnant, ancien bâtonnier, a tenu à démentir les informations parues dans L’Agéfi (17 décembre) sur l’ « effet Madoff » dont aurait pu être victime Rolex. Pierre Mottu, président du Conseil de Fondation ne dit pas autre chose : « La Fondation Hans Wilsdorf n’a aucune exposition aux fonds de M. Madoff, ni d’ailleurs le groupe Rolex dans son ensemble. Les pertes que vous indiquez [dans l’Agéfi], de même que les circonstances du départ de M. Patrick Heiniger, ne sont que des inventions ».
Business Montres ayant fait part des mêmes informations, ce démenti intéresse nos lecteurs, même si nous n’avons pas écrit – faute d’informations probantes à ce sujet – que Rolex avait investi dans le fonds Madoff. L’essentiel des analyses et des hypothèses présentées dans « Le sniper du vendredi » (9 décembre) reste solide malgré ces démentis officiels.
L’argumentation de Rolex et de la fondation Wilsdorf porte essentiellement sur cette connexion directe avec Madoff. On doit remarquer qu’une entreprise peut placer sa trésorerie dans des fonds classiques et honorables, qui investiront de leur côté dans d’autres fonds qui en financeront d’autres, selon le principe des poupées russes. Fonds qui peuvent se trouver, en bout de chaîne et par un effet de levier, spoliés par le « jeu de l’avion Madoff ». On peut donc admettre la précision apportée par Bertrand Gros, président du Conseil d’administration de Rolex SA : « Aucune des sociétés du Groupe ne possédait d’investissements auprès de M. Madoff ». Sans pour autant invalider l’hypothèse selon laquelle des fonds appartenant à la nébuleuse Rolex (Fondation, Rolex SA, etc.) auraient été perdus sur les marchés financiers : la Fondation ne publiant aucun compte, les preuves risquent de manquer...
Patrick Heiniger dément également la somme de cent millions de francs de « parachute dorée » avancée par L’Agefi : « Le chiffre de la récompense pour services rendus est fantaisiste et M. Patrick Heiniger a donné sa démission après plus de quinze ans d’un règne heureux et prospère pour la société, démission que Rolex SA et son actionnaire ont acceptée ». On retiendra pour la postérité le « règne heureux et prospère »…
Autre élément du démenti publié par L’Agéfi : « Est également de nature à porter atteinte à notre image et à notre réputation l’allégation selon laquelle nos “ventes seraient grevées d’un bon quart“, alors que lesdites ventes sont en nette progression par rapport à l’exercice 2007 ; ce en dépit de la conjoncture économique désastreuse ». Bertrand Gros, président du Conseil d’administration de Rolex SA, risque ici sa crédibilité, mais peut-être a-t-il confondu sell-in aux filiales qui bourrent les tiroirs et sell-out…
On en déduira que toutes les ventes d’horlogerie plongent sur tous les marchés, sauf celles de Rolex. Que tous les fonds de placement de cette planète ont perdu de l’argent, sauf ceux où Rolex avait investi. Et que Patrick Heiniger a brutalement ressenti, en décembre 2008, une pressante envie de renoncer aux charges de son « règne heureux et prospère ».
C’est la saison des contes et légendes de Noël…
••• RETOUR GAGNANT : en annonçant la disparition de Swiss Watch Makers, il semblerait que Business Montres (19 décembre) ait confondu l'ancienne et la nouvelle formule. Si le premier numéro avait déçu, le n° 3 sera bien au rendez-vous du prochain SIHH, et semble-t-il en pleine forme. Ouf !
••• QUOTIDIEN DU PEUPLE : il fut toujours lire Le Quotidien du peuple (Chine) ! Dans son numéro du 19 décembre, il nous raconte comment les consommateurs chinois s’habituent à la crise du luxe : ils montent des dépôts-ventes spécialisés dans les griffes de luxe. Les unes viennent s’y offrir, à prix écrasés, les griffes que les autres cèdent pour se faire un peu d’argent de poche en vidant leurs placards. Exemple : Milan Stop, à Shanghai, devenu spécialiste de la montre de luxe et du sac à main à logo, qu’on présente ici avec l’emballage d’origine. On apprend au détour de l’article que Cartier fait un malheur dans la région en organisant un déjeuner-polo au champagne, mais que Daisy, une vendeuse de Chengdu, pourrait revendre sa collection de dix sacs Chanel parce que son employeur a réduit son salaire de 25 % !
••• Les chiffres qui font réfléchir : selon le magazine Forbes, il y a 24 milliardaires en Chine cette année contre 66 en 2007. La valeur nette combinée des 400 Chinois les plus riches a chuté de 288 milliards de dollars à 173 milliards de dollars (données d’octobre 2008). Le gouvernement chinois, qui prévoyait récemment que la Chine, d'ici 2014, allait dépasser en le Japon et les Etats-Unis comme leader des dépenses sur les produits de luxe et représentait 23% du marché mondial, parle à présent de réduire les taxes à la consommation sur les produits de luxe afin de stimuler les ventes. Il annonce un projet de stimulation de 4 milliards de yuans pour relancer la demande intérieure et de maintenir la croissance économique.
••• LUMIÈRES : l’horlogerie, qui a raté le virage des LEDs pour ses mouvements électroniques, manquera-t-elle le train des OLEDs, ces diodes électroluminescents organiques qui semblent encore plus prometteurs. Les chercheurs de l’Institut Fraunhofer (Allemagne) viennent de mettre au point une source lumineuse OLED tactile – ce qui était dans la logique de ces technologies, les OLEDs était une source de lumière froide. On peut donc les allumer et les éteindre par simple pression sur la surface lumineuse (l’OLED elle-même fait office de capteur tactile), tout en faisant varier leur intensité par un mouvement du doigt à la surface.
••• L’intérêt pour l’horlogerie est évident. Non seulement ces OLEDs ne consomment que très peu d’énergie, mais, en les combinant à des écrans tactiles, il devient possible de créer des fonctions horlogères lumineuses ou des animations de cadrans basées sur des jeux de lumière… (http://www.ipms.fraunhofer.de)
••• SIHH : le inscriptions et les réservations pour le SIHH sont désormais bouclées. Les chiffres confirment les informations de Business Montres (« Le sniper du vendredi », 19 décembre) : érosion générale (-15 %) et forte chute des Américains, quoique les principaux points de vente de la planète soient représentés, forte présence des Européens et mobilisation identique des journalistes (1 300 environ). Cette érosion – provoquée par la crise – avait cependant été anticipée dès l'année dernière, le SIHH ayant entamé un repositionnement du salon vers davantage d'exclusivité dans la fréquentation et un renfort d'innovations dans la présentation des collections. Comme quoi la crise a parfois du bon... |