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Toujours aux avant-postes, votre Quotidien des Montres a mandaté son sniper du vendredi pour cadrer quelques cibles furtives ou plus massives,mais toujours intéressantes, dans tous les domaines qui touchent à l’industrie des montres.
Le bilan est éloquent dans cette veille de week-end...
... CETTE SEMAINE, LE SNIPER A...
••• SURSAUTÉ au passage des grosses motos badgées Hamilton et des gros motards casqués Hamilton sur la Croisette de Cannes : gros effet sur les badauds venus immortaliser la montée des marchés, mais pas beaucoup de montres Hamilton au poignet de celles et de ceux qui les montent...
••• PRIS une nouvelle leçon d’innovation matériologique :
• Il n’existe pas 12 classes de titane, mais plus d’une trentaine, tous dotées de propriétés mécaniques différentes, ce qui relative l’étonnement du « sniper du vendredi » pendant l’EPHJ (Business Montres du 15 mai). Un tableau donne une idée de cette complexité : de quoi faire beaucoup de montres radicalement innovantes !
• Alors que les horlogers découvrent à peine le silicium, les scientifiques s’intéressent surtout au graphène, matériau découvert en 2004 et susceptible de remplacer demain le silicium. Le graphène n’a pas (encore) d’applications horlogères précises, mais on l’étudie de près dans les bureaux techniques...
• Ce qui ne condamne pas pour autant le silicium, dont on commence à envisager des applications inattendues dans le domaine des crèmes solaires. Les chercheurs russes de l’Institut moscovite de l’acier et des alliages ont ainsi étudié des « nanodispersions » et des « nanopoudres » de silicium qui pourraient, par leurs propriétés anti-UV, constituer des films protecteurs de la peau totalement invisibles. Intérêt pour l’horlogerie : ce nanosilicium permettrait également de protéger du rayonnement solaire les cadrans (matériaux et couleurs) ou certains composants de ceux-ci, au besoin en misant sur l’esthétique vintage du vieillissement de parties qui seraient non protégées – une sorte de tatouage solaire !
••• DÉCOUVERT que la marque allemande Damasko, spécialiste des traitements de surface de l’acier [durcissement unique sur le marché de ses boîtiers pour montres de baroudeurs] venait de lancer un projet de développement commun avec l’université de Brême (Allemagne) pour la mise au point et la production de spiraux de précision. Métallurgie de pointe +microtechniques : il faut prendre au sérieux le Made in Regensburg !
••• NOTÉ un rendez-vous à ne pas manquer, le 4 juin prochain : la grande vente publique de déstockage organisée par Zenith, au Locle. Un trouble côté image de marque, pas évident à endosser pour Jean-Frédéric Dufour, le nouveau CEO, qui sera entré en fonctions trois jours avant !
••• RECUEILLI quelques nouvelles confidences ibériques à propos de l’affaire Antiquorum. Titre du nouvel épisode : le marquis espagnol passe à l’acte ! Il viendrait de déposer une plainte pénale pour « escroquerie » à l’encontre de Yo Tsukahara, l’ex-CEO d’Antiquorum, de William Rohr, l’actuel manager genevois, et d’Evan Zimmerman, le principal animateur. Curieusement, Bob Maron, le CEO officiel de la maison d’enchères, ne semble pas cité. L’accusation est grave, surtout au pénal. Ce marquis espagnol reproche à l’équipe dirigeante d’Antiquorum de ne pas lui avoir restitué la part qui lui revenait sur la revente de sa collection, en mai 2008 [705 lots avaient été dispersés pour 10 millions de francs suisses – sur lesquels à peu près la moitié lui serait encore due].
••• PASSAGE À L’ACTE QUI TRANCHE avec l’actuelle indécision de la justice genevoise : la juge d'instruction tarde à rendre son verdict dans l’instruction des 41 plaintes déposées par Antiquorum contre Osvaldo Patrizzi. A peu près 40 millions de francs suisses sont en jeu, ce qui n’est pas rien, mais c’est surtout la réputation d’intégrité personnelle et l’éthique professionnelle d’un homme qui avaient été mis en cause sur la place publique : un peu moins de deux ans après le putsch anti-Patrizzi, on aimerait savoir...
••• PROJETÉ de se rendre au National Maritime Museum de Greenwich (Londres) pour l’exposition qui s’ouvre ces jours-ci sur le fameux « passage du Nord-Ouest » (23 mai-20 janvier). On y découvrira une énigme horlogère de première importance : un chronomètre de marine Arnold (n° 294), en dotation à bord du HMS Erebus en 1845, perdu en mer avec le navire dans les régions arctiques (une des plus célèbres catastrophes maritimes dans ces eaux inhospitalières : pas moins de 32 expéditions de secours avaient été montées pour recueillir les survivants), puis miraculeusement retrouvé et revenu dans les collections de l’Observatoire de Greenwich. Problème : ce chronomètre est intact, comme neuf, ans la moindre patine et surtout comme s’il n’avait jamais été en mer. Le Guardian britannique, qui relate l’affaire, semble pencher pour une affaire criminelle...
••• CONSTATÉ qu’il régnait un immense flou dans les ventes privées de montres de luxe. Repérées à plusieurs reprises par Business Montres, ces ventes de « montres de luxe » – en fait, des déstockages massifs – relèvent de l’attrape-couillons : une même montre Fred (acier, trois index diamants sur lézard rose) est placée à 390 euros (prix public : 1 490 euros) sur Bestmarques, mais à 490 euros sur Vente du Diable. Curieux à référence strictement égale et stock également disponible. Question subsidiaire : qui peut bien déstocker à ce point d’aussi grandes quantités de produits identiques, sinon les marques (actuellement, Fred et Mauboussin ; d’autres marques sont annoncées pour la Fête des Pères) ?
••• OUBLIÉ de préciser, à propos de Christian Audigier et de sa nouvelle marque de montres (Business Montres d’hier) que le King of Jeans franco-californien vend ses montres autour de 300-500 dollars, ce qui est plutôt bien placé pour le mix image fashion/contenu horloger.
••• REVU avec beaucoup d’intérêt une montre repérée à Bâle avec Aniceto Jiménez Pita, le plus étonnant des actuels horlogers indépendants espagnols. Dans sa boutique-atelier de Barcelone, on découvre des montres qui ne rssemblent à aucune autre, comme sa « plongeuse » Oceana, étanche à 5 000 m et dépourvue de couronne (réglage par le fond « clouté »), sublime en noir (ne manquez pas le bon film vidéo bilingue pour découvrir ce concept très intelligent). En innovation purement horlogère, la nouvelle Molinos (« moulins ») propose un cadran sans aiguilles et un boîtier sans couronne : du jamais vu dans l’horlogerie ! Tout se joue sur des rouages porteurs de repère qui tournent autour du cadran pour dire l’heure : dans un boîtier de 42 mm, c’est totalement bluffant (image ci-dessus : il est 12:13 ou 14, peu importe !). Tout est fait à la main ou presque dans l’atelier d’Aniceto Jiménez Pita, ce qui permet de personnaliser au maximum chaque élément visible ou invisible de chaque pièce produite.
••• RÉAPPRIS à prononcer le nom de 27 marques de montres, grâce à un clip sur YouTube : l’accent de celui a qui pris cette initiative reste très germano-américain, avec les classiques et déroutants Yéguer-LeCoultre, Ivici Schaffhaosen, , Greubeul-Forsi ou Glazutte Origuinal...
••• TROUVÉ sur le site de la Swinburne University (Australie) un concept révolutionnaire de moule pour les pièces en plastique. Pour le moulage par injection, on réalise aujourd’hui des moules en acier (grandes séries) ou en aluminium (moins coûteux, mais pour des productions plus limitées). Le nouveau concept dérive de la modélisation en CAO et de la réalisation d’un « moule prototype » en filaments extrudés (procédé FDM) qui finissent par se déposer en couches solidifiées : l’idée a été d’extruder des composites à base de fer (40 %) et de nylon (60 %) capables de supporter la chaleur du plastique semi-fondu injecté dans ces moules. La durée de vie de ces moules est comparable à celle des moules en acier utilisés pour des petites séries. Plus rapide à mettre en œuvre et moins coûteux : de quoi relancer la création de boîtiers et de pièces horlogères en plastique, en les rendant industriellement accessibles à des PME innovantes. Bref, des Swatch de nouvelle génération horlogère !
••• RÉFLÉCHI à la place du luxe dans nos civilisations en découvrant le livre que Jean Castarède vient de consacrer à Luxe et civilisations (éditions Eyrolles). En 304 pages, il y constate que le luxe est éternel et universel, même s’il n’a cessé d’évoluer et de s’exprimer différemment d’une époque et d’une culture à l’autre. « Le luxe n'est plus la part maudite, mais la part du rêve, de l'excellence et du superlatif dont l'homme a besoin », rappelle Gilles Lipovetski. Ce que confirme Shakespeare : « Retirez à l'homme le superflu et vous lui ôtez sa part d'humanité ». Les désirs sont infinis, mais pas forcément frivoles : avec le luxe, on touche souvent à l’essentiel !
••• L’EXPRESSION DU LUXE EST EN MUTATION PERMANENTE : le luxe d’après la crise sera profondément différent de celui qui l’a précédé. Eternelle dialectique entre le permanent et l’éphémère : on aimera toujours les belles montres et les beaux objets du temps, mais ce ne seront plus les mêmes qui nous paraîtront désirables...
••• ASSISTÉ, en ligne et gratuitement, à un cours magistral de marketing du luxe, par Jean-Noël Kapferer (on ne présente plus) et Vincent Bastien (ex-Louis Vuitton) : en quelques minutes, « Luxe oblige », leçon 1 (04:21) et « Luxe oblige », leçon 2 (04:21) proposent une vraie fiche de lecture 2.0. Un nouveau concept de e-formation...
••• MÉDITÉ sur ce que sera le nouveau luxe en apprenant que Daimler avait pris 10 % du capital de Tesla Motors, l’entreprise californienne spécialiste des roadsters électriques. Voir Mercedes-Benz – icône du luxe automobile, qui voit ses ventes chuter – courir à la rencontre des bolides eco-friendly de la Silicon Valley laisse rêveur : c’est un peu comme si Rolex rachetait Urwerk ! Cet investissement valide en tout cas l’intuition de Nicolas Hayek sur l’évolution électro-futuriste du marché automobile : les grandes manœuvres ont commencé sur l’asphalte et il est assez plaisant de voir les « grandes marques » courir derrière les outsiders pour ne pas quitter la route !
••• DÉTECTÉ (enfin !) un nouveau matériau plus dur que le diamant : le nom n’est pas très glamour [« carbure de bore cubique » : pas facile à vendre comme produit de luxe !] et on ne s’en servira pas souvent place Vendôme, mais les propriétés de ce composé mis au point par les chercheurs du CNRS en région parisienne (LPMTM de Villetaneuse) sont très prometteuses... pour l’industrie ! On obtient ce carbure de bore cubique en compressant très fort (25 000 atmosphères) et à très forte température (2 000°C) des atomes de graphite [le composant de base du diamant et... des mines de crayon] et de bore. Le résultat est ultra-résistant à la chaleur et à l’oxydation, avec une dureté supérieure au diamant, ce qui en ferait une excellente base pour des outils capables de travailler les aciers les plus durs sans changer leur structure chimique. On peut aussi songer à des revêtements de pièces pour améliorer leur résistance à la friction ou à des spiraux... Source : Physical Review Letters (janvier 2009) – recension récente en français sur Techno-Science.net.
••• RENVOYÉ quelques lecteurs qui s’intéressaient aux nouveaux amateurs du marché indien à une analyse marketing de Rajita Chaudhuri : elle démontre dans « Don’t Forget the Boys » que les jeunes adultes mâles indiens constituent une cible très difficile à atteindre par les messages publicitaires classiques. Ils sont ailleurs que devant leur télévision à larmoyer sur les feuilletons sentimentaux : la clé du marché est dans le... jeu vidéo, dérivé ou non d’un film ou d’une série. N’oubliez pas les garçons dans vos plans marketing !
••• SONGÉ que l’été 2009 serait... meurtrier : « Basse intensité commerciale, haute mortalité managériale », selon un spécialiste du marketing horloger. Confirmation des banques cantonales, les dernières à aider les PME horlogères, tant côté marques que fournisseurs : les demandes de nouvelles lignes de trésorerie « pour tenir le coup jusqu’à la rentrée » se font plus pressantes. Facteur positif : les défaillances des uns seront largement compensées par les naissances des autres...
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