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C’est une immense surprise historique qui attend les amateurs de belles montres lors de la prochaine vente Christie’s (Genève, 11 mai prochain) :
une référence inconnue, ou presque, celle d’un incroyable prototype de montre d’aviateur surdimensionnée, avec seconde centrale rattrapante et « angle horaire » sur compteur 360°…
Attention : pièce unique et qualité musée !
••• LE MUSÉE PATEK PHILIPPE propose dans ses vitrines une montre d'aviateur de même inspiration, mais moins complexe et sans second rattrapante : achetée en 1991, on la pensait unique et son numéro de mouvement était le 170383.
Le lot 209 du catalogue Christie’s du 11 mai à Genève est autrement plus intéressant, à plusieurs titres :
• On sait que la montre a été emboîtée et vendue en 1936, sur la base d’un mouvement produit par les ateliers en 1912.
• Ce mouvement (ébauche LeCoultre), qui porte le numéro 170381, laisse penser qu’il y a, quelque part, un mouvement 170382 qui reste à redécouvrir…
• La taille de cette montre-bracelet – 55,3 mm – en fait la plus grande montre-bracelet Patek Philippe jamais produite. Ces montres d’aviateur étaient destinées à être portées sur la manche de la combinaison, voire sur le genou, à une époque où les cabines non pressurisées obligeaient les pilotes à porter d’épaisses vestes de vol. D’ou la taille, gage de lisibilité, mais aussi de fiabilité mécanique.
• Le dispositif de calcul et de lecture des « angles horaires » – méthode rendue célèbre pour les montres par la Longines-Wheems de Charles Lindbergh – permettait aux aviateurs de faire le point sur leur localisation. Cette procédure sera abandonnée au début de la Seconde Guerre mondiale, avec la généralisation des signaux de radio-navigation. La seconde à rattrapante pour le calcul des angles horaires est le stade ultime de cette « complication horlogère » [on trouvera des explications techniques plus détaillées sur ces « angles horaires » aux pages 144-147 du catalogue Christie’s].
• On connaît trois autres mouvements réalisés sur la même base que cette Patek Philippe : ils ont été réalisés pour Vacheron Constantin et ils sont bien répertoriés, l’un d’eux ayant eu les honneurs de la vente Antiquorum des 250 ans de la manufacture. En Allemagne, A. Lange & Söhne avait mis au point des dispositifs horlogers comparables sur au moins deux mouvements.
• On a retrouvé dans les archives de Patek Philippe quelques images de la montre originale qui atteste que le cadran est strictement dans son état d’origine.
• L’estimation prudente d’Aurel Bacs pour cette montre (300 000-500 000 francs suisses, soit 200 000-330 000 euros) semble bien défensive, surtout avec la compétition prévisible entre le musée Patek Philippe et les collectionneurs, cette montre n’ayant jamais connu le feu des enchères et demeurant totalement inconnue des amateurs et de la littérature spécialisée : il serait étonnant qu’Arnaud Tellier, le conservateur du musée Patek Philippe de Genève, passe à côté d’une telle pièce, mais certains musées privés se passionneront sans doute pour une montre aussi exceptionnelle…
• A découvrir sur le site Christie’s.
••• L’HORLOGERIE EST UN UNIVERS MERVEILLEUX, encore capable de réserver belles surprises et grandes émotions aux amateurs, même non acheteurs [ce sont les plus nombreux], et aux amoureux d’une maison comme Patek Philippe. On sort là de la logique de la montre de frime – ce prototype de montre d’aviateur est à peu près importable avec ses 56 mm de large, donc on la sortira pas de la vitrine – pour entrer dans celui de la montre de référence, tant sur le plan esthétique que sur celui de l'intérêt purement historique et horloger.
• Au passage, un constat : le propre des grandes maisons est de disposer de « variantes » génétiques d’une richesse insoupçonnée. Si Patek Philippe se prenait aujourd’hui à faire des montres « militaires » ou « techniques-sportives », il se trouverait au moins autant d’intégristes à courte vue pour condamner cette initiative que lors du lancement de la collection féminine Twenty-Four.
Or, rien ne serait plus légitime et plus enraciné dans l’héritage de la manufacture que des montres de pilote inspirées par cette « Angle horaire » sortie des profondeurs de l'actualité : le modèle – dont le design très pur pourrait inspirer une nouvelle ligne sportive – est on ne peut plus Patek Philippe et on ne peut plus historiquement attesté tout en restant très technique. Comme quoi il faut se méfier des idées reçues sur les marques et leur image…
• Bravo à l'équipe horlogère de Christie's d'avoir pu mettre la main sur ce trésor. Chacun aura à cœur de suivre cette enchère de près : la belle horlogerie a encore tant de choses à nous dire !
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