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A quand des montres co-designées par les (vrais) amateurs du monde entier ?
 
Le 02-06-2009
de Business Montres & Joaillerie

Pour leur prochain téléphone mobile, les managers de LG (un des leaders coréens du marché électronique) n’ont pas fait appel à un designer de renom, mais à une plate-forme coopérative de création, qui fédère 25 000 « apporteurs d’idées ».
Une démarche d’avant-garde, encore jamais tentée dans l’industrie horlogère qui aurait tort de se priver : ce n’est pas très cher et ça peut rapporter très gros...


••• POUR IMAGINER UN NOUVEAU PRODUIT, il n’y avait jusqu’ici que deux voies : la création en interne ou la commande à un créatif externalisé. Les deux méthodes ont toujours à peu près bien fonctionné, à quelques mensonges près : que de marques se poussent du col en prétendant développer en interne des produits purement et simplement « achetés » à des créateurs spécialisés, qu’il s’agisse de design ou de mouvement ! Il suffit de se promener dans les cabinets de design et les ateliers de complications pour comprendre les vraies limites de la boîte à idées in-house. Passons...

Les Coréens de LG ont décidé de procéder autrement pour leur prochain téléphone mobile futuriste. Au lieu de lancer un appel d’offres qui leur aurait coûté une fortune et beaucoup d’énergie, ou au lieu de consulter une agence spécialisée, qui leur aurait à nouveau coûté un gros « saladier », ils ont choisi de s’adresser à CrowdSpring, une des plus célèbres plate-formes de création collaborative du moment. Le « dopage créatif par la communauté des créateurs » : tout un programme, défini par la charte de CrowdSpring : « Soumettez un projet créatif à tous les contributeurs de la planète et choisissez le rendu que vous préférez ». L’idée est de créer un marché ouvert qui rapproche l’offre des créateurs de la demande des marques.

Principe pour LG : ouvrir un concours de création pour imaginer le concept-phone de demain. Un vrai outil futuriste et non une simple extension de ce qui existe aujourd’hui. Cahier des charges ultra-simplifié : « Lâchez-vous sur votre vision du mobile dans 2, 5 ou 10 ans ! Concevez et dessinez ce que vous avez dans le tête ». Pour un résultat vraiment professionnel, LG et CrowdSpring ont choisi de s’associer avec Autodesk, leader des logiciels de CAO, qui offre un essai gratuit de quinze jours pour ses logiciels.

••• LA LOGIQUE DE CE CONCOURS OUVERT À TOUT LE MONDE est forcément gagnante, ne serait-ce que par le buzz ainsi créé – la preuve ! Elle est d »abord très économique : LG aura dépensé en tout et pour tout 75 000 dollars pour se doter d’un fantastique tank à idées : 20 000 pour le gagnant, 10 000 pour le second, 5 000 pour le troisième et 1 000 pour les 40 suivants. Ce n’est même pas le prix qu’exige un designer de renom pour ouvrir le dossier et c’est donné pour créer le téléphone mobile du futur. Pour Autodesk, c’est aussi plusieurs centaines de prospects très chauds dont beaucoup ne pourront plus se passer de leur logiciel ! CrowdSpring, une start-up de Chicago, se rémunère sur un pourcentage du montant alloué par LG à cette opération.

Donc, pour le dixième ou le vingtième d’un budget de création classique [il suffit de connaître le montant des développement facturés aux marques de montres qui se sont risquées sur le marché de la téléphonie pour avoir le vertige], LG s’est offert les services d’environ 25 000 designers répartis dans 140 pays. Des petits indépendants pour la plupart, qui misent à chaque fois leur peau – et non la puissance de leurs structures – sur la créativité de leur recommandation.

La démarche est intéressante et elle condamne, à terme, les grands cabinets de design, aux frais de fonctionnement très lourds, pour le plus grand profit des indépendants hyper-créatifs. Hors du monde du design, une initiative parallèle a été montée dans le domaine de la publicité, avec OpenAd.net, qui a déjà permis à plusieurs marques [et non des moindres : DaimlerChrysler, Virgin, Emap] de lancer des campagnes non-conformistes, présentées par un des 11 000 créatifs des 125 pays branchés sur OpenAd : une révolution, capable de balayer les réseaux publicitaires actuels.

••• L’OPEN SOURCE EST UNE BOMBE CAPABLE D’ACCÉLÉRER L’AGONIE DU VIEUX MONDE de la communication, celui d’avant la crise et d’avant le triomphe d’Internet. La déflation budgétaire est à l’ordre du jour : les marques veulent payer pour l’intelligence et pour l’idée, pas pour les Porsche Cayenne sur le parking et les secrétaires blondes de l’accueil ! Un exemple : c’est sur un site de photos coopératif (iStockPhoto) que Twitter – on ne présente plus, tout le monde connaît – a trouvé son logo, payé 6 dollars ! Les relations publiques sont également touchées, comme le démontre le succès émergent de PitchEngine, qui mélange joyeusement les réseaux sociaux, les concepteurs-rédacteurs et le souci des marques de ne plus dépenser de l’argent que là où c’est vraiment utile – IBM oou Xerox ont déjà pris ce virage du low cost à forte valeur ajoutée créative. On retrouve quelques-uns de ces exemples sur La Tectonique des clics, l’excellent blog francophone de Frédéric Fillioux, ainsi que sur son blog en anglais.

On ne peut s’empêcher de penser que la créativité déflationniste va également impacter durablement l’information horlogère, déjà contrainte à réduire sa voilure faute de budgets publicitaires. C’est la mort programmée du modèle 100 % annonceurs, qui visait à vendre les magazines aux marques et non plus aux lecteurs. Ceux qui suivent l’actualité réelle de la branche horlogère grâce à Business Montres savent depuis longtemps que ce système publicitaire – rebaptisé ici « tout-à-l’égo », puisqu’il ne sert qu’à la mesure mutuelle des egos managériaux, dans le goût récréatif du « La mienne est plus grande que la tienne » (on parle de pub, évidemment) – est condamné par cause d’inadaptation darwinienne à la survie en ambiance 2.0...

••• VOICI DONC VENU LE TEMPS DES « CHATS MAIGRES », engagés dans une compétition mondiale qui dépasse largement le pré carré des ex-vaches grasses. En quoi cela peut-il influencer l’industrie horlogère ? On peut, dans un premier temps, lancer un concours créatif pour imaginer la ou les montres de demain : surprises garanties ! Il n’est d’ailleurs pas évident qu’on arrive, au final, à des ovnis extraordinaires, mais la moisson d’idées venues du monde entier ne pourra être que féconde.

Il y a sans doute – quantitativement, c’est une évidence – plus d’intelligence créative hors du microcosme que dans le cercle aujourd’hui confiné des designers spécialisés dans l’horlogerie : ces derniers n’ont pas démérité et ils réussissent l’incroyable tour de force d’imaginer, printemps après printemps, des formes, des lignes et des idées capables de renouveler le regard que nous portons sur les montres. L’idée d’une ouverture aux 25 000 candidats-designers recensés à travers le monde par CrowdSpring mérite néanmoins une expérience, les spécialistes du dessin horloger n’intervenant qu’ensuite pour finaliser les projets et en « lécher » les détails qui comptent...

Ensuite, pourquoi ne pas mettre en open source les fournisseurs du monde entier, en respectant – si possible, mais qui y croit encore ? – les normes du Swiss Made...

On peut aller plus loin dans la démarche en ouvrant un peu plus les fenêtres et en acceptant de concevoir, toujours en open source, les campagnes de communication (publicité, images, relations publiques, promotion) qui iront avec cette montre collaborative. On peut encore faire mieux en imaginant un stade plus avancé, avec une distribution 2.0 tout aussi coopérative. La logique ultime de cette dématérialisation de la chaîne des fournisseurs reste, de fait, la mise en place d’une horlogerie virtuelle, dans le cadre de l’iPhonisation collective et du nomadisme high-tech...

••• LE CONCOURS EST OUVERT ENTRE LES MARQUES ELLES-MÊMES, plus soucieuses les unes que les autres d’être plus rapidement 2.0 que leurs concurrentes : alors, à quand la première montre CrowdSpring Made ? Ce serait aussi une première dans l’univers du luxe européen...

 



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