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La théorie de « L’Eté meurtrier » n’est pas une rumeur !
 
Le 10-06-2009
de Business Montres & Joaillerie

Informer honnêtement est un des arts les plus difficiles qui soient aujourd'hui, surtout dès qu’on parle de montres. 100 % libre vis-à-vis de toutes les considérations diplomatiques et de toutes les pressions économiques imaginables, votre Quotidien des Montres tente d’éclairer l’actualité pour mettre en perspective les faits les plus signifiants : exercice périlleux, mais source de grandes satisfactions intellectuelles quand les réalités confirment les réflexions et les anticipations...

••• L’ÉTÉ MEURTRIER
Le concept d’« été meurtrier » appliqué à l’horlogerie commence à inquiéter la profession. Lancé par Business Montres ces dernières semaines (dernier en date : « Un mauvais remake de L’Eté meurtrier se prépare », 5 juin), il est repris et développé avec beaucoup de pertinence par Bastien Buss dans L’Agéfi (Suisse). Rappel : « “C’est un peu le calme avant la tempête. Nous craignons des mesures importantes de réduction des effectifs à la reprise“, s’inquiète Eric Thévenaz, secrétaire régional du syndicat Unia pour le canton de Neuchâtel. (...) Les licenciements vont toutefois se poursuivre, voire s’aggraver. Depuis le début de l’année, d’après une estimation effectuée par les syndicats, entre 2000 et 2500 emplois ont déjà disparus. Et Aldo Ferrari [de l’antenne vaudoise du syndicat précité] d’évoquer des chiffres empreints de retenue, puisqu’ils ne comprennent par les emplois temporaires ».
Si L’Agéfi valide au passage les informations de >Business Montres concernant la prochaine vague de licenciements chez Zenith, la fin de l’article est savoureuse : « Un horloger neuchâtelois se dit très surpris du silence de la Fédération horlogère (FH), alors que le secteur s’enfonce dans le marasme. “N’est-ce pas à la FH de défendre les intérêts des horlogers? Swissmem soutient au moins ses membres“. L’association faîtière a lancé un appel solennel à l’adresse de la Confédération et a même demandé la création d’un fonds relais, alimenté par les banques et l’industrie elle-même. Jean-Daniel Pasche, président de la FH, indique qu’elle n’a pas menée ce genre de réflexion au sein des organes de l’association pour l’instant. Il fait remarquer que le gouvernement a déjà pris diverses mesures destinées à enrayer l’atonie conjoncturelle. “Ce sont davantage les plans de relance à l’étranger, ayant un impact sur la consommation, qui pourraient venir aider les exportations horlogères“. »
Propos présidentiels qui sont en partie vrais : l’horlogerie manque aujourd’hui dramatiquement de clients. Et en partie faux, dans la mesure où ils exonèrent les marques de leur absence d’anticipation de cette crise et de leur entêtement à vouloir engorger les tuyaux au prix de surstockages qui paralysent la reprise des commandes par les détaillants...
••• À QUOI BON SE VOILER LA FACE ? Comme un intervenant l’écrit sur Forumamontres, « les gens ne sont pas idiots: ils voient bien que les commandes ne rentrent plus, qu'on leur fait faire des rangements plutôt que des montres, que les bouchons sont moins long et denses le soir en rentrant du boulot » !

••• CABESTAN
Pour Only Watch, l’équipe de Jean-François Ruchonnet et Eric Coudray a préparé une Cabestan spéciale, travaillée avec Sébastien Loeb, multiple champion du monde des rallyes (révélation Business Montres du 19 mai). La montre est maintenant prête à faire le tour du monde avec l’exposition itinérante Only Watch : avec certains rouages en couleurs, cette pièce unique (ci-dessus) est décorée de grilles en nid d’abeille, avec, au dos, le plan du circuit de Monaco et la signature de Sébastien Loeb, qui a personnellement donné un coup de main à la décoration de l’écrin – qui sera le casque personnel du champion...

••• ZENITH
L’Est républicain (France) confirme ce matin les informations de Business Montres concernant la négociation en cours chez Zenith : alors que l’attachée de presse de Zenith persiste à parler de « rumeurs indélicates et infondées », Eric Thevenaz, le secrétaire régional du syndicat Unia pour le canton de Neuchâtel, explique à L’Est républicain : « J'ai rencontré M. Dufour, hier à 13 h 30. C'est confirmé. Les salariés ont bien été informés dans la journée qu'une restructuration allait être menée portant sur la suppression de 70 postes. Cela va se faire assez rapidement ». La décision finale pourrait intervenir le 19 juin.
Conclusion de L’Est républicain, quotidien de référence de nombreux frontaliers de l’horlogerie : « Il se murmure, dans les cercles initiés, que l'hécatombe pourrait bientôt toucher d'autres marques emblématiques du luxe »...
••• ÉTERNEL DÉBAT SUR LE RÔLE DES MÉDIAS : dire ou ne pas dire ce qu’on estime être la vérité. Une négociation chez Zenith ne relève pas de la rumeur, mais de l’information, que cela plaise ou non à la direction de la marque : il suffisait de lire les révélations de Business Montres pour découvrir qu’il était question d’une « négociation », et non d’une décision. Chacun se félicitera que les syndicats aient pu abaisser à 70 une fourchette envisagée entre 80 et 120 postes...
• Parler de « rumeurs indélicates et infondées » au moment où les syndicats confirment la suppression de 70 postes, c’est tout simplement ridicule ! C’est une preuve supplémentaire du danger d’attendre les communiqués officiels pour publier une information... Refuser d’en parler, pour d’obscures raisons, alors qu’on connaît l’information, c’est tout aussi mal intentionné vis-à-vis des personnels concernés.
• En toute indépendance par rapport aux marques, aux groupes et aux intérêts marchands des uns et des autres, Business Montres a une mission d’information qui est très simple : dire les choses comme elles sont, quand ça pose problème, en toute honnêteté professionnelle, au risque (parfois) de se tromper, mais aussi au risque d’avoir raison avant les autres. Le tout est d'avoir raison plus souvent qu'on ne se trompe...

••• ZAPPING •••
Quelques petits riens sur un peu de tout ce qui concerne les montres…

• LINDE WERDELIN : un blog-strip tease qui raconte les coulisses de la montre, de sa conception à sa réalisation ! L’initiative est à peu près unique dans l’industrie horlogère : avec son Lab Linde Werdelin, la marque fait directement participer les amateurs à l’élaboration des montres, en temps réel, avec la possibilité de critiquer ou d’approuver telle ou telle avancée du design, du concept lui-même à la moindre vis, en passant par la vie quotidienne des créateurs et leur univers de référence. Cette sorte de strip-tease créatif est le premier peep show horloger permanent...

• HERMÈS : pas de sortie de crise pour le luxe avant deux ans. C’est l’estimation de Patrick Thomas, le gérant d’Hermès, qui ajoutait, au sommet du luxe organisé par Reuters : « Le marché du luxe est touché par un trou d'air qui pourrait durer environ deux ans. La reprise du marché des montres et des bijoux prendra plus de temps que celle du marché de la mode ». Le groupe Hermès, qui n’ouvrira que huit boutiques cette année au lieu de dix (sur un total de 286), a néanmoins augmenté ses dépenses de publicité (+ 10 %), qui ne comptent que pour un tiers des dépenses de communication du groupe. Patrick Thomas reconnaît que les détaillants (revendeurs) ont de graves difficultés du fait de leur surstockage...

• SNYPER : on se pose souvent des questions sur l’identité des personnes qui sont derrière le groupe Snyper. Sur Facebook, le groupe Snyper Watches dévoile l’identité de cinq des neufs Snypers, tous désignés par un numéro. Jean-François Ruchonnet (Cabestan), concepteur et réalisateur de la montre porte le numéro 2...

• TAG HEUER : arrivée sur le marché d’un superbe « produit de crise ». La nouvelle Formula 1 Grande date (le double guichet est intégré dans une petite seconde très graphique) propose un style très « instrumental » (lisibilité, sobriété, luminosité, étanchéité) du cadran noir et une lunette en PVD noir, sur une base quartz très honorable. Héritière de la légende Formula 1, cette montre est annoncée à moins de 1 000 dollars. Ce qui aurait été parfait l’année dernière : là, c’est juste 25 % trop cher...

• MONTRES DE RÉGATE : un excellent tour d’horizon, des origines du yachting à nos jours, avec beaucoup d’images et d’explications. A découvrir sur TimeZone (post privé).

• CHRONOGRAPHES D’AVIATION : une passionnante recension de ce qui a pu se faire, des marques qui ont trouvé leur légitimité sur ce segment et des modèles de la grande légende aérienne. Un point de vue sans révérences commerciales, à découvrir sur Montres mécaniques (impressionnant post privé, très illustré, sur ces modèles mythiques).

• EBAY : selon le moteur eBay Pulse, les mots les plus recherchés (en nombre) dans la catégorie montres sont, dans l’ordre, watch, watches, rolex, omega, mens watches, breitling, automatic, seiko, hamilton et tag heuer. Un beau score pour Hamilton...

• DUBAÏ : les ventes de luxe dans l’émirat plongent de 45 % depuis le début de la crise, nous avertit Reuters. Il suffit de se promener dans les quarante malls pour vérifier que le désert s’étend maintenant à l’intérieur de Dubaï City ! Les soldes de luxe affectent tout particulièrement le luxe et l’horlogerie : on déstocke à tous les étages et à tous les niveaux de discompte...

• « LA MECQUE DES FAUSSAIRES » : reportage révélateur dans le mensuel français Le Spectacle du Monde sur Dafen, un faubourg de Shenzhen (Chine) où 10 000 peintres reproduisent à la chaîne les chefs-d’œuvre de la peinture mondiale. L’un fait le paysage de la Joconde, l’autre les mains, le suivant le décollette et le plus doué le sourire : exactement comme sur une ligne de l’industrie automobile. C’est amusant, mais surtout explicite sur le rapport des Chinois aux contrefaçons et sur la façon dont leurs clients – majoritairement américains – vivent la reproduction (« replica ») : un hommage, et non une copie. Difficile, dans ces conditions de leur donner mauvaise conscience, puisqu’ils n’ont pas conscience de mal faire [on en revient à la problématique vaseuse de la campagne « Fake watches are for fake people »]...

• MARKETING : pour comprendre ce qui pousse à l’achat un consommateur, le Centre for Study of Choice (Sydney, Australie) a modélisé différentes attitudes pour expliquer non seulement ce que les amateurs préfèrent choisir, mais aussi pourquoi ils le font – ou ils ne le font pas [ce qui est tout aussi intéressant]. En combinant différentes données sur les consommateurs et sur chacun des attributs du produit, le logiciel de statistiques est capable de déterminer comment les consommateurs se décident et comment ce comportement d'achat évoluera si l'un des paramètres est changé. Passionnant.

• FACTEUR HUMAIN : l’agence Ad-Verbe vient de publier une étude sur « Les mots de la crise. Analyse du discours de la presse écrite sur la crise financière : les médias en ont-ils trop fait ? » En accès libre, ce décryptage du discours médiatique souligne le rôle du langage dans les stratégies de communication des entreprises : une réflexion indispensable alors que les marques d’horlogerie, plus autistes que jamais, peinent à élaborer des discours cohérents et des stratégies pertinences pour leur communication de crise...

• MÉMOIRE DE CRISE : un article de Daniel Droz dans L’Express-L’Impartial nous rappelle que « l’horlogerie suisse est bien moins exposée [à la crise] qu’en 1975 ». Explications chiffrées intéressantes sur le « cauchemar des années 1970 », sauf que les facteurs de la « crise du quartz » sont étrangement semblables : crise monétaire qui renchérit le prix des montres suisses [aujourd’hui, la faiblesse du dollar est à nouveau inquiétante] et surstockage par les intermédiaires [aujourd’hui, on est à nouveau avec huit à quinze mois de production d’avance]. « L'horlogerie a, néanmoins, des bases plus saines qu'il y a trois décennies, disent les acteurs de la branche. Elle peut s'appuyer sur un nombre de marchés extérieurs bien plus nombreux. La Russie et la Chine, pour ne citer que ces deux-là, étaient fermés aux produits suisses il y a 30 ans. Comme le dit un fin connaisseur de la branche, ces dernières années, elle “a appris à faire de la marge“. Ces réserves devraient permettre à la majorité de passer ce mauvais cap. Par ailleurs, aujourd'hui, les fabricants contrôlent le sell-out ». Là, c’est peut-être pêcher par optimisme ! De même, l’ouverture de nouveaux marchés extérieurs a pour corollaire leur fermeture en temps de crise, alors que l’appareil de production a été redimensionné à une taille planétaire – ce qui aggrave la crise au lieu de la limiter à quelques marchés. « Si l'optimisme béat n'est pas de mise et que les sociétés naviguent à vue, le tableau n'est pas aussi sombre qu'en 1975 », indique Daniel Droz en conclusion.
••• ET SI LE « TABLEAU » ÉTAIT PIRE, une grave crise sociétale – celle du luxe et de la consommation – se substituant à la révolution technologique des années soixante-dix, qui avait stimulé l’envie de nouvelles montres ? Demande non perçue à l’époque par l’industrie. Il se pourrait qu’on se trouve aujourd’hui face à une demande de nouveaux objets du temps, par exemple celle d’une haute horlogerie accessible : conceptuelle et nouvelle génération dans le style et les codes, mais approche low cost dans le prix. Face à cette forte demande énergente, l'offre est... nulle !

 



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