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DIXIÈME JOUR…

Guillaume Têtu est une des plus sympathiques figures de la nouvelle génération horlogère, ne serait-ce qu’en raison de sa franchise (voir ci-dessous).
C’est un homme d’influence, ne serait-ce qu'en raison de son physique impactant (ci-contre, en quaterback 77 de choc).
Il a le texto prolixe, mais sa voix domine cette nouvelle étape du « Tour du monde horloger en 80 jours » dans lequel votre Quotidien des Montres vous embarque tout au long de l’été 2009...

• Les commandes ont-elles repris pour Hautlence ?
•••• Guillaume Têtu (Hautlence) : Le terme de « commandes » a toujours été flou dans l’horlogerie. Nous préférons parler d’intentions de commandes, et surtout de ventes réalisées. Mais arrêtons là l’hypocrisie... Hautlence a aujourd’hui un rythme de livraisons d’environ 10 montres par mois, au lieu d’environ 25 par mois l’année précédente. Depuis avril, le niveau des livraisons est croissant, ce qui est rassurant.


• De nouveaux détaillants, avec quelles motivations de leur part ?
•••• Nous pratiquons plutôt une réduction du nombre de détaillants, et une sélection plus draconienne afin de mieux accompagner ceux qui arrivent à faire la différence entre une marque avec un mouvement propre et une marque avec un mouvement disponible sur le marché… La route est encore très longue ! De plus, nos clients doivent être sensibilisés au rapport prix/qualité/service que nous offrons.


• Baisse des prix envisagée, et pourquoi ?
•••• Pas de baisse de prix envisagée, mais plutôt un travail de fond sur la marge laissée à tous les intermédiaires commerciaux (ou apparentés à des intermédiaires commerciaux), pour mieux maitriser la construction de marque et coordonner les médias en central…


• Innovation à tout prix ou recentrage sur les « classiques » ?
•••• L’innovation est un maître mot chez Hautlence. « A tout prix » n’est pas du tout une notion qui nous qualifie ! Nous travaillons sur notre deuxième génération d’affichage de lecture du temps, totalement différente des collections HL, avec trois brevets et un développement complet « in house ». Mais nous continuons à asseoir ces HL comme des « classiques » Hautlence.
Attention aux changements de stratégie trop brusques ! C’est comme en bateau : les matelots tombent à l’eau en même temps… Ce qui est signe de baroud d’honneur désespéré plus que de construction sur le long terme. Signe, aussi, que la stratégie était trop opportuniste et trop à court terme.


• Peut-on faire confiance aux détaillants, et pourquoi ?
•••• Moins de détaillants, mais une confiance et une relation accrue. Il y a heureusement des professionnels chez les détaillants. Ce sont ceux qui comprennent ce qu’est une montre, ce qu’est une construction de marque et, enfin, ce qu’est le service, le vrai. Nous estimons ces détaillants à une cinquantaine de points de vente dans le monde.
Aujourd’hui, il faut les accompagner par de la formation, de la présence et de l’échange d’idées, afin de trouver des solutions ensemble. Et nous en avons pas mal… Par contre, ceux qui veulent garder leur petit pré-carré ou qui préfèrent faire payer les indépendants pour ne pas perdre la face vis-à-vis des grandes maisons, nous n’hésiterons pas à stopper notre relation avec eux.


• Le marché a-t-il encore besoin des petits indépendants ?
•••• J’espère ! Le marché horloger, à la différence de bien d’autres marchés, ne sait pas s’auto-réguler. En tout cas, il y a des clients finaux – aujourd’hui et depuis toujours – pour les marques indépendantes qui proposent un produit exclusif, avec un service de qualité.
Le marché étant fait par le client, je réponds oui à cette question. Le débat est de savoir comment les indépendants vont relayer leurs produits aux clients si la guerre sur les marchés et la pression dans les points de vente reste aussi soutenues par les « grandes maisons ».


• Comment séduire des nouveaux clients et par quels canaux ?
•••• Les nouveaux clients sont, d’une part, des collectionneurs/amateurs que nous n’avons pas encore atteints, car nous avons encore une présence limitée sur les marchés, et nous n’avons pas encore ouvert certains marchés importants, comme le Japon, la Chine, l’Amérique du Sud ou encore l’Inde. Sans parler d’une implantation balbutiante aux Etats-Unis.
D’autre part, pour animer les marchés actuels et toucher de nouvelles personnes, la présence sur les marchés et la présentation des produits en face-à-face reste le meilleur relais pour échanger autour de la passion qui anime les équipes réalisant ces garde-temps exceptionnels. On ne peut pas se contenter de faire des pages de pub et d’attendre que le client vienne dans une boutique de lui-même pour acheter une Hautlence : nous préférons privilégier l’échange avec les passionnés.


• La recette pour tenir le coup en temps de crise ?
•••• Naviguer léger : nos charges sont faibles. Acheter juste ce dont nous avons besoin, utiliser au mieux le stock de composants et garder le cap dans les développements de produits, car la nouveauté reste toujours un vecteur de vente non négligeable dans ce secteur de prix et de produits.


• Comment rassurer ses actionnaires et avec quelle promesse ?
•••• Les actionnaires sont rassurés par des actes, et non par des promesses. Les actionnaires principaux et dirigeants de Hautlence sont actifs et impliqués dans la gestion rigoureuse de la société. Notre manière de tenir la barre ensemble a porté ses fruits depuis la création de Hautlence. Nous sommes toujours le même groupe d’actionnaires depuis 2004 et nous nous auto-finançons et recapitalisons en interne, quand le besoin se fait sentir. Là, en ce moment, nous sommes en plein dans le sujet…


• Sortie de crise pour quand ?
•••• Si on considère les 12 à 18 mois de stock in shop de toutes les marques, et aussi les 12 à 18 mois de stocks dans les différents headquarters, cela fera fin 2010 au mieux… Si les clients continuent d’acheter au même rythme, et que les shopping malls asiatiques ouvrent à la même vitesse pour permettre une nouvelle phase de sell-in dans les magnifiques shops in shop ou flagships des plus prestigieuses enseignes...
La crise horlogère n’a pas grand-chose à voir avec la crise économique, cette dernière n’en n’est que le révélateur.
Nous ne nous cachons pas derrière cette crise. On ne peut pas croire que les seuls traders qui n’ont plus de bonus sont la cause des milliers de suppression d’emplois dans les ateliers de la Watch Valley, ou les centaines de milliers de la région de Shenzhen… Soyons raisonnables : l’horlogerie a surstocké les marchés à une époque où personne ne parlait de surchauffe, mais la réalité du sell-out est, elle, plus tangible, rationnelle et constante. Une fois encore, on ne peut comparer les quantités de Hautlence et celles des marques de plus gros volumes…
Nous nous préparons à une période intéressante et sanglante. Dans une petite société, les clients sont plus grands.


(*) « Le Tour du Monde Horloger en 80 Jours » (exclusivité Business Montres) : pendant tout l'été 2009, l'actualité horlogère au jour le jour, exprimée du tac au tac par quatre-vingt décideurs et influenceurs, en quatre-vingt fois dix textos d’actualité.

••• DEMAIN ••• ONZIÈME JOUR : EN DIRECT DE LA CHAUX-DE-FONDS, MASSIMO MACALUSO (JEANRICHARD).