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Tout ce qu’il ne fallait pas, qu’il n’aurait pas fallu et qu’il ne faudra plus faire pour ne pas mériter un carton rouge !
••• TROP TARDER À PRENDRE COMPTE LA PASSION ICÔNIQUE DES AMATEURS : Omega, qui voulait lancer à Bâle une nouvelle édition de sa légendaire Seamaster « PloProf » s’est fait doubler dans la dernière ligne droite par une marque spécialisée dans les remakes horlogers pour collectionneurs sans gros moyens. Quand on est poli, on appelle ces montres des « hommages » : le dessin n’étant plus protégé, il suffit de changer subtilement les dimensions de la nouvelle pièce pour échapper à l’accusation de « parasitage commercial ».
Il y aura donc ce printemps une « PloProf » non autorisée – signée Ocean 7 (ci-contre) – et une « PloProf » officiellement rééditée qui vaudra à peu près quatre fois plus cher : la « PloProf » originale – pièce de collection – étant loin d’être introuvable, pour quel modèle opteront les amateurs ?
• On pourrait de même s’étonner du manque de réactivité de Rolex, qui voit les Pro-Hunter – Rolex customisées au PVD noir – se vendre au double du prix catalogue. Ou regretter le manque d’intuition de TAG Heuer, qui livre la réédition de sa Monaco 40e anniversaire avec une erreur esthétique grossière dans le choix des poussoirs.
••• QUELQU’UN A-T-IL AVOUÉ À NICOLAS HAYEK que l’hommage parasitaire à sa « PloProf » avait un mouvement… ETA ? En attendant, les amateurs n’ont plus la patience d’attendre que les marques se décident : une alerte bien ciblée sur Internet, et une série courte se profile aussitôt dans les tuyaux pour étancher la soif des collectionneurs les plus passionnés.
C’est la nouvelle donne socio-marketing : les marques appartiennent à leurs clients plus qu’à leurs dirigeants et ces clients sont en mesure de dicter leur loi, au besoin de détourner ou de recréer les règles à leur profit. Ce qui ne les empêche d’ailleurs pas de se faire plaisir quand les marques profitent de leur addiction : avec ses Tradition, Breguet a réussi à capter une belle part du marché des nostalgiques de la simplicité mécanique et des montres de poche…
••• CONTINUER À FAIRE DES SOIRÉES PEOPLE AVEC DES PIPOLES MERCENAIRES qu’il suffit d’acheter « sur étagère » [comme des faux mouvements « manufacture »] en leur promettant une montre comme « cadeau invité ». Dernier exemple en date : Tudor, la sister brand de qui vous savez, qui a tenu à faire comme les grandes marques en créant sa « TNight » dans un « lieu culturel hype de Paris [traduction : 104, rue d’Aubervilliers, dans le XIXe arrondissement, zone la plus « sensible » de la capitale].
Il s’agit d’un « événement polysensoriel contemporain » – déjà rôdé à Milan et à Madrid – et d’une « expérience interactive de la marque », avec « performance » d’artistes heureux de se faire connaître ailleurs que dans leur immeuble, « dîner expérimental et ateliers gustatifs », plus un troupeau d’invités confrontés à des pipoles heureux de rester entre eux après la séance photo obligatoire…
••• CONCEPT ET CULTE DU SOI FONT DÉJÀ TERRIBLEMENT DÉMODÉS : la sémantique a pris un fameux coup de vieux et la « polysensorialité » rappelle furieusement les années zéro – celles d’avant la crise. Tout le monde sait aujourd’hui qu’il suffit de payer pour s’offrir, sur le marché aux pipoles, des « célébrités » plus ou moins célèbres dûment maquées par leurs agences respectives. On se demande qui les marques – surtout au niveau de Tudor – comptent impressionner en brouillant ainsi leur image…
Si le cœur vous en dit, pour vérifier qui était là : http://people.premiere.fr/Photos-people/PHOTOS-Quand-les-stars-mettent-leurs-montres-a-l-heure-pour-ne-pas-louper-une-soiree-/Sarah-Marshall-super-classe- (si vous ne parvenez pas à accéder à cette page, veuillez copier l'URL précédente et la coller dans votre navigateur).
••• SE LANCER DANS LA COURSE AUX MARQUES ET AUX VITRINES peut nuire gravement à la santé, comme vient de le constater The Hour Glass, le grand détaillant asiatique qui fête cette année ses trente ans. L’héritier de cet empire de 25 boutiques, le sympathique Mike Tay, ne gère pas moins de 58 marques, qui commencent à Rolex et Patek Philippe pour se terminer du côté de chez Formex, Glycine et Christian Dior, en passant par Breguet, Cartier, Audemars Piguet, Hublot, Frédérique Constant et toute la nouvelle génération ou presque (De Bethune, MB&F, Urwerk ou Kari Voutilainen).
The Hour Glass affiche cette année une perte nette de 3,5 millions d’euros pour le dernier quadrimestre 2008 et un effondrement de ses profits, ce qui assèche son cash flow et donc son volant de commandes. Résultats provisoires en attendant une année 2009 marquée par une « détérioration dramatique » des intentions d’achat et des dépenses elles-mêmes. Mike Tay avoue son surstockage et ses doutes sur le retour rapide de conditions comparables à celles qui prévalaient avant la crise.
••• IL EN FAUT DES VENDEURS D’ÉLITE POUR JONGLER ENTRE MONTBLANC ET DE BETHUNE, de même qu’il faut une trésorerie royale pour slalomer entre les grands groupes de luxe, les indépendants, les marques de niche et les marques de volume. Certes, The Hour Glass n’est pas en danger et ses actionnaires, assez gâtés ces dernières années, n’auront pas vraiment à regretter leur investissement. Le problème n’en reste pas moins structurel : alors que les marques multiplient leurs propres ouvertures de boutiques, la pertinence économique d’une mini-chaîne généraliste, quoique plus ou moins spécialisée dans le haut de gamme, reste à prouver. Le grand écart permanent d’Alain Silberstein à Philipp Stein n’est pas la plus sécurisée des postures anticrise…
••• NÉGLIGER LE SERVICE APRÈS-VENTE, qui devient un des points de friction les plus sensibles entre consommateurs et marques. Un article de Bloomberg (lien en bas de page) tire la sonnette d’alarme sous le titre : « Vu le prix des réparations, vous n’aurez jamais fini de payer votre montre de luxe ». En cause : le coût abusif d’un entretien qui peut parfois représenter plus que le prix de la montre. En ligne de mire : des grandes marques – qui crient pourtant qu’elles « mangent de l’argent » avec le SAV, mais aussi des nouvelles marques dont les montres seront difficilement réparables dans l’avenir. En citant l’administrateur qui a « liquidé » la société, l’article de Boomberg explique ainsi la disparition de Villemont par la faiblesse de son SAV et le niveau élevé de son taux de retour…
••• ON SAIT QUE LES 128 MILLIONS DE MONTRES SUISSES VENDUES DANS LE MONDE au cours des cinq dernières années reviendront avant 2012 dans les services après-vente d’Europe ou d’Asie. Alors que les marques compriment leur personnel et leurs coûts, personne ne semble imaginer quelle bombe à retardement est ainsi allumée. Surtout en période de crise, avec des consommateurs qui regardent de plus près leurs propres coûts et qui n’ont pas intégré l’idée qu’une montre – aussi indémodable et indestructible soit-elle – exigeait tout de même un entretien régulier. Ni le groupe Richemont, ni le Swatch n’ont souhaité s’exprimer sur les coûts et la profitabilité du SAV…
• Il va devenir urgent de mener une réflexion sur ces coûts de SAV, parallèlement à de nouvelles initiatives en matière de garantie [voir nos informations d’hier sur la première mondiale proposée par Rotary] : les deux domaines sont étroitement liés.
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