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LE FRANC-TIREUR DE BASELWORLD 2009 : le beau temps semble revenu, même sous les néons du salon !
 
Le 01-04-2009
de Business Montres & Joaillerie

C’est plutôt bien parti pour cette vendange 2009, qu’on pensait perdue sous la grêle financière et parasitée par le phyloxéra du doute.
A deux jours de l’arrivée, quelques vainqueurs se détachent et quelques perdants pleurent déjà
leur manque de lucidité stratégique.
En attendant que le drapeau à damier départage tout le monde…

…À BASELWORLD, LE FRANC-TIREUR A…

••• CONSTATÉ QUE LA MÉTÉO BÂLOISE ÉTAIT À L’UNISSON DU MORAL DE L’HORLOGERIE : temps pluvieux et brouillé en début de salon, belles éclaircies par la suite avec quelques giboulées et fraicheur revigorante ces derniers jours. On ne peut mieux résumer l’évolution barométrique de Baselworld, entre les incertitudes des premiers jours et le sentiment aujourd’hui dominant d’avoir échappé au pire et d’avoir fait mieux que prévu.

Même si la machine à raconter des mensonges a toujours tendance à s’emballer en fin de salon, et même en tenant largement compte des exagérations des uns et des autres, il semble certain que ce ne sera pas finalement si désastreux qu’on aurait pu le penser à la lecture des dernières statistiques d’exportation. Sans trop y regarder de près, avec d’extraordinaires variations selon les marques et les détaillants, on peut chiffrer les prises de commande à une moyenne de 25-30 % inférieure à l’année dernière, qui était une année de « bulle », ce qui nous ramène au niveau d’activité de 2006, qui avait été – rappelons-le – une grande année ! Ce n’est pas si mal…

••• LE TOUT EST MAINTENANT DE CONFIRMER CES PRISES DE COMMANDE, dont certains managers ont anticipé la volatilité. Plus question d’attendre la fin du salon pour collationner les intentions des uns et des autres : la magie de l’informatique permet de raccourcir les délais et d’expédier la facture avant même que le détaillant soit revenu de Baselworld et que l’euphorie du salon soit retombée…

••• PERÇU QUELQUES ÉVOLUTIONS INTÉRESSANTES QUI PEUVENT EXPLIQUER CE « SAUVETAGE » DE BASELWORLD :

• Les marques ont été moins strictes dans leurs procédures de commande, en acceptant une relative sélectivité des détaillants, qu’ils savent gorgés de stocks, et en évitant la technique des « commandes bloquées » préparées à l’avance.

• Les prix ont été sinon baissés, du moins gelés, ce qui a permis à de nombreuses marques de tenter des « produits anti-crise » un peu plus accessibles et parfois même plus rémunérateurs. Cette tendance était sensible dans le haut de gamme (parfois au prix de détails un peu moins « léchés ») comme dans l’entrée de gamme (souvent en sacrifiant les valeurs non perçues du produit).

• Les détaillants ont regardé avec un peu plus d’intérêt des marques alternatives auxquelles ils ne pensaient pas auparavant et surtout mieux étudié leur vrai structure de produits et de clientèle : certains ont découvert avec étonnement que les marques les plus célèbres de leurs vitrines n’étaient pas forcément les plus profitables ! Le souci de regarnir leur entrée de gamme était patent.

• Sans la pression de l’ouverture du SIHH, les journalistes ont pris le temps d’approfondir leurs visites et d’explorer des zones inconnues du salon, pour y découvrir des marques un peu laissées dans l’ombre, mais qui ne manquent pas de propositions originales : on remarquait ainsi l’intérêt grandissant des espaces horlogers du Hall 2.0, qui souffrent malheureusement d’un mauvais « agrafage » au Hall 1 et d’un défaut de balisage dans la continuité horlogère.

• Les amateurs présents à Baselworld – les « pro-am » dont parle souvent Business Montres, ces « amateurs professionnels » qui en savent souvent plus que bien des cadres de l’industrie – ont découvert que le marché horloger était sans doute plus complexe qu’ils ne l’imaginaient dans leurs pays respectifs et que la réalité des marques ne se confondait pas avec leur communication.

••• ETONNANTE, AUSSI, CETTE ANALYSE PERMANENTE DES COÛTS : les stands trop « pharaoniques » n’épataient plus personne cette année, chacun y voyant un facteur de dépenses inutiles. Comme me l’a dit Marcus Margulies (Marcus, Londres), « j’ai toujours l’impression de piétiner mon argent quand la moquette d’un stand est trop épaisse ». C’est ainsi qu’il a beaucoup ri de la « frugalité » assumée des marques présentes à The Watch Factory, qui ont sans doute affiché le meilleur score dépenses/recettes de tout Baselworld avec en tout et pour tout trois planches, quatre chaises, deux vitrines et la lumière du jour comme décor !

••• COMPARÉ, CHEZ QUELQUES GRANDS DÉTAILLANTS, LES COMMANDES PASSÉES À GENÈVE ET CELLES DE BÂLE : avec le recul, on réalise à quel point la tenue du SIHH en janvier est très mal tombée cette année. Faute de visibilité début 2009, beaucoup de détaillants ont surjoué la baisse de moral, en commandant sans doute moins qu’ils n’auraient dû. Les marques elles-mêmes, tout aussi dépourvues de visibilité, ont également surjoué dans la rigidité face au désarroi des détaillants et dans le raidissement arrogant.

Deux attitudes qui n’ont pas permis au SIHH de rencontrer le succès commercial escompté.
A Baselworld, tout le monde s’est mis en mode crise, avec la volonté mutuelle de s’aider à survivre et de surmonter les difficultés par le haut. Les affaires s’en sont tout de suite mieux portées – ce qui ne ramènera pas forcément plus de clients devant les vitrines – et placé chacun devant ses responsabilités : prime aux marques les plus inventives et les plus fidèles à leur identité, avantage aux détaillants qui auront fait les choix les plus malins pour se distinguer.

••• AVEC LE RECUL, ON RÉALISE L’ERREUR STRATÉGIQUE QUE CONSTITUAIT LA PRÉSENTTION DES MONTRES RALPH LAUREN AU SIHH : pas une montre vendue à Genève, alors qu’elles auraient sans doute trouvé à Baselworld des détaillants plus motivés. L’exemple de Tiffany & Co souligne à quel point le choix du bon salon est décisif : le parallèle est évident, et le résultat tout aussi évident ! On ne comprend d’ailleurs pas pourquoi la direction de Ralph Lauren Montres n’a pas tactiquement essayé de tenter sa chance à Bâle : une opération commando était sans doute possible, mais la logique de groupe a ses déraisons que la raison n’explique pas…

••• VÉRIFIÉ QUE DIOR COMMENÇAIT VRAIMENT À TROUVER SON IDENTITÉ HORLOGÈRE. Le virage n’était pas évident à négocier : la différence entre les catalogues d’il y a cinq ans et ceux d’aujourd’hui est criante. Même la Christal a tardé à trouver son style, mais Dior Montres semble avoir décidé de foncer en visant le plus haut possible, avec désormais une crédibilité surprenante. La collection 2009 confirme le diagnostic, avec une palette de nouveautés bien affirmées : la mini D atteste que la taille géométrique (19 mm) n’est pas la question, mais la réponse au souci des femmes de porter à la fois des montres expressives (Dior propose aussi, cette année, une Christal automatique en 42 mm) et de purs produits de séduction, comme cette friandise de 19 mm plus ou moins sertie, mais ultra-féminine au poignet (mouvement quartz).

Dior, c’est aussi, cette année, la nouvelle Chiffre Rouge en version plongeur, combinaison noire à l’appui (surmoulage de la boîtier et du bracelet en caoutchouc), avec un protège-couronne très technique et très bien pensé, ainsi qu’un clin d’œil dans le saphir rouge du fond. Et c’est une vraie « plongeuse », étanche à 300 m. Apparemment, le bureau de style de Dior a bien digéré le départ d’Hedi Slimane, qui avait créé cette Chiffre Rouge.

On tutoie les grands sommets horlogers avec quelques exclusivités, comme la Christal Tourbillon diamants et rubis (pièce unique, au sertissage bien architecturé), la même en diamants « serti neige » (mouvement Zenith Elite) et l’exceptionnelle Christal à disques saphir développé sur la base du mouvement « invisible » de Quinting. Si on reconnaît le principe Quinting (disques saphir « mystérieux »), on comprend aussi à quel point une bonne équipe de stylistes peut tout changer : ponctué de métallisation en abîme, qu évolue pour recomposer en permanence le décor du cadran, cette Christal pose à la fois l’identité haute horlogère de Dior et sa légitimité créative.

Un sacré travail, qui prouve aussi que Dior a fini par comprendre que c’était dans les watch valleys qu’on faisait des belles montres, et nulle part ailleurs : la manière dont la collection 2009 est imprégnée de vraies valeurs horlogères est symptomatique de cette suprématie culturelle suisse dans le domaine des belles montres. Comme le dit Mauro Egermini, qui a repris en main Dior aux Ateliers horlogers de La Chaux-de-Fonds, « nous avons une autoroute créative devant nous et il ne nous reste plus qu’à accélérer » !

••• UN PETIT DÉTAIL FAIT SOUVENT LA DIFFÉRENCE : la Christal a établi son identité sur ses petits cabochons pyramidaux de verre saphir (cristal) noir. Gimmick vite imité, qui a eu tendance à tirer la Christal vers le bas et l’univers de Guess. La Christal parme (cabochons et caoutchouc du bracelet) de cet été permet de relever le débat, alors que les propositions serties requalifient vers le haut la collection, en ouvrant avec le développement Quinting une perspective haute horlogère plus convaincante que le simple tourbillon. Enfin, on voit apparaître sur la Christal diamants ci-dessus un maillon rectangulaire encore plus seyant et élégant que le simple cabochon carré : c’est ce genre de détails qui atteste de la nouvelle maturité horlogère de Dior…

••• DÉNICHÉ CHEZ DANIEL ROTH UNE DES PLUS ÉLÉGANTES SPORTIVES CHIC DE L’ANNÉE, et peut-être même une future icône de la haute horlogerie tout-terrain. Nom de baptême : Endurer Chrono Sprint. Le mot « chrono » est assez trompeur puisque l’Endurer ne propose qu’un mono-compteur heures-minutes activé par un mono-poussoir et dépourvu d’aiguille des secondes : il s’agit donc plutôt d’une sorte de compteur de sport, mais c’est bien assez pour donner une belle identité stylistique à ce boîtier aux formes originales, qui sait transcender la forme Daniel Roth (rectangle voûté) pour y ajouter des courbes, des « oreilles » et des angles parfaitement bienvenus, ainsi qu’une lunette vissée très contemporaine.

Pour le reste, une grande date et un mouvement automatique (chrono et grande date modulaire sur la base de l’inusable mouvement Girard-Perregaux), avec des finitions très soignées, comme le cadran guilloché en vagues. Du grand Daniel Roth, proposé à un prix très attrayant (9 000 euros en acier), pile entre la Big Bang et la Royal Oak – c’est sans doute un hasard ! En version noire, c’est encore plus fort.

••• LA MODERNITÉ DES NOUVELLES COLLECTIONS DANIEL ROTH EST PLUS FRAPPANTE DE SAISON EN SAISON : vieillissante ces dernières années, la manufacture du Sentier s’est offert un coup de jeune qui parvient à redonner du tonus aux montres les plus classiques d’une maison qui fête cette année (très discrètement) ses vingt ans. La grande lune de l’Atys et le nouveau calendrier perpétuel prouvent que la « forme Daniel Roth » est toujours contemporaine dès qu’on en adapte la taille (diamètre et surtout épaisseur) et le design. Le tourbillon Lumière est tout simplement magistral dans son squelettage souligné d’un arc de cercle bleui. Autant de propositions qui renforcent l’attractivité du nom et donc la désirabilité du chrono Endurer, capable d’apporter à la marque une nouvelle clientèle d’amateurs plus jeunes, plus urbains et plus « tendance ».


••• DÉJEUNÉ AVEC EFRAIM GRINBERG, LE PRÉSIDENT DU GROUPE MOVADO, POUR UN PETIT TOUR D’HORIZON : il était venu à Bâle pour une semaine avec quelques appréhensions. Après quelques jours de salon, plutôt rassuré par la tournure des événements, il s’est permis de reprendre l’avion dès lundi pour les Etats-Unis, avec le sentiment d’une mission accomplie.

Souriant, courtois et subtil, Efraim Grinberg a été le premier des grands patrons de groupe à repérer le dévissage des marchés et à prendre les mesures qui s’imposaient en termes de réduction des activités et des effectifs : il a tiré la sonnette d’alarme dès l’été 2008 [c’est un des facteurs qui avaient permis à Business Montres de prendre la mesure de la crise imminente et d’anticiper ainsi l’explosion de la bulle].

Pour les années à venir, il n’est pas pessimiste, loin de là, mais ultra-réaliste et conscient du potentiel de ses marques autant que de leurs contingences, dans lesquelles il verrait plutôt des chances à saisir et de nouvelles parts de marché à conquérir : s’il est encore faible sur le segment féminin, tant mieux !

Cela lui permettra d’attaquer dès 2010 avec des nouvelles propositions capables de faire la différence…
S’il se satisfait du succès de ses « licences » de mode (Lacoste, Hugo Boss, Tommy Hilfiger, etc.), plutôt en forme actuellement, Efraim Grinberg met beaucoup d’énergie sur ses « grandes marques » : le succès de Concord – qui cartonne médiatiquement avec sa C1 Quantum Gravity, probable best of show 2009 – l’amuse, alors que la renaissance d’Ebel – marque depuis longtemps chère à son cœur – le rassure. Tournant le dos à la stratégie de rupture choisie par LVMH, il a recentré Ebel sur ses fondamentaux – « Les Architectes du Temps » – tout en pratiquant une stratégie produits assez finement pensée : requalification par le haut (mouvements manufacture), ressourcement dans le design (les Tekton en sont un bon exemple), consolidation marketing par le sport (football) et accès à la marque par des produits attractifs proposés à des prix réalistes. Un excellent mix créatif qui a replacé Ebel dans une position digne de son rang historique.

••• EFRAIM GRINBERG A SURTOUT UN ATOUT CACHÉ : LA MODESTIE ! On n’est pas prêt de le voir s’adonner au « tout-à-l’égo » qui a naufragé tant de chevilles enflées du management horloger. Son humilité est même dissonante dans un Baselworld où ceux qui avaient tout-anticipé-avant-la-crise se disputent les micros avec ceux qui ont bien-mieux-résisté-que-leurs-concurrents. Les vrais grands seigneurs sont modestement parés…

Je m’en faisais la réflexion en saluant Nick Hayek qui tenait salon dans son lounge Swatch Group, sans cloison, ni gorilles, fumant tranquillement son cigare aux yeux de tous. Il est juste le premier horloger du monde ! Même constat avec un Jean-Claude Biver, aussi accessible cette année que remarquablement discret. Quel contraste avec certaines « stars » autoproclamées de la scène médiatique…

••• PENDANT CE TEMPS, BASELWORLD VIBRE ET BOUGE, AVEC, DANS TOUS LES HALLS, DES PROPOSITIONS ORIGINALES… Toujours de façon impressionniste, révisable et provisoire faute d’avoir fureté partout, quelques citations au hasard de mon carnet de notes :

• UNE COLLECTION TRÈS (TROP ?) RICHARD MILLE CHEZ ROTARY, dont les designers ont été visiblement éblouis par la RM 016 (rectangulaire) du roi Richard : à ce point, ce n’est plus un hommage, c’est de la rage ! Et c’est dommage, Rotary ayant prouvé ces dernières années un certain tempérament créatif…

• ADAM LINDEMANN ET MARC NEWSON, LES DEUX PARTENAIRES D'IKEPOD, étaient hier à The Watch Factory pour négocier quelques contrats avec la Russie et Singapour, où la montre signée par Jeff Koons devrait constituer le placement-refuge de tous les ex-futurs-néo-milliardaires chinois. Adam Lindemann prend le temps de donner du temps à son investissement dans Ikepod : un modèle à suivre pour les candidats à l'investissement horloger...

• UNE ANALYSE INTÉRESSANTE DES FIANÇAILLES TÉLÉPHONIE-HORLOGERIE dans L’Express-L’impartial (Suisse), pour comprendre pourquoi TAG Heuer s’est trompé avec son téléphone Meridiist (trop sage pour une marque sportive) ou pourquoi Ulysse Nardin et Frédéric Jouvenot sont des pionniers d’une nouvelle horlogerie communicante – qui est sans doute un excellent moyen de ramener à la montre un public jeune qui ne lit plus l’heure que sur son portable [pointage Business Montres : au moins trois autres téléphones horlogers dans les tuyaux d’ici la fin de l’année]…

• ON SAIT MAINTENANT À COMBIEN SE CHIFFRE L'HONNEUR PERDU DE JACQUES SÉGUÉLA : 8 000 euros aux enchères pour la Rolex d'occasion qu'il avait achetée pour racheter ses propos indécents sur la vie ratée de ceux qui n'ont pas de Rolex à cinquante ans. 8 000 euros, c'est peut-être même un peu cher. Pour lui, pas pour une Rolex...

• TOUJOURS AUTANT DE MONDE À THE WATCH FACTORY, qui devient le rendez-vous haut horloger de Baselworld, avec de nombreuses personnalités de passage (François-Paul Journe, Rolf Schnyder, Georges-Henri Meylan, Philippe Mougenot, entre autres), les grands détaillants (qui viennent et reviennent inlassablement) et les cadres des grands manufactures, venus s’oxygéner les neurones et découvrir quelques leaders de la nouvelle génération horlogère. Après 18 heures, avec la chanteuse brésilienne du lounge, on se croirait au SIHH – sauf que les bouteilles de champagne sont financées par ceux qui ont fait les meilleures affaires de la journée…

• NE PAS MANQUER, CHEZ VICTORINOX, LA MONTRE DE POCHE-RÉVEIL ÉDITÉE POUR LES 125 ANS DE LA MARQUE : un objet amusant et décalé, conçu comme un couteau suisse, dans l’acier [c’est lourd] et dans le style des couteaux suisses, qui s’annonce comme un futur collector…

• « L’HORLOGERIE N’APPRENDRA RIEN DE LA CRISE » : un titre qui n’est pas de Business Montres, mais qui aurait pu l'être et qu’on trouve dans L’Agéfi (Suisse) de ce matin. Bastien Buss y pointe cruellement du doigt quelques évidence : « La récession actuelle ne va en rien altérer les fondamentaux de cette industrie qui vient de connaître, jusqu’à septembre 2008, 19 trimestres consécutifs de croissance. (…) On parle beaucoup de bulle. Vraiment ? Elle se dégonfle peut-être quelque peu, mais elle n’a en tout cas pas explosé. Pas encore du moins, comme on peut le constater à satiété en ce moment à Baselworld. L’avenir donnera peut-être tort à ce sentiment. Une seule certitude à ce stade: ceci n’est pas une crise. (…) Toutes les apparences vont dans cette direction, tout n’est qu’une impression d’illusions.

« Champions du discours décalé, les horlogers claironnent pourtant une autre rengaine, faite des jérémiades entendues à Baselworld ou des larmoiements du dernier Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH) genevois de janvier. Ils parlent de retour aux vraies valeurs, comme s’il en existait de contrefaites, aux racines, aux fondamentaux, à l’histoire, au cœur du savoir-faire et de la tradition. Puisque toutes ces recettes existent depuis plus de deux siècles, pourquoi y revenir ?

(…) « Bref, le panorama changera, les arbres ne seront plus aussi verdoyants, certaines fleurs, parmi les plus prometteuses, vont se faner à tout jamais, et des plantes parasite dessècheront pour toujours. Tant pis, tant mieux. Tout cela, personne ne le niera. Correction brutale, assainissement douloureux, il y aura. Néanmoins de manière fugace, éphémère. Car un doute lancinant subsiste. Ces dérives vont-elles être balayés par une économie simplement cacochyme, aussi perfide et longue soit-elle ?

« Et qu’adviendra-t-il lorsque l’argent coulera à nouveau à flots ? Implacablement, un scénario similaire va se développer sous nos yeux à nouveau médusés. Avec, certainement, on le voit déjà, un casting légèrement différents, mais dont les acteurs déclameront toujours et invariablement le même texte. L’économie réelle aura-t-elle vraiment pris sa revanche? Pas sûr. Qu’elle génère 14, 15, 16 ou 17 (comme l’an passé) milliards de francs, l’horlogerie fera toujours des envieux, ne serait-ce que pour une partie infinitésimale de ce gâteau. De nouveaux arrivants (une quarantaine cette année alors que les prévisions feraient rougir la Cassandre la plus mal lunée), attirés par ces sirènes callipyges, se lanceront dans la course.

« On espérait la voir brûler sur le bûcher des vanités, l’horlogerie de pacotilles va inexorablement renaître de ses propres cendres, ravivée par la cupidité et l’avidité. Encore plus grosse, grande, colorée et sertie qu’avant. Certains modèles de cette deuxième vague sont déjà dans les vitrines de Baselworld. Dès la reprise venue, des fortunes vont se refaire, d’autres vont se consolider, de nouvelles verront le jour. De jeunes nantis voudront montrer de manière ostensible et démonstrative leur statut, leur ascension sociale.

« La ruée vers l’or reprendra de plus belle. En fait, elle a à peine commencé. Avec, on peut déjà faire le pari, des prix qui vont grimper tant et plus. Le prix moyen à l’exportation d’une montre suisse a déjà augmenté de plus de 180% entre 2003 et 2008. Qu’en sera-t-il dans vingt ans ? Les mêmes erreurs seront commises, la folie des grandeurs repartira de plus belle. L’horlogerie risque bien de n’avoir rien appris de cette crise. L’histoire va se répéter. Ce n’est qu’une question de temps. Et l’horlogerie n’est pas pressée. Elle en a même à revendre ».

••• IMPOSSIBLE À CITER INTÉGRALEMENT, CET ARTICLE EST UN BONHEUR, même si je suis très loin d’en partager toutes les analyses [je parie au contraire pour un changement durable des paradigmes, au moins dans la tête des consommateurs : le débat est ouvert], il a au moins le mérite de trancher sur le ronronnement tantôt négatif, tantôt positif comme c’est le cas aujourd’hui, du discours horloger. Tiens bon, Bastien !

 



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