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Chanel inaugurera au moins six boutiques cette année. Pour le directeur de la branche horlogerie, c’est dans des situations difficiles qu’il faut continuer à innover.
Chanel se réjouit presque de la crise. «Cela nous permet de consacrer davantage de temps à nos agents et à nos détaillants, déstabilisés pour l’heure, pour les soutenir dans cette période difficile», explique Nicolas Beau, rencontré à Baselworld. Le directeur international horlogerie de la célébrissime marque française espère que les distributeurs vont corriger les errements funestes du passé. Notamment, «le plus grave», celui de représenter trop de marques. «Vous ne pouvez pas avoir une trentaine d’horlogers différents dans votre portefeuille, la qualité du service s’en ressent forcément». L’atonie conjoncturelle permettra donc à l’ensemble de la branche d’assainir, de profiler, d’améliorer le réseau de distribution. Le directeur anticipe toutefois un marasme horloger d’au moins deux ans. En attendant les futurs vents portants, Chanel va promouvoir sa créativité, son savoir-faire et ses capacités d’innovation. La marque se positionne ainsi à contre-courant de la grande mode annoncée urbi et orbi actuellement à Baselworld, celle du classicisme et du retour aux valeurs traditionnelles de l’horlogerie. «Beaucoup d’horlogers racontent n’importe quoi, peut-être pour masquer des lacunes. C’est justement dans des situations difficiles qu’il faut continuer à innover.»
Chanel, la marque de luxe peut-être la plus connue au monde, a fait son entrée dans l’horlogerie en 1987, en créant la Division Horlogère Chanel à la Chaux-de- Fonds. Pour comparaison, Ralph Lauren n’a franchi le pas que cette année. Conformément à son statut de société privée (détenue par la famille Wertheimer via diverses sociétés interposées), Chanel ne communique aucun chiffre. Certains spécialistes estiment son chiffre d’affaires global entre 1,5 et deux milliards d’euros. On ne connaît pas davantage le poids de l’horlogerie dans cet ensemble. Seule certitude, la production est assurée par l’usine Châtelain, filiale de Chanel depuis le début des années 90.
Production à la Chaux-de-Fonds
L’usine G&F Châtelain SA s’étend au coeur de la zone industrielle de la Chaux-de-Fonds, sur une surface de 7250 m2, selon les informations données lors de son extension en 1998. La filiale «emploie quelque 200 personnes dans la cité horlogère », détaille Nicolas Beau. Elle ne produit pas en exclusivité pour Chanel, mais également pour Bell & Ross, dont Chanel détient une participation et dont les produits sont également assemblés dans les montagnes neuchâteloises. Cette discrétion n’a pas empêché la marque de mode d’atteindre très rapidement les plus hautes marches. Le lancement du modèle J12 en 2000 a marqué cette démarche d’une pierre blanche. Cette pièce et ses différentes déclinaisons sont d’ores et déjà considérées comme des icônes par les spécialistes. Accessoirement, elles sont aussi devenues des best-seller pour la marque. A Baselworld, Chanel propose la J12 «noir intense», avec ses 724 baguettes de céramique noire. Une édition limitée à cinq pièces, clin d’oeil au célèbre parfum No 5.
Marque féminine par excellence, Chanel, membre depuis 2007 de la Fondation de Haute Horlogerie, n’en oublie pas les consommateurs masculins. Ceux-ci représentent désormais 20% des ventes horlogères, contre 0% avant le lancement de la J12. Nicolas Beau l’admet sans ambages: «Nous sommes avant tout une marque d’habillage». La société se fournit donc en mouvements auprès du Swatch Group et Audemars Piguet, avec lequel il a développé un partenariat.
Malgré une économie claudicante, Chanel prépare l’avenir et va ouvrir au moins six boutiques en propre cette année. «En fin d’année, nous atteindrons le chiffre de 51 magasins dans le monde». La marque est par ailleurs vendue auprès de 500 détaillants au quatre coins de la planète. Le prix des montres oscille entre 2000 et 800 000 francs, un sommet atteint par la Tourbillon Haute joaillerie. La marque poursuivra sur sa lancée: «Nous allons continuer d’apporter un renouveau de créativité à l’horlogerie suisse. Pour une maison de luxe française, c’est assez piquant.» Et Nicolas Beau d’esquisser un sourire qui en dit long.
L'Agefi
Bastien Buss
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