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Dernier vrai jour de travail à Bâle, avant que n’apparaissent dans les couloirs les premiers cartons des partants : les ambiances libérées de fin de salon sont toujours révélatrices des vraies tendances.
Ne le répétez pas, mais tout le monde est lâchement soulagé d’avoir échappé au pire…
…À BASELWORLD, LE FRANC-TIREUR A…
••• COMMENCÉ À VOIR BASELWORLD, SES HÔTELS ET SES RESTAURANTS SE VIDER, même si beaucoup de rendez-vous figurent encore à l’agenda de cette vraie dernière journée. On peut risquer une confirmation générale de la bonne tenue relative des carnets de commande – du moins pour une année de crise et pour les marchés « classiques », en particulier européens : les Américains, les Russes ou les Asiatiques ayant fait largement défaut. Pour l’avoir vérifié dans les liasses de commandes, on peut même trouver plusieurs marques ayant fait mieux que l’année dernière sur les marchés européens…
••• TOUT SE PASSE COMME SI, APRÈ :S UNE INONDATION, LE FLEUVE RENTRAIT DANS SON LIT : on oublie les débordements d’hier et on retourne paisiblement pêcher à la ligne sur les rives…
••• CONSTATÉ QUE LA SITUATION DEVAIT D’AILLEURS ÊTRE MOINS CATASTROPHIQUE QU’ON LE DIT, si on juge par le nombre d’investisseurs potentiels présents à Bâle pour renifler les « bonnes affaires » – comprenez les marques susceptibles d’être achetées ou rachetées. Apparemment, les rumeurs de crise ont attiré quelques prédateurs en quête de nouvelles proies, notamment dans les couloirs du Hall 5 et du Hall 2…
••• SITUATION QUI ALIMENTE UN AUTRE RUMEUR BÂLOISE : pour certains managers de maisons indépendantes au capital familial toujours fragile, il pourrait être tentant de noircir le tableau post-Bâle, histoire d’inciter les actionnaires fragilisés à décrocher au profit de nouveaux investisseurs, évidemment en cheville avec le manager qui connaît le mieux la vérité des dossiers. A vérifier d’ici la rentrée de septembre, mais ça pourrait expliquer le pessimisme grognon de certains…
••• SALUÉ AU PASSAGE LA CALME LUCIDITÉ DES VÉTÉRANS DE L’HORLOGERIE, et notamment celle d’un François Thiébaud (Tissot), président des exposants suisses, qui annonçait avant Baselworld un résultat proche de celui de 2006. On n’en sera pas loin, toutes intoxications post-Bâle mises à part. Dans les giboulées de mars, il suffit d’attendre la fin de l’averse, alors que les barreurs de beau temps prennent un ris et replient la toile à la première averse…
••• C’EST COMME PENDANT LES BATAILLES NAPOLÉONIENNES : quand l’Empereur faisait donner les grenadiers de la Garde, le combat changeait d’âme et la victoire de camp. Le sang-froid des grognards aura encore une fois triomphé de la panique des « Marie-Louise ».
••• ÉPROUVÉ HIER UNE DES ÉMOTIONS LES PLUS FORTES DE BASELWORLD, en découvrant l’exceptionnelle « machine à écrire le temps » de Jaquet Droz. Evidemment, ce n’est pas une montre et ça ne ressemble rien à rien, sinon à un Meccano géant assemblé par une sorte de dyslexique horloger à tendances schizophréniques. Evidemment, on a trouvé plus simple pour connaître l’heure : imaginez-vous qu’il faut, avant que la machine se décide à donner l’heure, donner plusieurs tours de manivelle, attendre 22 secondes que le mécanisme ne se décide à écrire et attendre que l’automate ait tracé quatre chiffres et deux points pour savoir exactement l’heure. C’est ridicule !
Mais c’est tout simplement extraordinaire, génial et vertigineusement « philosophique » en même temps que techniquement déjanté. C’est une première dans l’histoire horlogère et dans la quête immémoriale des objets du temps. De quoi s’agit-il exactement ? D’un enchevêtrement de piliers, d’axes, d’engrenages, de courroies [c’est vraiment l’année de la courroie horlogère], de ponts et de pignons qui aboutissent à un stylo qui écrit l’heure avec une précision remarquable, puisque le mécanisme de cette MET – Machine à écrire le temps – tient compte des 22 secondes de décalage pour afficher l’heure.
On en est encore au stade du prototype d’une série de 28 pièces, mais c’est la première fois qu’une machine peut écrire le temps : c’est, au sens le plus strict du terme, le premier vrai « chronographe » (ci-dessus : à droite, le stylo ; on vérifie que la MET donne aussi l'heure analogiquement, mais, pour rester dans le bizarre, l'aiguille des heuresn à gauche, tourne en sens inverse) !
Philosophiquement, c’est tout aussi fantastique. D’abord, c’est la première machine qui « donne » le temps : un don physique, puisqu’on remet un papier où se lit l’heure – ça fait réfléchir ! Donner au lieu de dire ou de lire : une nouvelle dimension de l’horlogerie, à vrai dire très 2.0. ! Que de développements conjecturels autour cette MET, qui dévoilent d’immenses gouffres métaphysiques dans nos méditations sur le temps des hommes, des machines ou des culturels : pourquoi pas une machine « qui ne sert à rien » pour percer les mystères d’un temps « dont on ne sait rien ». Archimède et saint Augustin auraient apprécié, mais ils n’avaient pas leur pass de Baselworld…
• Ce serait dommage de ne pas parler que de cette « machine » et non des collections Jaquet Droz, mais nous y reviendrons, ainsi que sur la machine, assez tendrement facturé 400 000 francs suisses, alors qu'elle vaut facilement le double et qu'elle les vaudra aux enchères dans les années à venir.
••• INNOVATION INTÉRESSANTE CHEZ JAQUET DROZ : la présentation musicale ! Un morceau par plateau de montres, histoire, en attribuant ainsi une couleur musicale évocatrice à chaque collection. C’est plus amusant que le sempiternel défilé des « marmottes »…
••• STATISTIQUES MENSUELLES POUR BUSINESS MONTRES : 46 000 lecteurs au mois de mars et 165 000 pages vues. C’est modeste comparé aux statistiques revendiquées par la plupart des sites horlogers, mais au moins crédible : il est vrai qu’il est difficile de comparer des sites d’informations financés par les marques et des sites indépendants de toute publicité ou partenariat…
••• 46 000 LECTEURS, JE TROUVE MÊME ÇA TRÈS PROMETTEUR ! C’est beaucoup plus que la plupart des magazines horlogers [print] et Business Montres est loin d’être un média « grand public ». Ce qui est le plus encourageant, c’est la poignée de main de nombreux inconnus dans les couloirs de Baselworld : quelle motivation pour continuer !
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