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On espérait secrètement que la crise allait « nettoyer » le marché de bon nombre de ses boursouflures.
Apparemment, tout le monde n’a pas encore compris le message du nouveau luxe : exemple frappant
avec le concept herpétologique Black Mamba de Nubeo.
••• NUBEO EST UNE NOUVELLE MARQUE NÉE DANS LA SECONDE PARTIE DES ANNÉES ZÉRO, quand tout le monde s’est dit que tout était possible pour toujours dans le paysage horloger. Apparue pour Bale 2008 avec d’intéressants détails de design, Nubeo s’est fait une spécialité dans la surinterprétation de boîtiers surmusclés pleins de détails surconnotés et de gomme surmoulée : des facettes partout, des angles et des courbes, des pierres de couleur [et même serties sur le bracelet : soyons fous !], des vis et des poussoirs, des cadrans plus travaillés qu’une pâtisserie viennoise à la crème, de la céramique repercée de chiffres en relief, des pleins et des déliés…
Résultat de trop de détails trop travaillés : une belle fatigue visuelle et – très vite – une grande lassitude esthétique, proche de l’indigestion. N’en jetez plus, la rétine est pleine ! Le Swiss Made, c n’est quand même pas la Foire du Trône ou le Luna Park permanent…
On aurait pu espérer que, la crise aidant, Nubeo profiterait de l’occasion pour épurer sa proposition en se concentrant sur l’essentiel : un art très particulier de capter l’air du temps et des propositions qui pourraient plaire si elles n’étaient pas aussi prétentieusement boursouflées…
••• MANQUE DE CHANCE : la nouveauté 2009 va encore plus loin dans l’accumulation baroque – ici, franchement décadente – de fastifieux chichis qui négligent l’essentiel, lequel pourrait être un minimum de consistance horlogère. C'est apparemment le dernier souci de la marque...
La nouvelle collection Black Mamba, fruit d’une collaboration entre Nubeo et le designer Kobe Bryant, entend proposer un cocktail – forcément « extraordinaire », « original » et « fascinant » – de haute technologie dans l’approche des matériaux et de haute horlogerie dans l’expression architecturale des beaux-arts du temps.
Comme tout ça se prend très au sérieux, prenons-le donc au sérieux. La proposition est essentiellement technique : 131 composants pour la seule boîte (48 mm), plus travaillée qu’une grande complication et mélange – pas si audacieux que prévu – de céramique, de titane et de caoutchouc. Il s’agit, nous précise la marque, de la « boîte de montre la plus complexe jamais manufacturée ». C’est peut-être même vrai, mais était-ce bien utile ?
Comme la marque a tout mis sur cette approche technique, avec des poussoirs et une couronne d’une rare complexité (forme en exosquelette d’oursin), elle a oublié la qualité du rendu final, tout sauf « extraordinaire », « original » et « fascinant ». Les cornes, elles aussi très sophistiquées, laissent une impression de malaise. Trop, c’est trop, et si le coeur chavire, c’est la nausée, pas le coup de foudre !
••• LE DESIGN DANS LE GOÛT BIOLOGIQUE ET LES FORMES ARRONDIES – le style herpétologique qui justifie la référence Black Mamba – accentuent encore la surcharge adipeuse de l’ensemble : les galbes virent à la coupole de mosquée et la montre au chef-d’œuvre de l’art islamique déliquescent, ce qui n’était sans doute pas le but recherché. Le beau design se joue toujours sur le fil du rasoir : ici, le mou l’emporte sur le souple, et le flasque sur le nerveux. Que de contradictions dans ces courbes trop luxuriantes et surimposées les unes aux autres. C’est pathétiquement pâteux…
Tout ça pour un méchant chrono à trois compteurs : on croit rêver ! Tant d’efforts et de débauche créative pour un aussi piètre résultat, encore aggravé par le sertissage orange des versions Ultimate (couplé à un sertissage de baguettes céramique qui rappellera la collection Chanel 2009) : on a envie de demander s’il y a un docteur dans la salle…
••• CEUX QUI NE ME CROIENT PAS N’AURONT QU’À VÉRIFIER À BASELWORLD SUR LE STAND NUBÉO, marque dont le siège social est d’ailleurs à Bâle. Le pire, avec cette Black Mamba grouillante de détails inutilement enchevêtrés, c’est qu’elle fait presque regretter les collections précédentes, qui en paraissent du coup sobrissimes…
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