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On ne s’ennuie jamais avec Pierre Kunz, l’horloger non-conformiste du groupe Franck Muller.
Cette année, il s’est mis en tête d’explorer les grands fonds et de tenter une triple définition géométrique du temps qui passe…
••• COUP D’ŒIL RAPIDE DANS LE RÉTROVISEUR : 2008, c’était pour Pierre Kunz l’année d’une des montres les plus épatantes de la première décennie du siècle, sa Seconde virevoltante, livrée en fin d’année mais assez minablement oubliée des grands prix d’horlogerie. Dommage pour lui et dommage pour les amateurs qui seront passés à côté d’un concept horloger aussi innovant que ludique.
••• AUTANT DIRE QU’IL N’ÉTAIT PAS FACILE DE SE RENOUVELER EN 2009 : pourtant, Pierre Kunz l’a fait, avec deux propositions horlogères qui témoignent du même esprit que la Seconde virevoltante – innover sans se prendre au sérieux et simplifier ce qui était compliqué.
Grande ambition pour une des « petites marques » du groupe Franck Muller, mais on gardera en mémoire que Vartan Sirmakes a été le premier des patrons de grands groupes à donner à une nouvelle marque le nom d’un de ses meilleurs horlogers. C’est dire à quel point il faisait confiance à Pierre Kunz. Depuis, d’autres ont imité cette démarche – c’est le principe de la future Confrérie horlogère de Mathias Buttet – et Vartan Sirmakes l’a continuée en permettant à son maître-horloger, le fameux Pierre-Michel Golay, de déposer son nom sur ses cadrans…
••• RETOUR VERS LE WPHH 2009, AVEC UN PROFONDIMÈTRE D’UNE SIMPLICITÉ BIBLIQUE. On sait que le profondimètre est la nouvelle coqueluche des marques du groupe Richemont, depuis que Panerai a réalisé le sien en version électronique, IWC proposant cette année son Aquatimer Deep Two [apparemment débarrassée des problèmes d’encrassement de la première version] et Jaeger-LeCoultre ayant beaucoup de peine à mettre au point une version crédible de sa Master Compressor Diving.
Ne pas oublier le profondimètre « historique » récemment relancé par Favre-Leuba (Bathy V2), ni les versions plus ludiques de Swatch, Tissot, Casio ou Citizen. Sans parler du concept deux en un de Linde Werdelin (montre-bracelet mécanique + module électronique amovible).
Problème de ces montres : comment concilier simplicité et fiabilité ? Comment réconcilier esthétique et technique ? Pierre Kunz propose une solution comparable à l’œuf de Colomb en combinant boîtier sportif et profondimètre déporté. Simple, il suffisait d’y penser !
••• CÔTÉ HORLOGER, UNE SOLIDE MONTRE AUTOMATIQUE : heures et minutes classiques, secondes sur disque rotatif, la Spirit Diver étant étanche à 100 m, avec un cadran en texalium plutôt lisible dans un boîtier de 44 mm à lunette tournante. Bref, une « vraie » montre de plongée (base ETA), qui est disponible en noir ou dans des couleurs qui détournent les pavillons réglementaires de la plongée.
Côté subaquatique, c’est plus amusant : un profondimètre en acier haut de 33 mm est accolé à la montre par deux griffes, sur la gauche du boîtier.
Il indique sur une colonne de verre saphir les profondeurs jusqu’à 80 m (en fonction de la pression de l’eau). On le détache et la montre retrouve son élégance « terrestre » – encore que beaucoup seront tentés de le maintenir en surface, histoire de parader avec une montre hors du commun. Les puristes qui n’ont pas d’ordinateur de plongée trouveront un tel profondimètre assez rudimentaire, et ils auront raison, mais qui peut imaginer que cette montre a une réelle vocation technique ?
Version orange ci-dessus : à gauche, le profondimètre à pression se pose et se retire avec deux doigts, grâce à deux griffes qui se verrouillent sur le boîtier.
••• PIERRE KUNZ A ÉGALEMENT DÉCIDÉ DE SE LANCER DANS LA GÉOMÉTRIE TEMPORELLE, avec une montre Vertigo bourrée de talent : elle combine une lecteur linéaire rétrograde des heures (au sein d’un compteur rectangulaire), une lecture analogique des minutes (par aiguille, dans un compteur carré) et une lecture des secondes par disque (dans un guichet rond). Le tout dans un élégant boîtier carré de 41 mm, à lunette cannelée. On joue ici avec les codes du Bauhaus, avec un sens précis de l’asymétrie, mais sans les couleurs primaires [rouages teintés noir, rouages grainés mat et surfaces brossées, nickelées ou transparentes].
Innovation horlogère et vraie première mondiale, qui a réclamé deux ans de développement : ces heures linéaires rétrogrades. Guidée par une courroie et des poulies, l’aiguille linéaire progresse le long d’un segment gradué et « rechute » au bout de douze heures pour reprendre sa course. Tout en finesse, le mouvement est superbe de simplicité et de technicité : dommage qu’il soit dissimulé par le cadran.
••• On se pose ici au cœur de l’archéo-futurisme cher à la nouvelle génération horlogère. L’inventivité d’un Pierre Kunz ne se dément pas d’année en année et il parvient à écrire pour chaque saison de nouveaux chapitres pour l’histoire de sa jeune marque. Dommage que ses prix – qui restent raisonnables pour des pièces de haute horlogerie – ne rendent pas ses montres plus accessibles aux amateurs un peu moins fortunés…
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