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QUELQUES NOUVELLES DU FRONT HORLOGER, DES MONTRES ET DES HORLOGERS.
AU COURS DE CETTE SEMAINE UN PEU PERTURBÉE PAR LES ATELIERS DE LA REFONDATION DE NEUCHÂTEL, J’AI QUAND MÊME…
••• DÉVOILÉ MOI-MÊME AUX ATELIERS DE LA REFONDATION DE NEUCHÂTEL les grandes lignes du prochain salon The Watch Factory, qui sera un des événements majeurs de Baselworld et, en tout cas, un des messages les plus positifs des salons de ce printemps 2009 : le retour sur le devant de la scène de la création et de nouvelles façons d’écrire l'horlogerie, tant par une approche futuriste que par un hommage appuyé aux traditions, l’un n’excluant jamais l’autre.
The Watch Factory (Le Palace, Baselworld) regroupera douze créateurs majeurs de la scène contemporaine, qui sont aussi douze représentants de cette nouvelle génération horlogère qui porte les espoirs d’une refondation dans les années dix. Les marques invitées sont : Alain Silberstein, Cabestan, De Bethune, Fabrication de montres normandes, Haldimann, Les Artisans Horlogers, MB&F, MCT, Rudis Sylva, Speake-Marin, Steinway & Sons, Urwerk.
Bannière déployée dans le vent de la crise : « 12 Cutting Edge Creators – Contemporary Horological Passion ». Traduction inutile (logo ci-contre)…
••• JE DONNERAI D’AUTRES DÉTAILS sur The Watch Factory dans les jours à venir, mais j’ai déjà beaucoup apprécié les encouragements de présidents de grandes marques, qui m’ont promis de passer nous voir et de prendre ainsi la « température créative » de la nouvelle génération. Certains grands seigneurs du SIHH devraient s’offrir à Bâle cette bouffée d’air frais. Même ceux à qui je n’en ai pas encore parlé sont invités, bien évidemment : le concentré d’intelligence créative est unique au monde ! Hommage de Baselworld à la passion de ces cutting edge watchmakers : le lunch qui suit la conférence de presse du mercredi (journée presse) devrait avoir lieu cette année dans le lounge de The Watch Factory, où tous les détaillants sont également invités pendant la durée du salon…
••• CONSTATÉ QUE LE SALON DE L’AUTO DE GENÈVE RESTAIT UN RENDEZ-VOUS TRÈS PRISÉ DES HORLOGERS : beaucoup de CEO dans les couloirs et chez leurs « partenaires » automobiles. Apparemment, l’histoire d’amour entre les marques d’horlogerie et le voitures ne se dément pas : les lois de l’attraction mutuelle n’ont pas été modifiées par la crise et de nouvelles liaisons devraient être annoncées dans les semaines qui viennent.
••• JE ME DEMANDE QUAND MÊME si les messages principaux de ce Salon ont bien été pris en compte, notamment le go green généralisé – y compris dans l’hyper-luxe automobile – qui est aujourd’hui la seule chance pour cette industrie de s’en sortir. La question du respect de l’environnement est une de celle qui seront désormais posées de la façon la plus pressante aux marques horlogères, qui n’ont à peu près encore rien préparé à ce sujet. Je me suis aussi demandé ce qu’allaient penser les centaines de personnes licenciées dans les semaines à venir des ronds de jambe de leurs CEO autour des plus belles limousines de luxe de la planète : en période de crise, il y a des partenariats indécents…
••• FAIT DÉCOUVRIR À JEAN-FRANÇOIS RUCHONNET LA PROCHAINE V 4 DE TAG HEUER : comme Business Montres l’avait révélé en décembre, trois courroies au lieu de treize, mais toujours la superbe esthétique développée au cours des cinq années de gestation. Un Jean-François Ruchonnet un peu ému de revoir son bébé, certes un peu transformé, mais étonné de découvrir que la courroie d’échappement avait été maintenue [les deux autres courroies étant apparemment celle de la roue des secondes et de la roue de moyenne], alors que c’était celle – Philippe Dufour m’en avait parlé à l’époque – qui était considérée comme la plus difficile à mettre au point. TAG Heuer a donc eu gagné la partie sur le principal écueil technique. Mise au point du V 4, celle du double tourbillon Breguet, les ventes de la Cabestan et quelques petites merveilles à découvrir ici et là dans les mois à venir : 2009, année Ruchonnet ?
A découvrir sur http://forumamontres.forumactif.com/forum-general-de-discussions-horlogeres-f1/monaco-tag-heuer-quarante-ans-de-legende-image-de-la-v4-t52518.htm?highlight=heuer (si vous ne parvenez pas à accéder à cette page, veuillez copier l'URL précédente et la coller dans votre navigateur).
••• J’AI REMARQUÉ QUE LES PREMIÈRES IMAGES de cette TAG Heuer V4 avaient été publiées sur le forum francophone Forumamontres, ce qui ‘m’a conforté dans l’idée que le cœur de l’information horlogère ne battait plus dans la presse magazine spécialisée, qui aura entre un et deux mois de retard sur Internet avant et après Bâle, mais dans les nouveaux médias – et il faut désormais ranger les (bons) forums parmi ces nouveaux médias : c’était un des enseignements des Ateliers de la Refondation…
••• NOTÉ QUE 2009 SERAIT AUSSI L’ANNÉE DE LA COURROIE, puisque Christophe Claret doit dévoiler à Baselworld la « première mondiale » qui fêtera ses vingt ans de création horlogère : un système à double courroie pour les heures et les minutes. D’autres marques travaillent actuellement sur cette idée des courroies pour créer des affichages de l’heure « linéaires ». Les roues ont du souci à se faire !
••• J’AI BIEN SENTI QUE LA VRAIE RÉVOLUTION est désormais dans les affichages de l’heure alternatifs aux aiguilles : on verra également à Baselworld les premières pièces fonctionnantes de la de Grisogono Meccanico, avec son spectaculaire affichage digital par un système de palettes et quelques autres bonnes surprises dans la famille des rouleaux, des satellites et des curseurs…
••• FEUILLETÉ LA SÄCHSISCHE ZEITUNG POUR Y DÉCOUVRIR QUE LA MANUFACTURE A. LANGE & SÖHNE était à son tour victime des premières compressions d’emploi. Selon la presse saxonne, les 500 salariés de l’entreprise sont concernés à des degrés divers par les mesures de chômage partiel, celui-ci atteignant les 50 % dans certains ateliers. Cette mesure conservatoire a été prise pour six mois « en raison de la situation sur le marché de la montre ».
••• J’AI REMARQUÉ QUE CETTE PREMIÈRE VAGUE GLASSHÜTIENNE touchait d’abord une manufacture du groupe Richemont, où le culte du « redimensionnement » a brutalement remplacé le culte du « double digit ». Et, à en croire les syndicats genevois et surtout vaudois, qui négocient actuellement des plans sociaux bien plus considérables, nous n’en sommes qu’au début…
••• SALUÉ LA NAISSANCE OFFICIELLE DE LA MARQUE RAURACIENNE RUDIS SYLVA : lancée par Jacky Epitaux (ex-Rodolphe), cette marque franche-montagnarde – difficile de faire plus enraciné ! – était une révélation de Business Montres du 2 février 2007 ! A peine plus de deux ans après, c’était hier la première présentation officielle à la presse régionale, toujours dans une optique enracinée, avec présentation des artisans locaux associés à la marque.
••• J’AI TOUJOURS SUIVI DE PRÈS l’avancement des travaux chez Rudis Sylva, marque qui sera d’ailleurs présente au salon The Watch Factory de Baselworld, pour y présenter une des plus étonnantes innovations horlogères de l’année : un plateau à double balancier baptisé « oscillateur harmonieux » et conçu comme une alternative – visuellement assez spectaculaire – au tourbillon. A découvrir donc à l’espace The Watch Factory pendant Baselworld.
••• CONSULTÉ QUELQUES ANALYSTES ZÜRICHOIS SUR LES COULISSES DU RACHAT D’ÉDIPRESSE SUISSE PAR LE GROUPE TAMEDIA : comme Business Montres l’avait signalé dès mardi dernier, le fait que le pôle luxe d’Edipresse Suisse ait été exclu du périmètre de ce rachat est assez révélateur de la situation économique de ce pôle, dont les pertes actuelles et les déficits annoncés ont dissuadé Tamedia d’intervenir.
••• J’AI ÉTÉ SURPRIS DES CHIFFRES AVOUÉS À ZÜRICH à propos de ces pertes sur les magazines d’Edipresse Luxe, où il semblerait que le « pronostic vital soit engagé », pour reprendre un flamboyant cliché journalistique vide de sens, en particulier pour le vaisseau-amiral du pôle. La due diligence opérée rapidement par les repreneurs, sur la base des propres chiffres d’Edipresse, fait état d’un chiffre d’affaires publicitaire en chute libre et de résultats commerciaux catastrophiques…
••• EXAMINÉ ATTENTIVEMENT QUELLE MONTRE BERNARD ARNAULT PORTAIT sur la photo qui illustrait son interview d’aujourdhui dans le Wall Street Journal : un Hublot Big Bang ! On l’avait beaucoup vu ces derniers temps avec une Louis Vuitton Tambour, ce qui lui évitait d’arbitrer entre les marques de son pôle horloger.
Interview sur laquelle je reviendrai dans le « 360° du lundi », mais qu’on peut retrouver sur http://magazine.wsj.com/features/the-big-interview/being-arnault/ (si vous ne parvenez pas à accéder à cette page, veuillez copier l'URL précédente et la coller dans votre navigateur).
••• JE SAIS TROP BIEN LA VALEUR DES SYMBOLES ET DES CODES à la cour du roi Bernard pour ne pas trouver profondément « signifiante » – et au niveau du vécu – cette consécration de la Big Bang par le maître des élégances horlogères du groupe LVMH…
••• REMARQUÉ UN CONCEPT INTÉRESSANT CHEZ OLIVIER RANDIN, LA NOUVELLE MARQUE LAUSANNOISE : son concept Moveo propose un triple affichage (heures, minutes, secondes) par trois disques « mystérieux » alignés sur un cadran tonneau horizontal. Ces disques tournent lentement (mouvement automatique) et sont travaillés pour rendre le temps plus spectaculaire puisque les heures et les minutes ne sont indiquées que par une pierre de couleur différente. Le disque des secondes peut recevoir les motifs de sertissage les plus variés. Cette complication a été développée par Olivier Randin, le jeune créateur de la marque, et par Christian Chabloz.
••• J’AI LA MARQUE OLIVIER RANDIN DANS MON RADAR DEPUIS UNE BONNE ANNÉE, mais je n’avais pas été plus convaincu que cela par ses hommages à Béjart, ses premiers productions et son positionnement. Cette Moveo – en latin, « se mouvoir » – est très intéressante par sa forme, sa complication et les multiples possibilités de personnalisation qui sont offertes. Je ne sais toujours pas s’il existe vraiment un « marché de la complication féminine », quoiqu’il ait été jusqu’ici brillamment dominé par Van Cleef & Arpels, mais je sens que cette Moveo s’inscrit bien dans ce courant des « complications lyriques »…
••• DÉNICHÉ QUELQUE PART SUR LE WEB UN MICRO-SITE DÉDIÉ AU MAKING OF DE LA NOUVELLE CONCORD QUANTUM GRAVITY, dont je savais déjà qu’elle serait une des pièces les plus renversantes de Baselworld, avec son tourbillon deux axes logé à l’extérieur du boîtier et « suspendu » par une architecture filaire encore jamais vu dans la contruction d’un mouvement. Les rencontres sur Internet réservent toujours des surprises…
••• JE VOUS EN DIRAI PLUS CE WEEK-END sur ce sitemaking of et j’en présenterai les meilleures informations qu’on peut déduire à propos de la future Quantum Gravity, dont je maintiens qu’elle sera multi-innovante. Je n’en sais pas encore beaucoup sur la nature de la réserve de marche verticale et lumineuse, mais je crois en avoir entendu parler par mes copains asiatiques : les douaniers de Singapour ont pratiquement fait venir la brigade anti-terroriste pour vérifier si l’éprouvette de liquide luminescent ne contenait pas la dernière potion exterminatrice d’un Dr Folamour helvétique. Erreur, messieurs, ce liquide n’était que la Viagra verticalisant des mouvements de nouvelle génération !
••• ÉTÉ ESTOMAQUÉ PAR L’ENCHÈRE RECORD DE LA MONTRE ZENITH ET DES SANDALES DE GANDHI : 1,8 million de dollars sous le marteau – record du monde pour une Zenith très usagée – à Vijay Mallya, le tycoon indien propriétaire des bières King Fisher. L’estimation était de 20 000-30 000 dollars, mais, dans les heures qui précédaient la vente, le propriétaire de ces « reliques », James Otis, avait annoncé qu’il les retirait de la vente sous la pression du gouvernement indien. On ignore les intentions de Vijay Mallya, mais on n’imagine pas qu’il garde ces souvenirs du « père de la Nation » dans une vitrine personnelle…
••• C’EST LA CONFIRMATION DE L’EFFET BERGÉ-SAINT-LAURENT : rien ne vait une bonne polémique géopolitique pour assurer la promotion d’une vente aux enchères historique. Ici, l’Inde a fait monter la pression, tout comme la Chine l’avait fait pour ses têtes de bronze. On notera au passage que ces deux pays n’hésitent pas à clamer haut et fort leurs prétentions sur la scène internationale. On est là au cœur des « stratégies d’influence » et de l’interaction luxe/géopolitique mise en évidence par François-Bernard Huyghe lors des récents Ateliers de la Refondation : voir ci-dessous l'information sur le platine utilisé dans les montres.
••• PRIS QUELQUES NOTES, AU VOL, SUR DES INFORMATIONS AMUSANTES TROUVÉES DANS LA PRESSE :
• Le correspondant à Shanghai du Telegraph britannique raconte la multiplication des pawns (monts-de-piété) où il est maintenant possible d’acheter, à prix écrasé, les montres fétiches des ex-golden boys locaux, leurs Rolex, leur Patek Philippe, leurs sacs Gucci et toutes les panoplies de luxe. A visiter absolument par temps de crise économique : le Shanghai Oriental, qu’on pourrait qualifier de… piste d’atterrissage du luxe asiatique !
• La Seven Royal est une carte de crédit qui fera rêver les derniers shopaholics : créée en Suisse par Visa et Morgan Stanley, elle est en or 18 carats, réservée à 300 personnes dans le monde, qui devront déposer 50 millions de dollars sur leur compte et s’engager à ne pas dépenser plus de 200 millions de dollars (plafond assez minable, non ?) moyennant une cotisation annuelle de 100 000 dollars. Enfin, un vraie signe d’exclusivité ! Pour ceux que ça amuse : http://www.sevenroyal.com (si vous ne parvenez pas à accéder à cette page, veuillez copier l'URL précédente et la coller dans votre navigateur).
• Mon ami le sympathique Jean-Daniel Pasche (Fédération horlogère suisse) admet enfin que « l’horlogerie suisse est affectée par la crise » (Le Monde d’hier). « Même si cette baisse, précise-t-il, s’effectue sur de hauts niveaux » : il a raison de faire remarquer que, « en net ralentissement, la variation annualisée de février 2008 à janvier 2009 est encore inscrite en hausse de 3,6 % ». De fait, le coup de frein brutal de janvier (- 21,5 % en valeur, - 35 % en volume) n’a fait que nous ramener au niveau de janvier 2007, en effaçant les « progrès » de 2008. Maintenant, cher Jean-Daniel, tu devrais prendre une règle et prolonger la courbe de ces trois derniers mois sur l’année à venir : si on en restait à la tendance actuelle [et on ne voit pas clairement, à court terme, quel miracle économique pourrait relancer la machine et inverser le mouvement], on effacerait en 2009 tous les acquis de ces six dernières années. Le comportement actuel des Bourses tend bien à prouver qu’aucun « plancher » indiciel ne résiste à une spirale de dépression de l’importance de celle qui nous entraîne…
• A propos des thématiques qui ne seront bientôt plus racontables, un article du Point (France) détaillait cette semaine la « ruée vers le platine » d’une marque genevoise. Visite rapide de la mine, dont le métal est extrait, dans des conditions particulièrement pénibles (50°C de température) et description du procès industriel : 5 à 10 g de platine par montre [j’ai des doutes], mais dix tonnes de minerai brut pour obtenir ces cinq grammes et un raffinage long et complexe pour étirer ces cinq gramme en un fil de cinq kilomètres de long. C’est là que le message risque désormais de « coincer ». Exploitation industrielle pour application industrielle (pots catalytiques et réduction de la pollution : c’est admissible. Même débauche de techniques industrielles et de conditions de travail inhumaines : il n’est plus admissible à l’ère du post-luxe et de la vigilance anti-bling d'arracher vingt tonnes de minerai à une mine pour la satisfaction d'un amateur de montres. Il y a des informations qui font très mal. Encore plus dans une rubrique « Focus Mode » ! Un nouveau « politiquement correct » se met en place » : il peut se révéler destructeur pour les marques prises en flagrant délit de péché sociétal…
• Tout arrive, même la révolution chez les conservateurs, avec deux nouvelles assez groundbreaking en provenance de la manufacture Ulysse Nardin. D’abord, un téléphone hybride haut de gamme, développé par SCI Innovations : énergie mécanique (rotor de remontage automatique), composants plus green que moi tu meurs ! et finitions dans le goût du luxe horloger suisse. On découvrira le Chairmanphone à Baselworld [entre nous, c’et le téléphone qu’on aurait attendu de TAG Heuer, et non d’une respectable et séduisante « vieille dame » de 163 ans, apparemment saisie d’un spectaculaire démon de minuit technophile]. Deuxième avancée : Ulysse Nardin se lance à fond dans les nouvelles technologies, avec tout un programme de virtualités numériques, de réalité augmentée et d’images de synthèse pour doper sa communication [mêmes réflexions que ci-dessus à propos du démon de minuit high-tech]. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer…
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