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Le marché des bijoux pour messieurs cessera-t-il jamais d'être émergent ?
 
Le 17-02-2009
de Business Montres & Joaillerie

Tiens, à propos de Saint-Valentin, posons-nous quelques questions sur les « bijoux pour hommes ».
Tout le problème est désormais de savoir si une tendance que les marketeurs veulent absolument faire exister, pour des raisons mercantiles parfaitement compréhensibles, constitue un vrai marché.
On ne gouverne pas la mode masculine par simple whishful thinking !
Reste aussi à savoir, en plus, s’il est vraiment souhaitable que ce marché très spécial finisse par exploser...

••• QUI PORTE AUJOURD’HUI DES « BIJOUX MASCULINS » ? Pas forcément les clients que les marques imaginaient, mais plutôt ceux auxquels elles ne pensaient pas en priorité. Il faut avouer que l’offre, pour être abondante, est longtemps resté tout sauf séduisante et tentatrice. Erreur d’analyse, retard à l’allumage ou illusion commerciale ?

Il y a à peu près dix ans que les experts en marketing prédisent à intervalles réguliers l’explosion du marché des « bijoux masculins ». Marché qui n’en reste pas moins perpétuellement... émergent et qui persiste à ne pas décoller, tant dans les résultats commerciaux des marques que dans le comportement socio-culturel de la cible.

••• LES « BIJOUX MASCULINS » ONT TOUJOURS EXISTÉ, dans toutes les sociétés, même préhistoriques. On peut même estimer que le marché de la parure a toujours été beaucoup plus actif pour les hommes, sauf depuis deux siècles – le tournant s’opérant à la faveur de la Révolution française et du triomphe de la bourgeoisie, qui a consacré le triomphe de l’habit noir et du costume sévère pour les hommes, en réaction aux fastueuses broderies, couleurs et parures masculines de l’Ancien régime. Jusqu’à 1789, les hommes portaient diamants et pierres précieuses, aux doigts comme sur leurs habits : il n’en reste plus aujourd’hui qu’un vague souvenir dans les boutons de manchette (pour ceux qui portent des poignets mousquetaire) et sur certaines montres serties.

Depuis un peu plus de deux siècles, en effet, le territoire du bijou masculin s’est restreint comme une peau de chagrin, pour se limiter – selon les codes du « bon goût – aux montres, aux boutons de manchette et à quelques parures de smoking.

A quelques exceptions près, bien entendu, comme la relative acceptation sociale de quelques bracelets en fil de caoutchouc [le poil d’éléphant giscardien, qui avait fait la fortune de Fred, est totalement has been, sauf pour quelques authentiques chasseurs de brousse], de cotonnades multicolores tressées ou de rubans plus ou moins « brésiliens ».

••• DEPUIS DIX OU QUINZE ANS, LES MARQUES ANNONCENT TOUTES un nouveau renversement de tendances et – à la faveur du triomphe des fameux « métrosexuels » – une banalisation des « bijoux masculins ». Banalisation qui s’exprime aujourd’hui surtout dans les catalogues et non dans les factures des boutiques.

Du moins pour ce qui concerne la « bonne société » : indubitablement, le « bijou masculin » a pris, mais là où on ne l’attendait pas, dans ces milieux populaires et petits-bourgeois qui se moquent bien de la considération des gens chic et du qu’en dira-t-on.

Les sportifs en général, et les footballeurs en particulier, les représentants de commerce et les cadres moyens ont repris plaisir à des parures masculines, généralement à base de caoutchouc, d'acier brossé et d’éléments stylistiques estimés « virils » – écrou, vis, lame de rasoir, grecque, plaque d’identité militaire (devenue dog tag, ce qui est tout sauf valorisant), etc.

Quelques marques italiennes en ont fait une spécialité – dans la péninsule, il n’est pas interdit à un homme de porter un solitaire – et deux ou trois marques françaises ont suivi de façon à peu près convaincante, notamment Péquignet, Montblanc ou Fred. On peut le vérifier dans les rubriques qui vous répètent que « Le bijou masculin affirme son style » : consultez la presse financée par les annonces des marques en question.

••• LES MARQUES SPÉCIALISÉE SUR CE MARCHÉ ÉMERGENT – Valmont, en particulier, pour le haut de gamme – n’ont guère mieux prospéré que les marques généralistes qui ont toujours gardé un œil sur ce segment (Cartier ou Chaumet, notamment). Les ventes restent marginales.

Manifestement, la gourmette sera irrecevable quand on n’est pas chauffeur de poids lourd. Seul les rappeurs apprécient les croix et les plaques serties de cailloux. La bague non maritale reste réservée aux universaires américains, tout comme la boucle d’oreille l’est pour les gars de la Marine. Hormis quelques tribus bien précises, classées par métiers et par affinités sexuelles, les jeunes préfèrent les tatouages et les hommes les belles montres !

••• FERMEZ LE BAN ? PAS OBLIGATOIREMENT… Tout n’est pas forcément perdu pour les prophètes d’une parure qui serait « virile » tout en évitant les écueils du bling-bling et de les malentendus d'une Gay Pride joaillière.

On peut considérer que les « bijoux pour hommes » n’ont pas trouvé leur public parce qu’il s’agissait d’une part de « bijoux » – terme doté d'une irrémédiable connotation féminine : court-circuit tragique ! – et, d’autre part, d’objets « pour hommes » : quand c’est évident pour un objet, un homme le comprend et il n'est pas gêné de le porter ; quand c’est problématique, c’est encore pire de le préciser !

Le fait que ces « bijoux » soient le plus souvent conçus par des femmes ou des créateurs assez peu portés sur l’hétérosexualité ajoute encore à la confusion et au malentendu. De même, quand ces parures masculines sont signées par des marques ataviquement « féminines », les ficelles deviennent facilement repérables : Cartier, Van Cleef & Arpels ou Chaumet n’ont pas été dotées par leur histoire de marqueurs identitaires ultra-virils..

••• IMAGINONS MAINTENANT UN OBJET DE PARURE doté d’une impeccable génétique masculine : après tout, à l’armée, pas un homme ne refuse de porter sa plaque d’identité autour du cou. Imaginons un objet de parure conçu et pensé par des hommes, avec des outils d’homme, dans des matériaux d’homme et dans un style immédiatement intelligible : aucune ambiguïté dans l’idée !
Imaginons enfin un objet de parure totalement dépourvu de référent féminin, qui ne ressemblerait à aucun objet utilisé par des femmes : après tout, c’est l’objet lui-même qui est en cause, pas la façon de le porter [les hommes, comme les femmes, utilisent déjà leur doigt, leur cou ou leur poignet pour des pièces de parure]…

Le cahier des charges se précise : l’art et la matière, le fond et la forme, la lettre et l’esprit. C’est pourquoi il faut prêter attention à certaines propositions, comme les récentes créations de BRM. On n’imagine pas plus virilement rugueux que cette marque de montres, qui revendiquement fièrement ses finitions industrielles, son esthétique brutale et son design « à la hache ». Bernard Richards lui-même n’a rien du petit marquis poudré. Son atout : il connaît mieux que quiconque ses clients – qu’ils soient pilotes automobiles, avocats aux dents longues et corsaires du business contemporain – et il en devine les penchants secrètement et subtilement ostentatoires.

••• EN AVANT, DONC, POUR QUELQUES TENTATIVES DE NÉO-JOAILLERIE un peu sauvage, taillée dans le même titane que ses montres, avec les mêmes techniques d’usinage et selon les mêmes codes mentaux : des pièces de parure qui sentent un peu l’atelier et le trophée barbare pillé dans les batailles du quotidien et porté au nez et à la barbe des bien-pensants. De la joaillerie « à l’estomac ». Des ornements sauvages qui épicent et pimentent la banalité trop édulcorée d'un contemporain qui castre les aventuriers urbains.

Bernard Richards a mis le doigt sur quelque chose de nouveau et de fortement inspiré : un compromis idéal entre le bonheur d’être et le plaisir d’avoir, à égale distance de la furtivité du prédateur et de la frivolité du séducteur. Sa collection ne laissera personne indifférent.

Le bracelet ci-dessus [révélation Business Montres pour la Saint-Valentin !] témoigne de cette tendance : lien en gomme sculptée comme un pneu de motocyclette, mariage de l’or et du titane avec la gravure BRM. Les proportions sont justes, les matières nobles et la discrétion suffisante. 100 % testostérone, 0 % chichis pompons et autres coquetteries pour magazines branchouilles. Une parure d'homme, comme la célèbre « boisson d’hommes » des Tontons flingueurs !

C’est l’amorce d’une nouvelle collection de pièces pratiquement réalisées sur mesure, à la commande, sans idée de « ligne », juste pour le plaisir. On trouvera quelques autres exemples de l’inspiration mécanico-virile de BRM dans les lignes de boutons de manchette [lien avec le site BRM en bas de page].

••• SANS LA MOINDRE CUISTRERIE, FAUT-IL RAPPELER QUE LA MANUFACTURE BRM – qui a été la première manufacture horlogère française à recréer non seulement son mouvement, mais aussi son chronographe et son tourbillon – a installé ses robots d’usinage dans le Vexin français, aux portes de Paris ?

Ce Vexin est une terre bénie pour les archéologues, qui ne cessent d’y retrouver vestiges et tombes de cette époque celtique qui voyaient les plus courageux guerriers se parer de bijoux et de couleurs qui les feraient prendre, aujourd’hui, pour de vraies drag queens !
Chaque labour ramène en Vexin son lot de fibules et de torques barbares : je suis certain qu’il y a dans cet air de la vieille patrie gauloise les germes d’une renaissance de la parure masculine !

 



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