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Impressions et digressions de mes promenades dans Genève
 
Le 23-01-2009
de Business Montres & Joaillerie

Plus « Quotidien des Montres » que jamais, Business Montres aborde la semaine de Genève 2009 avec un nouveau format d’informations : au lieu de l'habituelle dépêche journalière, une série de petits articles plus impressionnistes - à consulter plusieurs fois par jour pour se tenir au courant de ce qui se fait, de ce qui se dit et de ce qui ne se dit pas…

••• L’HOMME DU SIHH 2009 EST UNE FEMME : si ce SIHH 2009 se présente plutôt bien, il le doit à une personne, qui aura tout donné pour que les effets conjugués du changement de date, de l’effondrement des marchés, de la déprime des détaillants et de la morosité ambiante ne fassent pas de ce salon un requiem de la haute horlogerie. Cette personne, c’est Fabienne Lupo, qui a l’œil à tout et qui a su maintenir à ce premier « SIHH de crise » – un baptême du feu ! – une dignité qui n’était pas évidente dès le départ. C’est bien simple : si on n’était pas en 2009, on se croirait presque en 2008 ! C’est aussi Fabienne Lupo qui a eu la bonne idée d’« habiller » la baisse de la fréquentation – pas trop perceptible pour ce premier jour – en nécessité de requalifier le SIHH dans le très haut de gamme et l’exclusif !

••• Le rôle tenu par Fabienne Lupo dans la réussite de ce début de SIHH prouve une fois de plus à quel point les femmes sont l’avenir d’une industrie horlogère encore trop marquée par un machisme ahurissant…

••• CARBURANT SANS PLOMB : un salon horloger se doit de fonctionner à l’optimisme brut de béton, et c’était le cas au SIHH, alors que l’action Richemont dévissait sur les marchés suisses – ce qui plombera un peu plus les primes de fin d’année. La « crise » la plus grave depuis l’introduction à la Bourse de Richemont, en 1988 ! Au moins, Richemont aura eu la franchise d’avouer 12 % de régression de son chiffre d’affaires sur les trois derniers mois de 2008, avec 24 % de baisse sur le seul marché américain. De l’avis unanime des analystes, c’était sans doute beaucoup plus (ou beaucoup moins) en ventes réelles, sans perspectives enthousiasmantes pour le début 2009.

••• Forcément, ça ira mieux demain ! Le cours boursier ne reflète en rien la valeur réelle d’une entreprise, mais seulement les intuitions d’analystes qui ont prouvé, au cours de ces dernières années, à quel point ils analysaient de travers…

••• LA MODESTIE DE JEAN-MARC JACOT : quand on voit Jean-Marc Jacot, délégué de la Fondation Sandoz pour Parmigiani et Vaucher, commencer une phrase par un rappel de sa propre « modestie », on tend inévitablement l’oreille. C’est pour découvrir une ahurissante interview accordée à L’Agéfi (Suisse), dans laquelle il se flatte de ses 15 % de ventes supplémentaires en 2008, avec un peu moins de 5 000 montres et 80 millions de francs (100 millions avec Vaucher, mais on ne sait pas s’il s’agit de sell-in ou de sell-out). Bilan pas totalement satisfaisant : « Nous aurions pu, dû faire mieux. Nous n’étions pas aussi performants que prévu », a-t-il rappelé en expliquant la réorganisation industrielle de Vaucher Manufacture.

« Nous avons toujours eu un train de vie modeste. Un avantage de taille puisque nous ne devons pas le réduire » : aucune réduction d’effectifs n’est prévue à ce stade.. « Nous continuons d’engager. Il y aura des opportunités à saisir et le ralentissement va nous servir. Dans ce contexte, il sera plus facile de nous mettre en avant. En période difficile, les consommateurs se tournent vers les horlogers sérieux, solides et authentiques », affirme Jean-Marc Jacot, qui prévoit de nouveaux investissements à hauteur de 20 millions à Fleurier. « Là aussi, notre modestie s’exprime. Nous n’avons pas fait appel à Jean Nouvel par exemple. Pourquoi faire un mausolée pour notre marque ? » Quel pince-sans-rire, ce Jean-Marc Jacot !

••• Un tel enthousiasme crisis proof fait plaisir à voir et réchauffe le cœur par les temps ingrats que nous vivons. L’année dernière déjà, Jean-Marc Jacot évoquait dans la presse l’absence de crise, avec un volume de production identique, mais un chiffre d’affaires moins ambitieux. Sans doute, a-t-on beaucoup augmenté la valeur unitaire des montres. D’autant qu’on comprend, dans le même entretien à L’Agéfi, que Vaucher a dû réduire cette année ses livraisons à des marques tierces. On se réjouit aussi de voir le Val-de-Travers échapper à une épidémie horlogère qui ravage les vallées voisines : avec des dirigeants qui parviennent à faire plus avec moins en année de crise, l’avenir est assuré. Même si, bien entendu, ce n’est pas tout-à-fait le même son de cloche chez les détaillants de Parmigiani (assez déçus des ventes, notamment en Asie, mais ils seront rassurés de savoir que Parmigiani vendra encore plus de montres l’année prochaine) et les clients partenaires de Vaucher (très remontés contre des livraisons de mouvements pas vraiment fiabilisés).

••• JE T’AIME, MOI NON PLUS : la première grosse « affaire » dont on parle dans les couloirs, c’est la décision de certains points de vente de refuser les bons de commande préremplis que tentaient de leur imposer certaines marques. Ce qui a débouché, dans certains cas, par un point final à des relations commerciales pourtant anciennes. On cite ainsi le cas d’un célèbre détaillant parisien, connu dans le monde entier, qui vient d’expulser sa vitrine deux grandes références du groupe Richemont. Ce qui lui laissera un peu plus de place pour les marques qu’il aime et qui l’aiment vraiment !

••• Il avait pourtant été entendu que les fameux « kits SIHH » n’étaient plus de saison ! Manifestement, certains patrons de marque ont tenté de passer en force et de continuer à « bourrer les tiroirs ». Forcément, ça a cassé : entre vivre sans une marque et mourir avec cette marque quand elle tente de tuer leur trésorerie, plusieurs célébrités européennes ont déjà choisi. Ce qui va poser un problème aux marques en question, qui n’ont plus d’autre choix, pour se trouver des vitrines de remplacement, que d’accentuer encore leur surdistribution vers des enseignes moins haut de gamme…

••• SIGNAL FAIBLE DU GROUPE LVMH : on apprend, des Etats-Unis, que le site eLuxury, propriété du groupe LVMH, cessera bientôt son activité de ventes d’objets de luxe en ligne, qui réalisait à peu près 90 millions de dollars de vente annuelles. Lancé en 2000, eLuxury diffusait entre autres des produits exclusifs Louis Vuitton. Il a servi de test au grope LVMH pour aborder le marché du luxe en ligne (bijoux, montres, spiritueux, services, mode) et il devrait être transformé en portail d’informations sur le luxe.

••• C’est ce qu’on peut appeler un « signal faible » annonciateur d’un renversement stratégique : le groupe LVMH semble ainsi redonner la priorité à la vente en ligne sur les propres sites de ses marques. Ce qui annonce, d’une part, un redéploiement des budgets de communication vers ces sites et, d’autre part, une attention de plus en plus marquée à tous les canaux Internet – ce qui aura des conséquences sur la distribution « physique » des marques concernées…

••• « UN MARCHÉ PARALLÈLE MONSTRE » ! Relevées dans Le Temps (Suisse) de ce matin, quelques réflexions intéressantes du sympathique Gino Cukrowicz (Ginotti, Anvers) : « La crise est là. Le problème est autant psychologique que financier. Le client riche dont le portefeuille a fondu de quelques millions pense qu'il est devenu pauvre et suspend ses achats ». Son regard se tourne vers les professionnels : « Parmi les détaillants, certains ont un problème d'ego et n'osent pas avouer qu'ils ont trop de montres en stock. Les fabricants doivent ralentir les livraisons, faute de quoi on va créer un marché parallèle monstre ».

••• Le « marché parallèle monstre » est déjà là, cher Gino, et il va falloir quelques trimestres pour purger les tuyaux et désintoxiquer les amateurs des discomptes « monstrueux » qui se pratiquent aujourd’hui…

••• HEURS ET MALHEURS DES SALONS 2009 EN JANVIER : quelques notations impressionnistes sur ce qui change vraiment…

• La consigne était d’éviter les fêtes trop ostentatoires, mais beaucoup n’ont pas résisté à la tentation des soirées plus ou moins discrètes (également plus ou moins réussies) et des dîners plus ou moins privés. Chassez le naturel, il revient en smoking…
• Même chez Franck Muller, la traditionnelle party de Watchland se jouera rue du Mont-Blanc, sur un registre plus cosy [on ne dansera plus sur les faux dollars jetés en confetti], dans la nouvelle boutique hollywoodienne de Franck Muller…
• Un peu moins de monde dans les hôtels et les restaurants de Genève : tant mieux, on se bouscule moins pour les réservations, les navettes sont plus fluides et la vue genevoise moins perturbée que d’habitude par des hordes d’Asiatiques encombrés de shopping bags horlogers…
• On remarque plus les limousines de certaines grandes marques, dont le show off automobile – lourdes carrosseries éclaboussées de logos – est un peu décalé à une heure où les groupes annoncent des plans sociaux…

••• Mon seul vrai regret – très personnel, il est vrai – reste que la date du SIHH 2009 prive les journalistes spécialisés dans le luxe de ce qui est tout de même un de leurs plaisirs égoïstes de l’année : les défilés du salon de la Lingerie, à Paris. Inutile de vous faire un dessin…

 



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