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CHAISES MUSICALES CHEZ ZENITH : ça devrait swinguer très fort du côté du Locle !
 
Le 24-04-2009
de Business Montres & Joaillerie

CHAISES MUSICALES CHEZ ZENITH : ça devrait swinguer très fort du côté du Locle !

Une page forte de l’horlogerie des annéees zéro zéro pourrait se tourner sur un sonore et retentissant « Bye bye, Thierry ! ».
Le président de Zenith abandonnerait sa manufacture locloiseet quitterait le groupe LVMH !
Confirmation de cette rumeurdès que possible…

••• UNE RUMEUR, POUR L'INSTANT : elle courait très fort cet après-midi dans les couloirs de l’état-major LVMH de l’avenue Montaigne, à Paris. Elle était plus ou moins confirmée par les initiés, avec d’autant plus de malice que le groupe publiait, l’après-midi même, ses résultats pour le premier trimestre 2009, avec une performance horlogère assez piteuse (- 41 % à périmètre égal, donc sans Hublot). De là à rendre Zenith responsable de tout…

Thierry Nataf quitterait donc la présidence de Zenith, où il aura passé presque neuf ans. Et il quitterait également le groupe LVMH, où il aura espéré jusqu’au bout être promu « par le haut ». On ignore encore le nom de son remplaçant, même si d’autres rumeurs font état soit de la nomination d’un manager précédemment remercié par une autre marque (peut-être un proche de Jean-Claude Biver), soit d’un redéploiement stratégique global de Zenith au sein du groupe – mais ce ne sont que des supputations…

Rumeur donc, mais plutôt triple A et 5/5 : on verra bien demain ! Le journalisme de terrain consiste à présenter les choses comme elles sont, et les rumeurs comme des rumeurs en attendant qu'elles deviennent – ou non ! – des informations...

••• LA SANCTION : si ce départ n’était pas – conditionnel de rigueur – une manipulation supplémentaire des spin doctors de la communication LVMH [sait-on jamais, avec ces gens-là !], elle serait pour le moins sévère. Le geste prendrait en tout cas des allures de châtiment exemplaire pour envoyer aux analystes un message très clair de « reprise en main » du pôle horloger, dont le résultat a sévèrement plombé les comptes du groupe pour ce début d’année.

Le fait que Thierry Nataf ne soit pas recasé au sein du groupe – comme il semblait l’espérer et comme on pourrait lui avoir promis – est à la fois un désaveu de sa politique managériale et de ses choix stratégiques, mais aussi un avertissement aux cadres dirigeants de cette division horlogère, tous plus ou moins solidaires des errements qui semblent être reprochés au président de Zenith.

La sanction est personnelle, économique et même symbolique : l'actionnaire du groupe siffle la fin de la récréation, alors que ses services annonçaient, l'après-midi même, que Zenith avait... « gagné des parts de marché auprès des consommateurs » (communiqué financier officiel)...

••• SOYONS JUSTES : à son arrivée au Locle, en juin 2001 (il n’a été nommé président qu’en janvier 2002), Thierry Nataf a hérité d’une « vieille dame » plus très sexy, plus très alerte, ni plus très bien tenue. Outil de production obsolète, équipes démotivées, stratégie incohérente et collections ni faites ni à faire : il fallait à tout prix agir ! Il a choisi de tout changer, et même de tout bouleverser, en osant un tête-à-queue stratégique de première grandeur, un 180 degrés d’une audace insensée et abruptement formulée : « Refaire de Zenith une très grande manufacture et du mouvement El Primero une star absolue de l’horlogerie mécanique, capable de tutoyer les calibres de Patek Philippe ».

Eclat de rire général dans la profession ! Deux ou trois ans plus tard, on riait moins, même si on raillait toujours le show off permanent du nouveau Nataf Circus et ses poses de pop star extra-horlogère. Le bon vieux Chronomaster était devenu un produit de haute horlogerie, restylé de fond en comble, paré d'or et de zenithium high-tech. La vieille manufacture de Georges Favre-Jacot sentait un peu moins l’huile de machine. Zenith reprenait la route d’un zénith qui n’avait jamais été le sien, mais auquel tout le monde semblait soudain croire : au Locle, on ne jouait plus Zola, mais Star Wars…

Nouveau salto renversant avec le lancement de la collection Defy, qui défiait franchement les codes du bon goût horloger et de la bienséance manufacturière, avec ses codes graphiques exacerbés, ses cocktails de matériaux aéronautico-alvéolaires et ses pulsations mécaniques parfumées à la testostérone. Là encore, il fallait tout changer et injecter des doses massives de marketing et de publicité pour « violer » le marché, la presse et les clients. Ce qui sera fait, non sans ostentation, exagération et dramatisation, à Monaco comme à Ibiza ou à Dubaï. Budgets fastueux pour ambitions non moins fastueuses…

Qu’aura-t-il manqué pour que la mayonnaise prenne et que le tour soit joué ? Un an, deux peut-être, pas plus : si les traders new-yorkais n’avaient pas exagéré dans le délire subprimesque, on aurait très vite considéré que Thierry Nataf avait lui-même raison d’exagérer dans son rêve d’horlogerie emphatique et rock n'roll…

••• UN KRACH FINANCIER PLUS TARD, le roi s’est retrouvé nu, les comptes en capilotade, les stocks en pagaille et la clientèle pulvérisée. Le funambule a perdu l’équilibre, sous les ricanements des uns et les soupirs lassés des autres. Le siège éjectable devenait inévitable, même s’il n’était pas pour autant mérité, compte tenu de l’endroit où la marque avait été ramassée et de la place où elle est désormais positionnée !

Une page vibrante et passionnée de l’horlogerie bling-bling des années zéro zéro vient sans doute de se tourner : on parlera encore de la « saga Nataf » quand on aura oublié la plupart des autres managers de ces premières années du siècle. Thierry Nataf a inventé un style marketing : il a pris le risque de se starifier pour pouvoir en retour starifier ses produits. C’était hardi, et parfois scabreux, mais singulièrement goûteux et, a priori, ni plus ni moins efficace que les recettes classiques. Avec un tel porte-drapeau, pas besoin d’ambassadeur sportif, de top model ou de comédien célèbre : c’est le CEO qui assure le spectacle – et qui paye d’ailleurs la claque et les violons du bal [je ne suis pas certain que ces violons mercenaires lui en soient jamais reconnaissants]…

••• QUE RETIENDRA-T-ON DES ANNÉES NATAF ? Beaucoup plus qu’on ne peut l’imaginer… Une marque en route vers le zénith, même s’il lui reste du chemin à parcourir – mais seuls ceux qui rêvent petit peuvent lui reprocher de n’avoir pas réalisé 100 % de son rêve de grandeur. Des collections dignes d’intérêt et qui tiennent parfaitement leur place en tête du peloton, qu’on parle de montres classiques (le vieux El Primero s’est dopé aux hormones de jouvence et joue sa partition dans la tête du classement) ou de montres sportives (si décriées, les Defy ont une identité qui devraient faire rêver bien des concurrentes). Un réseau mondial reconstruit à la diable, mais relativement solide à défaut d’être hyper-efficace. Des méthodes de communication non conformistes, qui avaient fini par trouver par trouver leur style et leur légitimité. Pas si mal, à l’heure de solder les comptes…

Alors que résonne un déroutant Requiem, on retiendra aussi l’effet d’entraînement positif sur toute une profession, avec des soirées comme on n’en avait plus vu depuis l’héroïque époque Cartier/Alain-Dominique Perrin ou depuis les années Ebel/Pierre-Alain Blum. Peut-être même évoquera-t-on, demain, les « années Nataf » pour qualifier cette première décennie horlogère du XXIe siècle : chaque séquence de l'histoire des montres a les héros qu’elle mérite…

••• POURQUOI LE CACHER ? Ce départ de Thierry Nataf, s’il est confirmé, est plutôt une des mauvaises nouvelles de ce printemps. Non que Thierry Nataf ait été un président exemplaire : n’exagérons tout de même pas ! Il a, à sa mesure, et celle-ci n’était pas mince, contribué à une certaine dérive de l’horlogerie du côté du show-business, de la flamboyance marketing et du culte égocentré de la personnalité. Le tout pour des profits économiques finalement assez minces, puisque, sous son empire, Zenith n’aura guère quitté que sporadiquement les chiffres rouges – infâmants au sein du groupe LVMH. Mais pouvait-il en être autrement et qui peut affirmer qu’il aurait mieux fait ?

Ce départ sera(it) une mauvaise nouvelle parce qu’il donnera raison à ceux qui ont eu tort de penser que l’horlogerie doit rester une affaire d’horlogers sérieux, confits en dévotion pour leurs traditions historico-familiales et surtout soucieux de ne pas prendre de risques.

Thierry Nataf a osé : de même qu’il avait tout changé pour que rien ne change, il a tout osé pour préserver l’essentiel, cette étincelle de rêve, de magie, de croyance naïve que tout est parfois possible et qu’il suffit de vouloir pour réussir.

Il a tout jeté dans le foyer ardent de son impossible vision, ses dernières illusions sur les choses humaines et ses kilos en trop. Il s’est immolé au service d’une marque assez spéciale – la seule à avoir serti les cendres de son fondateur dans le mur d’entrée de la manufacture ! Il s’est bâti un look glam-gitan – mèches dans le cou, body-building et costumes Slimane – qui ahurissait les journalistes japonaises.

Même quand il a senti la cire de ses ailes se ramollir au soleil de la crise, cet Icare horloger n’a pas ménagé sa peine. Le voir chuter réjouira sans doute les pleutres et les velléitaires, mais certainement pas les guerriers qui osent comme lui franchir les barrières et dépasser les bornes, au risque de leur propre survie.

Le président de Zenith a redonné un coup de jeune à l’art du management et un coup de style au marketing traditionnel des manufactures. Il a dégrippé une haute horlogerie pour laquelle il s’était pris d’une vraie passion charnelle. Il a inspiré – sans que personne ne se risque à l’avouer – quelques grandes ambitions au sein de la nouvelle génération. S’il en a parfois (souvent) trop fait, c’était aussi pour que d’autres, dans un autre registre, puissent en faire un peu plus…

C’est pour cette raison qu’on lui pardonnera beaucoup et qu’on lui rendra, chapeau bas, un dernier hommage lors de son dernier tour de piste. A titre personnel, j'en suis peiné. En tant qu'observateur passionné du marché horloger, je regrette ce départ – même si je peux en comprendre les raisons.

Salut l’artiste !

 



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