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Les marques renouent avec l’art du sur-mesure tandis que les détaillants font leurs sélections avec plus rigueur. Face à la chute de l’économie mondiale, la communauté horlogère prône une attitude raisonnable et se serre les coudes.
Jusqu’à présent, marques et détaillants jouaient volontiers au chat et à la souris, les premières imposant, par exemple, des lots de montres à acheter en bloc, les seconds commandant plus que nécessaire pour être certains d’obtenir un minimum de pièces. Seulement voilà, la chute de l’économie mondiale se fait ressentir et l’humeur n’est plus au jeu sinon à un retour au pragmatisme.
« Nous retrouvons un certain équilibre dans la relation entre les marques et les détaillants, note Patrick Cremers, propriétaire de la boutique l’Emeraude à Lausanne. Jusqu’ici ces dernières avaient parfois tendance à nous forcer la main pour imposer des pièces. Cette période est révolue. Nous revenons à de vraies valeurs commerciales basées sur le partenariat. »
Relation redéfinie
Ces temps difficiles redessinent donc les contours d’une relation jusqu’ici dominée par les marques. Autre conséquence, le contexte pousserait ces dernières à définir leur identité encore mieux qu’avant au risque d’apparaître comme trop généralistes. « J’ai décidé d’arrêter de collaborer avec deux grandes marques du groupe Richemont car elles ne correspondent plus à ma clientèle, explique Laurent Picciotto, propriétaire de la boutique Chronopassion à Paris. Elles appliquent des stratégies où le marketing occupe une place prépondérante et cherchent à être présentes dans plusieurs univers à la fois. Cette trop grande ouverture n’est désormais plus compatible avec l’obligation d’affirmer nettement ses valeurs et ses convictions. Je trouve d’ailleurs les marques présentes en dehors du SIHH sont plus intéressantes sur ce plan. En effet, elles incarnent des challengers indépendants qui se dépassent pour créer des montres véritablement fortes. »
Faire le tri
Ce besoin de légitimité annonce d’ailleurs des temps difficiles pour les jeunes sociétés sans véritable assise horlogère. « Au niveau commercial, la situation pourrait être plus grave, analyse Laurent Picciotto. Mais elle a l’avantage de faire le tri parmi les marques opportunistes qui devenaient de plus en plus nombreuses. »
En face, les marques ont bien saisi les enjeux. « On est revenu à des relations plus calmes et courtoises, poursuit le détaillant. Signe qui ne trompe pas, j’ai pu annuler des commandes en cours qui n’étaient plus d’actualité ». Reste que l’effort est réciproque. « Les détaillants doivent eux aussi s’engager et exprimer clairement leurs convictions. Nous devons aller au bout de nos choix et nous affirmer pour renforcer notre statut de partenaire.»
Moins de commandes
Les deux détaillants avouent avoir signé moins de bons de commande que l’année dernière. Le mois de décembre a souvent rimé avec des livraisons importantes et le contexte économique ne pousse pas aux excès. A cela s’ajoute encore le salon de Bâle pour lequel il faut conserver des ressources. « J’ai acheté nettement moins de pièces qu’auparavant, explique Patrick Cremers. Dans trois mois, j’aurai le recul nécessaire pour décider d'acquérir plus de pièces. N’oublions pas non plus que les exposants ont eu très peu de temps pour élaborer de nouveaux produits. Il n’est donc pas exclu que d’autres nouveautés intéressantes soient dévoilées dans le cours de l’année. »
Louis Nardin |