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DEBRIEFING BASELWORLD 2009 (3) : Bâle au centre, mais la partie continue !
 
Le 09-04-2009
de Business Montres & Joaillerie

On mesure après ce salon de Bâle à quel point cette année de crise sera terriblement sélective.
Y compris pour les salons horlogers !
Le SIHH de Genève en janvier, c’était déjà un risque en année faste.
En 2009, c’était décidément la mauvaise option…
Mais Bâle et Genève doivent revoir leur copie !

••• QUI SE SOUVIENT DES MONTRES PRÉSENTÉES EN JANVIER DANS LE CADRE DU SIHH ? Elles semblent déjà appartenir aux collections de l’année dernière et elles n’ont plus, en tout état de cause, de quoi équilibrer dans l’esprit des détaillants, des médias ou des amateurs, le flot des nouveautés présentées à Baselworld.

Les années précédentes, quand les deux salons coïncidaient, il était tentant d’établir un semblant de parité créative entre les deux événements. En 2009, la marée bâloise a tout emporté, reléguant très loin dans les mémoires le souvenir des pièces présentées à Genève : les créations de janvier qui tirent leur épingle du jeu sont le plus souvent celles qui avaient été présentées quelques semaines avant le SIHH et qui auront donc eu le temps de sédimenter dans les cerveaux…

La puissance du haut-parleur bâlois s’est trouvée amplifiée par les dix semaines de crise qui ont complété, orienté et souvent modifié les incertitudes légèrement paniquées de janvier. Début 2009, l’avenir était opaque et les esprits encore sous le choc d’une crise toujours niée par les esprits forts. Au printemps 2009, à Bâle, l’état de crise était acté, confirmé par les statistiques et déjà créateur de nouveaux réflexes de survie.

Oubliées les montres d'avant, focalisation sur celles d'aujourd'hui : cruel, mais réaliste !


••• LE FAIT QUE QUELQUES MARQUES AIENT ACCEPTÉ LE DOUBLE JEU (BÂLE-GENÈVE) confirme cette hypothèse de la prééminence bâloise : s’il y avait une bonne option cette année, c’était la double casquette et la double exposition Bâle + Genève. S’il y avait une option à éviter, c’était Genève tout seul. Certains y ont été piégés et ils commencent à le regretter : on a proportionnellement plus commandé à Bâle qu’à Genève et on a mieux anticipé la réalité des marchés à Bâle qu’à Genève. Certains détaillants ont même alourdi, à Bâle, auprès d’autres partenaires et parfois avec des nouvelles marques, des carnets de commande volontairement allégés pendant le SIHH.

La double option a profité à des marques comme Hublot, qui avait rempli 30 % de ses objectifs à Genève 2009 (micro-salon du Métropole) et qui a assuré 50 % de son année à Baselworld : il reste huit mois de travail pour les 20 % restants, tout juste de quoi occuper Jean-Claude Biver à quelques séries limitées. A une échelon plus modeste, Max Büsser (MB&F) a complété à Bâle (The Watch Factory) un plan de charge établi dès Genève et renforcé dans l’intervalle par une tournée intermédiaire sur ses principaux marchés.

Tout se passe d’ailleurs comme si le SIHH et Genève 2009 avaient été le « galop d’essai », la préface, sinon le brouillon de Bâle, une sorte d’esquisse dans les premières brumes de la crise. Depuis, le paysage s’est dégagé et les anticipations positives ou négatives mieux rationalisés. L’idée du double contact janvier-mars, de la tenaille Genève-Bâle fait son chemin dans les esprits de nombreuses grandes marques, qui n’ont pas les moyens de faire l’un et l’autre en grande pompe, mais qui sont tentées par un « coup à la Jean-Claude Biver » – un nouveau modèle pour appâter en janvier ceux qu’on devra ferrer en mars, pendant la vraie grande fête de la famille.


••• POUR ÊTRE AMUSANT, CE SCHÉMA N’EN POSE PAS MOINS UN GRAVE PROBLÈME AU SIHH, en passe de devenir la cantine de la haute horlogerie genevoise en janvier : chacun y aura noté les arrivées de plus en plus tardives des invités le matin et leur départ de plus en plus précoce en milieu d’après midi. Pause déjeuner entre les deux ! Normal, les 17 marques du SIHH – puissances invitantes – fournissaient le gîte et le couvert, mais elles n’assuraient pas le spectacle comme les 44 marques qui proposaient leurs services off SIHH…

Tout se passe comme si le concept fondateur du SIHH – imposer un événement polarisant pour la haute horlogerie dans un cadre différent de Baselworld – avouait maintenant ses faiblesses : s’il a parfaitement correspondu à un état du marché, son impact visionnaire il y a vingt ans s’est émoussé, au point de devenir une faiblesse dans une conjoncture déprimée. Trop cher et trop show off, pas assez rentable et pas assez ouvert…

Alternative pour 2010, puisque les dates de janvier ont été validées par le SIHH : une ouverture à plusieurs nouvelles marques [les candidates ne manquent pas, mais les exposants actuels renâclent] ou, en sens inverse, un resserrement du dispositif sur plus d’exclusivité, dans les marques présentées comme dans les détaillants et les journalistes invités. Soit une résolution des contradictions par le plus – l’extension, forcément très coûteuse – ou par le moins – la sélectivité, forcément ségrégatrice. Seule impossibilité : le maintien du statu quo. On sait que plusieurs marques « branlent dans le manche » en analysant le rapport coût/business du SIHH.

Chez Richemont, l’échec humiliant des montres Ralph Lauren (maxi-budget, mini-commandes – pour ne pas dire zéro résultat) pose le problème de la présence de la marque en 2010, alors que beaucoup de détaillants auraient craqué si une bonne proposition avait été formatée à Baselworld – où Tiffany & Co (joint-venture avec le Swatch Group) a plus ou moins réussi sa greffe sur le réseau. De même, on peut se poser des questions sur la légitimité de Dunhill à s’exposer au SIHH – même avec une nouvelle collection de montres – et sur la rentabilité réelle de la présence à Palexpo de Baume & Mercier ou même de Roger Dubuis.

Hors Richemont, on sent Parmigiani pour le moins dans l’incertitude et, si Luigi Macaluso affirme qu’il a déjà signé pour le SIHH 2010, on sait déjà que Baselworld n’aurait rien – mais alors rien du tout ! – contre le retour triomphant de Girard-Perregaux et JeanRichard dans le bercail bâlois, au seind’un grand ensemble PPR (Gucci, Boucheron, Sowind). Même chez Audemars Piguet, à l’heure des comptes, la question du SIHH peut se poser de façon non théologique…


••• L’INCONTESTABLE POSITION CENTRALE DE BASELWORLD POSE D’AUTRES PROBLÈMES. Les salons contemporains ne sont plus ce qu’ils étaient : on y commande moins – les réseaux sont travaillés finement tout au long de l’année – et on y démontre plus – sa puissance, sa créativité, sa vitalité. Pour les grandes marques, on s’y montre plus qu’on n’y montre des nouveautés décisives : pour les leaders du marché, hormis les considérations stratégiques liées aux groupes ou aux responsabilités de la branche, Baselworld n’est absolument plus économiquement indispensable. Elles concentrent leurs réseaux plus qu’elles ne cherchent à les étendre. Rolex, Patek Philippe, Omega, Breitling, TAG Heuer et quelques autres n’ont pas besoin de nouveaux détaillants : ces marques pourraient parfaitement se passer de Baselworld. Sauf que, précisément, elles ne s’en passent pas, pour des raisons de haute stratégie territoriale…

Pour les marques moyennes et les petites maisons, Baselworld est un rendez-vous plus tactique que réellement stratégique : on y retrempe sa légitimité identitaire dans le grand bain d’une fête de famille et on y prend des commandes de détaillants qu’il serait coûteux et pas forcément plus efficace de démarcher directement sur le terrain. Côtoyer les divas de l’horlogerie, à un étage ou à une halle de différence, c’est d’une façon ou d’une autre jouer dans la cour des grands et crédibiliser son image. Le problème est le rapport prix/retombées économiques de ce gain d’image : combien de marques auront payé beaucoup trop cher leur stand bien placé à Baselworld, pour des commandes beaucoup trop inférieures au seuil de rentabilité, avec les implications qu’on peut imaginer sur des trésoreries déjà tendues et asséchées ?

Au fil des années, il s’est ainsi créé des halles plus ou moins réputées, aux proximités plus ou moins recherchées : l’évolution de la Halle 4 tendrait à prouver une certaine dilution de la créativité, alors que l’expansion des griffes de mode et de la montre fashion dans le Hall 1.1. tend à grignoter la frange haute horlogère/joaillière des premiers rangs ; de même, les profondeurs du Hall 5 tiennent de l’enfer – ou du moins du purgatoire – pour beaucoup de jeunes marques, qui ne se reconnaissent pas non plus dans les nouvelles allées horlogères du 2.0, pour le moins mélangées – c’est le nouveau terrain de chasse de trop de vraies-fausses marques sino-européennes…

C’est dans ce contexte mouvant que The Watch Factory a créé cette année une alternative authentiquement haute horlogère et un concept d’exposition centré sur le produit et non sur la marque. Ce qui permet de réduire les budgets pour les « jeunes pousses » tout en posant leur légitimité de surdoués créatifs de la grande famille des montres : fécondé par The Watch Factory, le Palace de Baselworld pourrait ainsi permettre des regroupements générationnels et conceptuels, qui rendraient plus logiques les allocations de marques dans les autres espaces de Baselworld.

A condition de revoir les conditions économiques d'accès à Baselworld et la politique d'homogénéisation des regroupements au sein d'espaces plus signifiants – certaines additions créent du sens, quand d'autres provoquent des faux-sens...


••• LES DEUX SALONS EMBLÉMATIQUES DE L’INDUSTRIE HORLOGÈRE DOIVENT RÉVISER D’URGENCE LEUR COPIE. D’une part, les marques et les groupes se posent des questions sur l’intérêt économique du média salon en tant que tel : pour de simples considérations relationnelles, on ne se sent plus tenu de dépenser de façon aussi pharaonique qu’auparavant pour entretenir avec leurs détaillants des relations qu'elles enrichissent tout au long de l'année. Comme le faisait observer un directeur européen de Rolex, « le détaillant qui n’aurait pas compris que Rolex est une très grande marque n’a rien à faire à Bâle. On peut donc envisager un espace Rolex moins coûteux sans perdre la face, pourvu que cette réduction de la quantité dans le message émis s’accompagne d’une amélioration de la qualité dans le message perçu ».

D’autre part, dans un contexte de restrictions budgétaires, il devient urgent de mettre les montres en scène autrement que par une course à l’armement architecturo-cinémascopique : c’est dans les vitrines qu’il faut en mettre plein les yeux aux détaillants, aux journalistes et aux amateurs, pas dans les étages et l'épaisseur des moquettes !

Une nouvelle mise en scène, c’est aussi une valorisation de nouveaux concepts d’organisation de l’espace, à des nouveaux prix, avec des nouveaux acteurs, dans une logique plus conviviale que le traditionnel autisme bunkérisé de Bâle ou de Genève. « Let the sunshine in », chantaient les hippies (Hair, 1968). Un peu d’open space rendrait Bâle et Genève un peu plus open minded aux tendances de la nouvelle génération des amateurs d’horlogerie.

Enfin, la dichotomie janvier-mars, qui trouverait son sens dans l’ouverture du SIHH à d’autres acteurs de la haute horlogerie, n’est pas exclusive géographiquement, mais plus probablement inclusive dans sa logique évenementielle : Genève et Bâle plutôt que Bâle ou Genève. Ce qui devrait conduire à de déchirantes révisions budgétaires…



••• SI BASELWORLD L’EMPORTE DÉSORMAIS CLAIREMENT CETTE ANNÉE SUR LE SIHH, qui n’a pas su tenter et amorcer sa révolution culturelle [The Watch Factory était un premier indice de changement à Bâle], la bataille pour une nouvelle génération de salons est loin d’être terminée. Elle ne fait même que commencer, avec des migrations probables d’une métropole horlogère à l’autre, en fonction des offres commerciales et des opportunités médiatiques.

Là encore, 2009 aura été « l’année de tous les dangers et toutes les renaissances »…


CI-Contre : de la vraie belle haute horlogerie « Made in France », 100 % manufacture, qui illustre à quel point l’école horlogère française a bien commencé son réarmement et peut se permettre désormais d'aligner des vrais mouvements horlogers, du tourbillon (BRM) aux complications les plus finement horlogères, en passant par des concepts mécaniques de rupture (BRM) ou méta-traditionnels (Fabrication de montres normandes).
Il s’agit là de la « seconde morte » développée par Karsten Frasdorf (Fabrication de montres normandes, atelier horloger purement normand !) pour Chronoswiss, qui a construit autour de cette « seconde indépendante » un joli régulateur baptisé « Sauterelle ». On notera la taille inhabituelle du balancier et la pure élégance néo-classique du mécanisme de la « seconde morte », au centre du mouvement.
Un mouvement de toute beauté, réalisé par un des horlogers les plus représentatifs de The Watch Factory 2009, mais Karsten Frasdorf avait bien d’autres calibres de ce genre dans sa boîte à malices…

 



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