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Idée de crise : la tombola horlogère.
On mise pour un ou plusieurs millièmes de la montre de luxe offerte en lot. Et on gagne !
Ou on perd, selon les cas !
Un nouvel art d’écouler les stocks horlogers ou une nouvelle « madofferie » pour internautes horlophiles ?
••• LUXURY TOMBOLA – WIN LUXURY WATCHES : au départ, on a du mal à y croire… Miser 10 euros pour gagner une Hublot Big Bang à 10 000 euros, c’est trop beau pour être vrai !
En expliquant récemment l’arrivée du site Luxury Watches sur le marché de la montre, Business Montres émettait quelques signes de prudence, mais promettait surtout d’enquêter sur ce nouveau front de la passion horlogère. Le résultats sont inattendus…
••• AVEC UNE ADRESSE COMMERCIALE À CHYPRE, le préjugé n’est pas vraiment favorable pour un jeu de hasard. Sauf que, comme Business Montres le signalait le vendredi 1er mai, la législation sur les sociétés en général, et sur les jeux de hasard en particulier, est particulièrement libérale à Chypre, pays membre de l’Union européenne depuis 2004. Une telle tombola serait à peu près impossible à organiser au départ de la France, et même avec une société basée en Suisse.
En fouinant un peu du côté de cette société, on tombe sur un animateur absolument impayable. Surtout quand on a de légères préventions contre les tombolas chypriotes. Appelons-le X., puisqu’il tient à rester anonyme. Son accent marseillais plus épais qu’un Ricard pur n’est évidemment pas un facteur de confiance dans ce contexte, à plus forte raison avec une pointe d’accent corse. On touche au nirvâna quand M. X. dégaine un portable enregistré au Lichtenstein !
Certes, ce sont des préjugés un peu faciles, mais ils sont inévitables : nous sommes au cœur de Genève, mais la bande originale reste celle de la French Connection…
••• PARCE QUE TOUT SE PASSE À GENÈVE : le site prévient que les montres sont consignées chez un huissier genevois. Cinquième étage d’un immeuble de la Rive gauche, dans le quartier de Rive, Me XX. [légalement, en Suisse, on ne peut pas citer son nom, mais je remarque son quantième annuel Patek Philippe en or rose] rigole en m’ouvrant son coffre-fort : les Daytona, les Speedmaster et les différents lots y sont, avec les boîtes, les papiers et les cartes de garantie internationale. Donc, les montres existent : premier bon point pour une tombola qui pouvait sembler bidon…
Tombola qui dispose d’un règlement très élaboré, avec tout un système de sécurité anti-fraude au paiement [les escrocs asiatiques s’y cassent régulièrement les dents] et d’incitations au jeu. On peut même prendre contact avec les gagnants des lots précédents : bien étendu, ils pourraient être complices des organisateurs – des simples barons (compères d’un escroc), comme au bonneteau ! Impossible évidemment de le vérifier, mais celui qu’on peut joindre paraît sincère…
On se dit qu’il est possible que cette tombola – plus qu’intéressante si elle était parrainée par La Française des Jeux – n’est peut-être pas aussi suspecte qu’il apparaissait…
••• UNE CHANCE SUR MILLE DE GAGNER : la première tombola jamais organisée pour gagner des montres suisses est plutôt généreuse, comparée à l’unique chance sur 20 millions de gagner au Loto. Une illusion statistique, qu’on peut reprendre à mise égale et valeur de lot égale : pour gagner 5 300 euros à l’EuroMillion (4 numéros), on et à une chance sur 340 000…
Inconvénient [clairement signalé dans les règles du jeu] : sauf exceptions, le gagnant va devoir s’acquitter de la TVA correspondant au montant hors taxes de la valeur de sa montre, qui lui sera adressé par une société spécialisée. Prévoir 500 à 1 000 euros selon les cas.
L’opération reste intéressante puisqu’il s’agit de montres neuves de stock, récentes [belle collection de best-sellers horlogers et sens très aigu de ce qui plaît aux amateurs], garanties originales et 100 % suisses, avec le tampon officiel d’un revendeur autorisé. Il ne semble donc pas question de montres issues du marché parallèle, quoiqu’elles soient expédiées hors douane à partir des Ports-Francs de Genève…
••• LE CONCEPT FAIT RÊVER : un petit billet de 10 euros par paiement ultra-sécurisé pour tenter de décrocher une Daytona qui en vaut 800 fois plus, c’est tentant. Surtout qu’on peut prendre plusieurs billets. On peut miser moins (5 euros pour une Panerai, 4,5 euros pour une Cartier Santos). Au passage, on bénéficie d’un ticket gratuit ou d’un bonus quand on est bon joueur.
Quand les mille « parts » du lot sont souscrites, un tirage au sort aléatoire est déclenché par le logiciel. On est prévenu par mail et par téléphone : j’imagine alors que l’accent marseillais ne va pas aider à la crédibilité du message…
Il ne reste plus qu’à se demander où sont les failles ! L’informatique du site est parfois capricieuse, mais les ratés réparés dès que les animateurs de la tombola en ont connaissance. Le business model fonctionne tant bien que mal, même s’il ne doit pas dégager des marges colossales et si le développement du site et du trafic reste très lent faute d’une stratégie de référencement appropriée.
••• ALORS, ARNAQUE OU NOUVEAU CONCEPT ? On se fait vite un petit film face à une initiative comme celle de Win Luxury... Fraude à la carte bancaire, création d’un fichier, banale arnaque en ligne (les escrocs appâtent avec des montres qu’ils gagnent eux-mêmes) ou recyclage d’argent sale ? Tous les scénarios sont possibles dans l’état de confusion mentale où nous laissent Internet et l’ingéniosité des margoulins.
Tout, même le scénario d’une parfaite légalité de toutes les procédures et du rêve un peu fou d’un Marseillais amateur de montres – qui s’avère capable de citer une bonne dizaines de références Patek Philippe… On ne va quand même condamner une initiative sympathique sur le seule foi d’une origine méridionale ! Après tout, Bernie Madoff avait une « couverture » on ne peut plus honorable et c’est pourtant – à ce jour – le plus grand escroc des XXe et XXIe siècles !
••• UNE INITIATIVE DE CRISE est toujours révélatrice de la mentalité d’une époque, de ses rêves et de son inconscient collectif. Le mythe de l’enrichissement facile reste vivace, surtout dans les difficultés économiques : un tombola horlogère fait toujours rêver ceux qui pensent que « ça n’arrive pas qu’aux autres ».
Le concept Win Luxury Watches est d’autant plus tentant que le gain est à portée de main – une chance sur mille – et l’appât plus frétillant que jamais – une Daytona ou une Big Bang ! Bizarrement, le site est plus fréquenté par les joueurs compulsifs que par les amateurs de montres : quand les premiers gagnent, ils revendent aussitôt sur eBay. Quand les seconds décrochent le lot, ils le gardent pour eux – la montre et le fait d’avoir gagné !
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