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CINQUIÈME JOUR…
En direct du Locle (Suisse), un acteur discret, mais influent de la création horlogère :
Laurent Besse, qui exposait cette année à Baselworld (The Watch Factory), en a profité pour faire moisson de nouveaux clients, plus que jamais demandeurs de nouvelles complications... qui marchent vraiment.
Pour lui, la crise reste d'abordcelle de ses fournisseurs de composants, assommés par les grandes marques !
Un avis d’expert pour continuer ce « Tour du monde horloger en 80 jours » dans lequel votre Quotidien des Montres vous embarque tout au long de l’été 2009...
• Les commandes ont-elles repris pour LAH ou ont-elles changé de nature ?
•••• Laurent Besse, Les Artisans Horlogers (ci-dessus, avec un montre Dent au poignet, marque anglaise dont il a réalisé la collection) : Le niveau de commande n’a pas varié pour nous. Nous devons plutôt à faire des heures supplémentaires afin d’honorer nos livraisons. Notre problème reste le même que celui de l’année dernière : obtenir nos composants en qualité et en quantité. Malgré une légère amélioration sur certains délais, nous subissons maintenant des retards liés au chômage partiel dans la sous-traitance.
• De nouveaux clients (marques), avec quelles motivations de leur part et quelles demandes ?
•••• Dans le cadre des Artisans Horlogers, nous avons une chance assez particulière : nous avons dans les mêmes proportions des marques dites nouvelles et d’autres biens établies. Cela a un double avantage pour nous : nous bénéficions des deux approches commerciales et diminuons ainsi nos risques. Les demandes, dans les deux types de clientèles, se rejoignent de plus en plus : sagesse et intemporalité. Sauf pour certains trublions qui ont leur public et avec lesquels nous nous « éclatons » dans une approche anticonformiste. Intellectuellement, c’est très enrichissant de gérer toutes les approches.
• Baisse des prix envisagée, et pourquoi ?
•••• Une baisse des prix n’est jamais bien saine sans une évolution commerciale. Comment être crédible auprès de l’acheteur final sans justification du type : nous avons une nouveauté qui fait que le modèle antérieure devient moins cher ou c’est une version « light » de notre modèle phare.
Je sais qui faut vendre pour survivre, mais quand sera-t-il de l’image de la marque dans le futur ?
Si la marque a été correct dans sa démarche commerciale (qualité produit, prix de vente, marge, image etc.), il vaut mieux ne pas trop modifier les prix pour fidéliser les clients finaux.
Dans notre cas de sous-traitant, nous avons toujours essayé de fournir des prestations au prix le plus juste sans abuser d’une conjoncture exceptionnelle. Cela semble payant maintenant.
• Innovations et concepts à tout prix ou recentrage sur les complications « classiques » ?
•••• Pour moi, les deux vont de pair et sont indissociables. Une marque se construit à travers les produits événementiels à partir desquels on élabore une gamme plus abordable voir, de façon plus prosaïque, vendable. Les concepts ne sont pas forcement des pièces devant être livrées mais des objets de rêve servant l’image de la marque.
• Peut-on faire confiance aux jeunes marques indépendantes et pourquoi ?
•••• Question assez ardue à laquelle je vais répondre oui. Oui, mais avec les mêmes conditions de sélection que nous avons en interne pour l’intégration d’un nouveau client : une marque passion évitant des approches trop mercantiles et voulant user, sans apport novateur, d’une vague créé par leurs prédécesseurs. Personnellement, je fais confiance aux marques ayant une approche produit différente et voulant se construire une pérennité. Les créateurs voulant une touche de X avec un peu de Y afin d’obtenir le Z novateur ne m’intéressent pas.
Pour les jeunes marques indépendantes il est primordial d’apporter une différence même si au final, elles peuvent être relativement proches de part les tendances du présent.
• Le marché a-t-il encore besoin de nouvelles complications ?
•••• Je n’aime pas trop le terme « complication ». Le marché a besoin d’innovation surtout dans ce genre de période. Seuls ceux pouvant investir maintenant dans le R&D seront fort demain. Cela aboutira, selon les positionnements marque, soit à de de la complication extrême soit à de la petite animation ludique ou simple. Nous avons les deux cas dans le « pipeline ».
• Qu'est-ce qui aura le plus changé après cette crise ?
•••• J’espère... le client final. Ce dernier servira à réguler les divers excès que nous avons vécus. Il faut rendre rapidement la maîtrise du produit aux personnes qui le font vraiment. S’il est important d’avoir une approche marketing forte pour avoir un bon positionnement visuel, cette approche seule est destructrice. On ne vend pas que de l’emballage, on vend des produits techniques devant s’appuyer sur une structure de production et de recherche forte. Le client devenant de plus en plus connaisseur nous devrions moins subir les dérèglements des années dernières.
• La recette pour tenir le coup en temps de crise ?
•••• Une surveillance en permanence de la trésorerie et une sélection drastique des clients, afin que les factures soient régularisées dans des délais raisonnables. Nous nous sommes toujours autofinancés et il est évident que nous n’avons pas la même liquidité qu’un grand groupe. C’est le danger pour une structure de notre genre.
• Les petites manufactures de mouvements ont-elles de l'avenir ?
•••• Un avenir important, moyennant une grande rigueur à tous les niveaux. Il faut être humble, discret et savoir prendre son temps pour faire les choses. Depuis que nous existons, nous pourrions avoir un zéro de plus sur le nombre d’employés et avoir livré depuis 5 ans des mouvements. Nous avons choisi la voie de la sagesse et commençons maintenant la présentation de nos produits que nous avons essayé de rendre le plus fiable possible. Malgré cette démarche, nous sommes parfaitement conscients que nous ne serons pas parfaits, mais au moins nous aurons diminué les aléas pour le consommateur final. Je trouve que nous avons tendance en période faste à oublier la finalité de nos produits.
• Sortie de crise pour quand ?
•••• Nous ne sommes pas, pour le cas des Artisans Horlogers, dans cette spirale de crise pour l’instant. Pourvu que cela dure…
••• DEMAIN ••• SIXIÈME JOUR : EN DIRECT DE VAUMARCUS (SUISSE), LES DIX TEXTOS D’ACTUALITÉ DE CÉCILE MAYE (MARVIN).
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