|
Derniers coups de marteau dans les stands de Bâle, avant l’ouverture de la journée presse: c’est parti pour huit jours de rencontres et de « rituels mammifères » (voir ci-dessous) qui vont décider du sort de l’horlogerie dans les douze mois qui viennent et dans les dix prochaines années…
••• RICHARD MILLE TENAIT SALON HIER, À PARIS, HISTOIRE DE PRÉSENTER SES NOMBREUSES NOUVEAUTÉS 2009 en présence de quelques-uns de ses détaillants et des journalistes venus de la vieille Europe. La fin de l’hiver ayant été cette année avare de « présentations pré-Bâle », l’événement a donc été d’autant plus couru qu’il se passait dans la salle à manger d’Alain Ducasse, au Plaza-Athénée de l’avenue Montaigne : on a connu pire invitation, et un tel appel milléen ne se refuse pas. Surtout quand « Monsieur Mille » se de nous montrer ses nouveautés 2009, en plus de quelques friandises horlogères réservées aux initiés.
Pièce maîtresse : la nouvelle RM 025, chrono-tourbillon de plongée de dimensions inaccoutumées (50 mm de diamètre, épaisseur en rapport), mais qui sait rester portable, même pour des poignets modestes, du fait de l’angle judicieux de ses cornes et de son « posé » ergonomique. Le pont au verso du mouvement ravira les amateurs de design horloger, tandis que les maniaques de la micro-mécanique tomberont en pâmoison devant les nano-vis cannelées, qui relèvent du cauchemar pour opérateur CNC. Compter 300 000 euros pour ceux qui aiment les chronos-tourbillons à poussoirs à gauche. En préparation, sa petite sœur (RM 028) sera aussi une « plongeuse », plus facilement portable du fait de sa taille et de son épaisseur.
Première sortie pour la Boucheron by Richard Mille, tourbillon original – déporté à 8 h – dont les rouages en œil-de-tigre ont été finalement retraités sur un mode minimaliste, qui n’en diminue cependant pas la prouesse technologique.
Très attendues : les nouvelles RM 023, fières de leur nouveau cadran à chiffres romains stylisés et « éclatés ». Tjours très Richard Mille, mais déjà annonciatrices d'une nouvelle génération.
Cerise sur la gâteau : une nouvelle RM 016 (rectangulaire), en titane traité au plasma, dont le rapport taille/légèreté séduira toute amateur de ces « grandes montres » qui savent se faire oublier, mais qui n’en captivent pas moins le regard des autres.
Bref, de quoi occuper pendant une dizaine de mois les détaillants de la marque, qui pratiquent en plus avec allégresse la « série limitée boutique », en changeant les aiguilles, le revêtement du boîtier ou la palette des couleurs…
• Business Montres vous ayant déjà révélé, en avant-première, la RM 025 (12 décembre 2008) et la RM 023 (9 mars), juste une image (ci-contre) du pont très spécial de la RM 025 – notez au passage le détail des cornes en or rose.
••• L’INCROYABLE MONSIEUR MILLE NE PEUT RIEN FAIRE COMME LES AUTRES, ni les montres, ni les salons. On ne saurait lui donner tort et son initiative parisienne – à la veille de Baselworld et alors qu’il n’avait pas tenu salon pendant Genève 2009 (SIHH et présentations périphériques) – oblige à se poser la question des « salons horlogers » tels qu’ils sont aujourd’hui conçus – c’est-à-dire, en fait, tels qu’ils ont été conçus il y a vingt ans (SIHH) ou quatre-vingt ans et plus (Baselworld).
La crise horlogère va sans doute obliger les salons à reformater leur offre, pour de multiples raisons conjoncturelles et structurelles qu’on peut résumer ainsi :
• Impact financier immédiat de la crise et souci des marques, indépendantes ou intégrées, de rationaliser leurs budgets et de déterminer le ROI exact de leurs dépenses de communication hors médias.
• Volonté des marques de créer un contact permanent (pluri-annuel et non unique) avec leurs réseaux comme avec les journalistes, sans focaliser les ressources humaines et financières sur une « grande messe » plus coûteuse que réellement profitable.
• Nouvel étalement annuel des commandes du fait de la mondialisation des marques et lissage tout au long de l’année des anciens « pics » bâlois ou genevois.
• Interrogations de différentes marques – indépendante ou intégrées – pour se dégager soit du carcan bâlois, soit du carcan genevois, qui ne leur offrent plus les services adaptées à leur modèle économique et/ou à leurs problématiques marketing.
• Questions sur l’efficacité même d’un salon européen unique et sur la valeur ajoutée éventuelle de mini-salons décentralisés sur les grands continents.
Toutes ces questions feront l’objet d’analyses ultérieures dans Business Montres, mais l’initiative de Richard Mille, qui succédait à une événement comparable de Chaumet une semaine auparavant a le mérite de démontrer l’existence d’un autre modèle de salon.
De la même façon, la mise en place de The Watch Factory à Baselworld témoigne de l’émergence d’un nouveau concept de présentation et de communication – minimalisme dans la parade de la marque, maximalisme dans l’expression des produits – en direction de la cible détaillants et de la cible presse.
Il ne s’agit évidemment pas de jeter le bébé avec l’eau du bain : ces grands raouts s’avérent indispensables pour la cohésion communautaire de l’industrie et la création d’un événement annuel de renommée international. Si Baselworld n’existait pas, il faudrait l’inventer, mais peut-être devrait-on le réinventer dans l’esprit des années dix qui s’ouvrent à nous, sans conservatisme et sans timidité, sous peine de voir une floraison d’initiatives privées dont la singularité ne compensera jamais la perte de sens collectif.
A l’heure de Facebbok et de LinkedIn, nous sommes malgré tout restés des animaux sociaux, avides de contacts physiques, d’initiations claniques et de cérémonies sacrificielles. Rien de mieux qu’un salon horloger pour « créer du lien » ! Même Richard Mille viendra s’offrir sa dose de rituels mammifères à Baselworld…
••• EN VRAC
••• SANS VOULOIR (TROP) ENTRER DANS LES DÉTAILS
••• SANS FAIRE (TROP) DE COMMENTAIRES
Quelques informations qui méritent d’être relevées dans l'actualité des montres, de ceux qui les font, de ceux qui les vendent et de ceux qui les portent...
• QUESTIONS CLASSIQUES À LA VEILLE DE BASELWORLD : QUELLES FÊTES FRÉQUENTER, si tant est qu’il y ait encore, cette année, des grandes fêtes – ou, disent les mauvaises langues, quelque chose à fêter ? La mode serait plutôt aux bonnes verrées dans les lounges qui fleurissent ici et là, au hasard des grands stands et des grands hôtels. Très attendues, comme tous les ans, la soirée Breitling et la soirée Patek Philippe, qui se déroulera aux Trois-Rois, sous l’œil goguenard de Mathias Buttet, qui tient table ouverte, tous les soirs, dans le seul palace bâlois…
• C’EST PROBABLEMENT LA FÊTE BULGARI QUI ATTIRERA LE PLUS DE CURIEUX, avide de vérifier à quoi ressemble un président – Francesco Trapani – contraint par la conjoncture à réduire de 75 % sa rémunération globale : champagne ou mousseux ? Foie gras ou pâté de campagne ?
••• EN ATTENDANT, FRANCESCO TRAPANI EST LE SEUL « PATRON » HORLOGER à avoir publiquement consenti un tel sacrifice à forte valeur ajoutée médiatique. On attend au moins un geste – même symbolique – de tous les futurs licencieurs de l’après-Bâle…
• ON SE DEMANDAIT À QUOI POUVAIT BIEN SERVIR UN BOUTIQUE FRANCK MULLER AU HILTON DE BÂLE… Réponse : à créer un salon off pendant Baselworld et à proposer aux détaillants qui n’auraient pas été totalement « tondus » dans les halles officielles de venir dépenser leurs surplus de back orders au WPHH, qui se tient simultanément à Genthod.
• LE CALCUL DE VARTAN SIRMAKES (GROUPE FRANCK MULLER) A BIEN ANTICIPÉ LA DÉROUTANTE ROUTINE BÂLOISE : quoiqu’il n’y ait pas cette année l’ouverture du SIHH pour réduire la présence des grands détaillants et des journalistes aux seules trois premières journées de Baselworld, tous les rendez-vous de cette édition 2009 restent très majoritairement concentrés sur ces mêmes premières journées [jeudi-samedi], ce qui permettra aux visiteurs de Bâle de s’octroyer une ou deux journées de repos à La Réserve de Genève. On y est quand même mieux que sur les fameuses péniches, dont il est nécessaire de préciser qu’elles sont toutes cette année en quatre et cinq étoiles – et donc qu’elles ne relèvent plus de la logique hébergement d’urgence pour SDF qu’on a pu connaître il y a cinq ou dix ans…
• SINON, AU CHAPITRE DES RAGOTS INVÉRIFIABLES, IL FAUDRA FAIRE SEMBLANT DE SAVOIR quelle marque en est réduite à payer ses fournisseurs en… nature – comprenez en montres, dont le stock abonde chez les parallélistes et dont le seul défaut est d’être valorisées par la marque, pour cet échange, à un niveau très différent de leur valeur réelle chez les mêmes parallélistes.
• AUTRE RAGOT INRACONTABLE : quelle est donc la marque qui a refusé de payer son stand à moins de quinze jours de l’ouverture, en menaçant de laisser un « énorme trou » au milieu de la halle ? Ce qui aurait effectivement fait désordre et qui aurait pousser Baselworld à une bienveillante transaction. Aux dernières nouvelles, cette marque ne serait pas la seule, puisque d'une de ces voisines aurait pratiqué le même chantage. Un « énorme trou », ça va. Deux trous, bonjour les dégâts ! Et aussi bonjour les débats... Puisqu’on vous dit que c’est inracontable…
• ON NE TROUVE PLUS LA MOINDRE ROLEX SUR LES CHAMPS-ÉLYSÉES : c’est le résultat de la brouille entre la marque à la couronne et Les Comptoirs parisiens, dynamique chaîne de détaillants à laquelle Rolex avait supprimé sa concession pour quelques établissements dans le sud de Paris. Les Comptoirs parisiens était le seul point de vente Rolex sur la « plus-belle-avenue-du-monde » : la chaine vient carrément de mettre fin à ses relations avec Rolex.
••• L’INCIDENT ILLUSTRE L’EXASPÉRATION DU RÉSEAU FRANÇAIS FACE À CE QUI EST CONSIDÉRÉ COMME « L’ARROGANCE DE ROLEX FRANCE ». Autrefois, Rolex choisissait ses détaillants et leur menait la dragée haute. Aujourd’hui, ce sont les détaillants qui se permettent de ne plus retenir Rolex dans leur portefeuille de marques. Attitude impensable il y a seulement un an, surtout sur le marché français : à force de surstocker le réseau et d’asphyxier financièrement les détaillants, on s’expose à de tels retours de flamme ! Business Montres avait récemment signalé les mêmes réactions d’une quarantaine de détaillants italiens de Rolex : plus de doute, les caves se rebiffent…
• DANS LA SÉRIE DES NOUVEAUX RAPPORTS ENTRE MARQUES ET DÉTAILLANTS, ON SIGNALE L’ÉVICTION BRUTALE du directeur France d’IWC, François-Xavier Palvin, prélude à une « épuration » au sein des directions locales du groupe Richemont. On lui reprochait notamment le pilotage calamiteux de l’affaire Chronopassion : les lecteurs de Business Montres se souviennent du désormais fameux « Follow Lolo », cri du cœur des détaillants solidaires de Laurent Picciotto quand il avait renoncé, en plein SIHH, à toute relation avec IWC et Jaeger-LeCoultre. C’était probablement la goutte capable de faire déborder le vase, George Kern ayant de son côté besoin d’envoyer un signal clair à ses troupes et à ses réseaux…
• FAWAZ GRUOSI, QUI VIENT NON SANS MAL DE TROUVER UNE SOLUTION « FAMILIALE » À SON PROBLÈME ENDÉMIQUE DE TRÉSORERIE, avoue une baisse de 43 % des commandes passées par ses détaillants et une baisse de 22 % des ventes dans ses propres boutiques. Alors que ses stocks explosent sur le parralèle, il ne présentera qu’une seule nouveauté à Bâle, ainsi que les pièces fonctionnantes de ses « concept watches » 2008. Il maintient en revanche son idée de construire une manufacture de 4 000 mètres carrés dans la périphérie de Genève, à « Plan-les-Watches », dans le voisinage des plus grandes marques…
• CHEZ WYLER GENÈVE, BRUNO GRANDE SERA REMPLACÉ PAR RYAN ST GEORGE, un des bras droits de Marcello Binda, dont il était le directeur marketing international. Contrairement à ce qu'écrivait hier Business Montres, la vraie nouveauté Wyler ne sera pas le chrono Code-R (simple déclinaison), mais la nouvelle esthétique de la montre Code-S (nouveau boîtier décliné en 18 références).
• HUBLOT LES PIEDS DANS L'EAU : c'est dans une paillote de l'île Maurice, au Four Seasons d'Anahita (en face de l'île aux Cerfs) et c'est sans doute la seule boutique horlogère au monde à être montée sur pilotis...
• CHOPARD ANNONCE QUELQUES NOUVELLES SUPPRESSIONS DE POSTES À MEYRIN : après avoir éclairci ses équipes à Fleurier (20 postes concernés), l’horlogerie Chopard réduit sensiblement ses effectifs à Meyrin, son siège genevois, où le personnel a du vague à l’âme depuis le départ de François Tissot (révélation Business Montres du 13 octobre dernier), qui n’a toujours pas été remplacé comme directeur général.
• MÊME SUPPRESSIONS DE POSTES À FLEURIER, CHEZ VAUCHER MANUFACTURE, qui se sépare de 14 personnes (sur 250) – et ce n'est sans doute qu'une mesure provisoire dans le mesure où l'entreprise reconnaît une chute de commandes de l'ordre de 20 %, alors même que des disenssions très vives sont apparues entre le groupe Hermès, actionnaire minoritaire mécontent de la qualité des mouvements qu'on lui livrait, et Vaucher Manufacture...
••• LES OBSERVATEURS ATTENTIFS S'ÉTONNERONT DE CE DÉGRAISSAGE, en se souvenant des envolées lyriques de Jean-Marc Jacot, le gourou de Fleurier, pendant le SIHH de janvier, quand il annonçait une année 2008 record et des perspectives 2009 particulièrement riantes.
• PROCHAINE VEDETTE HORLOGÈRE DE BASELWORLD, TIFFANY & CO (LA MARQUE) N’EST PLUS EN TRÈS GRANDE FORME : chute de 20 % des ventes fin 2008, avec un inquiétant – 29 % sur le marché américain, pour un chiffre d’affaires totale en recul de 3 % sur l’année 2008. Un plan de départ de 600 personnes a été programmé…
• CONSOLIDATION EN COURS AU SEIN DU GROUPE TIMEX, qui révise son organigramme pour intégrer les marques de sa filiale Callanen (Nautica, Marc Ecko, Opex, TX) : les deux états-majors seront plus ou moins fusionnés (fermeture du site Callanen de Norwalk) et les équipes probablement dédoublonnées dans une logique d’économie – donc quelques licenciements en vue !
• TOUT ARRIVE AUX NOUVELLES MARQUES, MÊME LE MEILLEUR : récemment, Business Montres avait eu la dent un peu dure contre la montre Nubeo Black Mamba, présentée comme « l’horreur du week-end » (14 mars dernier). Le Wall Street Journal du 21 mars reprend l’information sur la sortie de cette montre, co-dessinée par le basketteur américain Kobe Bryant. Non sans rappeler que ce champion de la NBA avait défrayé la chronique à la page « felony sexual assault » de la presse américaine, éloignant des sponsors qui sont depuis revenus (Nike, Coca-Cola)…
••• UN DES SECRETS LES MIEUX GARDÉS DE BASELWORLD EST… UNE ADRESSE INTERNET que Business Montres a quelques scrupules à révéler, mais on s’est promis de tout se dire [ce sera la récompense de ceux qui lisent le Quotidien des Montres jusqu’au bout !] : c ‘est le site préféré des élites genevoises – et souvent françaises – de l’horlogerie, qui adorent y découvrir, sur catalogue, d’amusants « jouets de garçon », de solides arguments anti-crise et de quoi gérer leur stress pendant les salons. En tout cas, pour Baselworld, c’est l’adresse qu’on se glisse entre initiés pour ne pas manquer un des menus plaisirs du salon.
C’est un site Internet tout ce qu’il y a de plus classiques : page d’accueil, news [avec témoignage de satisfaction des consommateurs : comme quoi on peut aller loin dans le web 2.0], catalogue produits, FAQ, conditions générales de paiement et de facturation. Les nouveautés de l’année y sont proposées dans une ambiance festive qui n’échappera à personne, avec différentes gammes de produits payables en euros et dans trois autres devises (dont le franc suisse), mais pas forcément livrables ou consommables en France : à Bâle, autant il est permis de sauter le pas, autant il vaut mieux ne pas se tromper de pont ! On peut d’ailleurs régler en carte de crédit.
••• DANS UNE LOGIQUE PUREMENT INFORMATIVE ET JUSTE POUR DÉCODER L’ACTUALITÉ, ce qui est le contrat de lecture élémentaire proposé par Business Montres, cette adresse n’est donnée ici que pour mieux comprendre et expliquer l’apparition sur le marché de l’horlogerie de nouvelles références, assez inattendues mais toujours spectaculaires et groundbreaking quand on les fait découvrir à ses amis.
• Comme il n’y a pas de raison de vous laisser orphelin d’un tel gisement de nouveautés, cet univers de marque est à découvrir sur http://www.felines.ch (si vous ne parvenez pas à accéder à cette page, veuillez copier l'URL précédente et la coller dans votre navigateur). Je ne vous dis pas de la part de qui il faut venir, mais vous y serez toujours en bonne compagnie…
|