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Comment Genève devint le berceau de l’horlogerie
 
Le 19-01-2009
de Tribune des arts

Petite balade au fil de ces monuments et de ces rues où des artisans passionnés ont à jamais gravé la trace de leur génie.

«LA» date

S’il y a une seule date à retenir, c’est bien celle de 1886 lorsqu’est institué le Poinçon de Genève. Quelques années auparavant, en 1877, Marc Thury, professeur de physique, demandait aux horlogers de revenir à la fabrication manuelle, après les innovations du «fâcheux novateur» Georges Leschot. Une recommandation bienveillante à laquelle s’est adaptée avec maestria la haute horlogerie.

Ce furent tout d’abord les cadrans solaires et les méridiennes qui mesurèrent le temps. On peut en voir encore, soigneusement relookés, à Genève, comme à l’église Saint-Germain, et dans bien des communes du canton, sur les façades des temples. Puis vinrent les cloches qui furent les premières à diffuser l’heure. Tout le monde connaît, au moins de nom, cette bonne Clémence, qui fut érigée en 1407 dans une des tours de la cathédrale de la ville. Survinrent enfin les horloges publiques. Une des plus anciennes encore en activité, est celle de la tour de l’Ile, qui remonte à 1538. Recouverte d’une tôle, elle est même munie d’une cloche qui, elle, ne sonne plus.

Mauvaise réputation

Aussi étrange que cela puisse paraître, les premières horloges, également installées au Molard et à Saint- Pierre, avaient mauvaise réputation. Au début du XVIe siècle, on ne trouvait personne à Genève pour les «racoustrer», c’est-à-dire les réparer. En 1515, un artisan venu de l’étranger, Antoine Guillermin, de Crépignat, facture 27 florins et 11 sols la réparation de l’horloge de Saint-Pierre. Ces travaux d’entretien étaient effectués en général par des serruriers.

Quartier chaud

Les débuts de l’horlogerie proprement dite à Genève sont encore enveloppés d’un halo de brume, comme dans les grandes épopées. On attribue à un certain Charles Cusin, originaire d’Autun, l’introduction de l’horlogerie dans la cité, en 1574. Le personnage eut une vie passablement mouvementée. Il avait la réputation de ne pas terminer ses travaux et de s’enfuir avec l’argent des commandes. La Ville de Genève lui a néanmoins dédié une rue et une plaque, dans le quartier chaud des Pâquis. Pourtant, une vingtaine d’années auparavant, Genève comptait au moins seize personnes actives comme «horrelogeurs », affirme Antony Babel, dans La Fabrique genevoise, un ouvrage truculent qui mériterait d’être réédité.

Tête de mort

La prochaine fois que vous emprunterez la rue de la Croix-d’Or, dans les rues Basses, ayez une pensée pour les orfèvres qui donnèrent le jour aux premiers horlogers. Cette artère accueillait les ateliers des artisans de cette corporation dans les grands dômes qui couronnaient les immeubles, côté colline. Un art très ancien, dont la première mention genevoise remonte à 1290. Par la suite, les premiers mouvements de montres furent insérés tout naturellement, pourrait-on dire, dans des boîtes qui sont de véritables objets d’orfèvrerie. Ils prenaient en somme la relève des croix et des calices désormais interdits, en 1566, par suite de la Réforme de Calvin. Une des montres genevoises parmi les plus anciennes, prend la forme d’une tête de mort. Signée Martin Duboule (1583-1639), elle figure dans les collections du Louvre.

Quant au plus vieil acte notarié ayant trait à des horlogers, il date de 1556. Mais il faut aller jusqu’en 1564 pour trouver un autre acte certifiant que l’on construit et vend des montres à Genève. Quelques décennies plus tard, en 1602, un horloger genevois s’embarque pour Constantinople avec un assortiment de montres. Comme une préfiguration, dès le début du XVIIe siècle, de la conquête du monde par les montres suisses.

Travail en famille chez les Rousseau

En ce même siècle triomphant pour l’horlogerie genevoise, il est des familles à Genève qui arrivent à construire entièrement la montre et sa boîte, chaque membre ayant sa spécialité. C’est le cas d’un certain Rousseau. Non pas Jean-Jacques, l’écrivain, mais son arrière-grandpère, Jean Rousseau (1609-1684) qui eut douze enfants! Dont sept garçons qui travaillèrent tous dans la branche. David et Jacques furent proprement horlogers; Daniel et André, orfèvres; Noé, graveur et horloger; Louis, lapidaire et faiseur de «boëtes d’orloge»; Il est même un fils, Jacob, pour partir à Londres représenter la maison familiale. Une montre en forme de boîte de cristal, réalisée par le père, est visible au Metropolitan Museum de New York.

Michel Bonel

Les 6 grands acteurs de l’horlogerie genevoise

Jacques-Barthélemy Vacheron, pour ses créations horlogères. Son grand-père, Jean-Marc, avait ouvert en 1755 une entreprise toujours existante au pied de la tour de l’Ile et qui cultive sa mémoire unique en présentant, dans ses espaces intérieurs, différentes pièces historiques.

En 1819, Jacques-Barthélemy a le flair de s’associer à François Constantin, un homme d’une énergie incroyable, un génie commercial. Sa devise: «Fais mieux si possible, ce qui est toujours possible».

Antoine Norbert de Patek et Jean Adrien Philippe: un autre couple célèbre, formé une génération plus tard. Ils unissent leurs talents complémentaires en 1844, commercial pour le premier et technique pour le second.

Jean-François Bautte (1772- 1837): il a donné un grand essor à l’horlogerie genevoise et étendu sa renommée à l’étranger.

Georges-Auguste Leschot (1800-1884), le Léonard de Vinci de l’horlogerie. Inventeur de l’échappement à ancre, il a aussi fabriqué des outils permettant de modifier profondément les bases mêmes de la fabrication horlogère à Genève.

Les cabinotiers hantent Genève

Une promenade dans le quartier de Saint-Gervais évoque encore le souvenir des cabinotiers, à condition de lever la tête.

Même s’il ne reste pas grand-chose de la vision de Théophile Gautier, qui, dans le livre Italia, se dit frappé par ce «pâté de baraques au bord du Rhône… Rien n’est d’aplomb, les étages avancent et reculent». C’est pourtant, dans de minuscules réduits, sous les combles, face à la lumière du nord, qu’ils travaillaient. Jusqu’à ce que la construction du quai des Bergues, en 1833, entraîne peu à peu leur disparition. Très doués, moqueurs et goguenards, ils constituaient un monde à part, avaient soif de culture et affichaient des idées politiques avancées. Grâce au système du salaire aux pièces, ils prenaient le temps de vivre et faisaient des excursions à la campagne dès le lundi…

Aujourd’hui, tout ce monde a disparu. Il faut désormais se rendre à Plan-les-Ouates, où ont élu domicile une bonne dizaine d’entreprises horlogères qui affichent haut et fort leur ADN. Une démarche vécue aussi comme une progression dans l’internationalisation, l’horlogerie genevoise jouant comme toujours de deux de ses maîtres atouts: ouverture et adaptation.

Tribune des Arts

 



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