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Ouverture officielle de Baselworld : même si personne n’avait d’illusions sur la santé du marché horloger, c’est quand même dur de se retrouver aussi peu nombreux et aussi peu... nerveux !
Heureusement, si les grandes marques sont passés en mode furtif, quelques « petits joueurs » avisés
ne s’encombrent pas de scrupules pour accélérer dans l’exploration de nouvelles voies.
À BASELWORLD 2009, LE FRANC-TIREUR A…
••• PAS ENCORE TOUT VU, MAIS DÉJÀ ASSEZ BIEN CIRCULÉ ET INTERROGÉ ASSEZ DE MONDE (MARQUES, DÉTAILLANTS, PRESSE) pour avoir une première idée – impressionniste – de la tendance générale : la diminution de la fréquentation était sensible dès ce jeudi [la journée d’ouverture est généralement une des plus « chargées »], avec des visiteurs plus clairsemés dans les couloirs des halles « nobles » et une périphérie (hôtels, espaces non officiels) encore plus désertée.
Le plus inquiétant est tout de même le niveau des commandes effectuées par les détaillants : toujours de façon impressionniste, on est largement au-dessous des 50 % par rapport à 2008. Comme certains continents font à peu près défaut (moitié moins de Nord-Américains en moins, un gros tiers des Asiatiques restés à la maison, les deux-tiers des Russes aux abonnés absents), on imagine les ravages dans les back orders : les area managers concernés sont au bord du seppuku, même après le passage des grands donneurs d’ordre, dont les délégations ont fondu comme les neiges sous la pluie bâloise.
Si les carnets de commande sont assez modestes, ils ne sont cependant pas nuls, mais ils s’avèrent extraordinaires sélectifs : les distributeurs et les détaillants, qui connaissent l’état de leur stock, ont la main très légère en picorant dans les catalogues. C’est du fine tuning pour les vitrines, avec une sélection de ce qui sera susceptible d’accrocher le regard ou de retenir l’attention des clients.
••• JE SUIS ÉVIDEMMENT CERTAIN QUE, LA MAIN SUR LE CŒUR, « Croix de bois-croix de fer, si je mens, je vais en enfer », la plupart des présidents de marque vont tenir le discours inverse et parler du niveau élevé des commandes passées chez eux. En ajoutant pour la petite touche d’authenticité : « Je ne sais pas où en sont les autres, mais moi ça va » ! Personne n’est obligé de les prendre au sérieux : Bâle a toujours été un concours de maquignons plus baratineurs les uns que les autres…
••• REPÉRÉ, AU PASSAGE, UNE PETITE ASTUCE POUR ACCROÎTRE L’IMPRESSION DE FIÈVRE SUR UN GRAND STAND : il suffit d’avoir une toute petite entrée, avec un tout petit comptoir et tout juste une ou deux hôtesses, qui seront vite débordées et qui provoqueront une file d’attente excellente pour l’image de marque. C’est également valable pour les petites marques, qui affichent trop souvent un grand desk d’accueil et trop d’hôtesses inoccupées.
••• LES ARCHITECTURES QUI PRIVILÉGIENT LES GRAND HALLS débouchant sur d’immenses perspectives intérieures sont cette année pénalisées : on voit tout de suite qu’il ne se passe pas grand-chose !
••• COMPRIS QUE CE REPLI STRATÉGIQUE DES DÉTAILLANTS ÉTAIT ENCORE PLUS SENSIBLE DANS LES GRANDES MAISONS DU HALL 1.0, QUI ONT DÉJÀ TANT BOURRÉ LES TIROIRS qu’elles ont bouché tous les tuyaux de leur chaîne logistique, du stock d’usine au stock des détaillants, en passant par les stocks des distributeurs, des agents, des filiales et des… parallélistes.
Ce qu’on trouve dans les « nouveautés 2009 » n’a rien d’excitant : les héros du peloton de tête pratiquent cette année une prudence créative strictement parallèle à la circonspection précautionneuse des commandes passées par les détaillants. La mode des rééditions-anniversaires fait sans doute plaisir aux journalistes qui ont de longues « tartines » historiques à raconter, mais elles n’enthousiasment les détaillants que de façon homéopathique…
••• C’EST CE QUI FAIT QU’ON S’ENNUIE À MOURIR DANS CERTAINS SECTEURS DU HALL 1.0 : après le salon, une fois tous les coins et les recoins explorés, Business Montres publiera une thermographie des différentes halles, avec l’indication des zones les plus « chaudes » et donc des plus froides…
••• ÉTABLI MON HIT-PARADE PERSONNEL ET PROVISOIRE, AU PREMIER JOUR DE BASELWORLD, PUISQUE C’EST LA QUESTION qu’on me pose le plus souvent dans les couloirs et dans les stands :
• MONTRE LA PLUS ÉTONNANTE : deux ex-aequo dans le haut de gamme, le tourbillon Concord C1 Quantum Gravity et l’Opus 9 d’Harry Winston. Dans les catégories plus accessibles, l’ODC X 02 proposée par Hamilton (image ci-dessus : triple fuseau horaire futuriste), marque dont le cru créatif 2009 est exceptionnel.
• MEILLEURE INTERPRÉTATION FÉMININE : la nouvelle collection Wyler Genève, qui réinterprète brillamment – nouveau boîtier, nouveau « sandwich », nouvelles associations de matières – le chronographe Code R. Une montre qu’il serait dommage de laisser aux femmes tant elle est séduisante au poignet des hommes !
• MONTRE LA PLUS DÉROUTANTE : la proposition BR 01 Airborne de Bell & Ross, déjà bien connu des lecteurs de Business Montres, qui pressentait que ce serait un des modèles les plus rupturistes du salon. Les réactions des journalistes – quelques-uns ne comprennent pas, les autres se posent des questions – sont ici bien différentes de celles des détaillants, qui voient là une « bête de scène » bien capable de focaliser l’attention dans leurs vitrines [pour les initiés, ne pas rater les versions serties diamants/diamants noirs]…
• CHRONOGRAPHE LE PLUS BLUFFANT : le nouveau concept Ananta de Seiko, qui fête cette année le quarantième anniversaire du « premier-chronographe-automatique-de-l’histoire-horlogère » – catégorie assez encombrée cette année, avec trois catcheurs qui se disputent le podium (Seiko, Zenith, TAG Heuer, un des autres tenants du titre, Breitling n’ayant pas souhaité entrer dans la partie).
• MOUVEMENT « MANUFACTURE » LE PLUS INATTENDU : on le trouve chez Schwarz-Etienne, qui l’a développé ex-nihilo, dans des délais ridiculement rapides et avec un budget ridiculement mince, mais ça marche et – cerise sur le gâteau – c’est disponible pour des marques tierces !
• DÉCORATION LA PLUS INTÉRESSANTE : celle du stand Louis Moinet (Hall 1.1), qui expose, pour sa nouvelle collection Jules Verne [réalisée avec le descendant de l’écrivain, qui était présent sur le stand], quelques-unes des maquettes verniennes du musée d’Yverdon. Si vous n’avez jamais vu à quoi ressemble le train Terre-Lune imaginé par Jules Verne, ne manquez pas la vitrine de Louis Moinet.
• ZONE LA PLUS RAFRAÎCHISSANTE : incontestablement – et de l’avis général – The Watch Factory (le Palace de Baselworld), qui a déjà vu passer l’élite de la distribution internationale, de nombreuses équipes de télévision, la plupart des journalistes horlogers et déjà beaucoup de patrons de marque en visite à Baselworld. Et il en faut, de la fraîcheur, pour compenser l’hallucinante climatisation tropicale de cette halle ! La mine réjouie de la plupart des « Douze salopards » (la Dirty Dozen de tous les commentaires) contraste avec la mine déconfite de bon nombre de leurs confrères. Même Richard Mille est passé hier y faire quelques emplettes personnelles, alors que d’autres managers venaient y sonder discrètement Les Artisans Horlogers, Peter Speake-Marin ou Fabrication des montres normandes sur la possibilité de faire réaliser un mouvement « manufacture ».
••• MAIS JE N’AI PAS ENCORE TOUT VU ET JE SENS QUE JE VAIS ENCORE AVOIR D’EXCELLENTES SURPRISES… De toute façon, Business Montres reviendra en détail sur toutes ces montres dans les jours qui viennent. Ces jours-ci, la priorité est à la chasse et à la cueillette : c’est quand on aura fait le marché qu’on pourra passer en cuisine pour de substantiels bons petits plats…
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