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QUATORZIÈME JOUR…
Ion Schiau a créé Chronotime dans son pays, en Roumanie, en juillet 2004. Son idée : distribuer sur le nouveau marché roumain des nouvelles marques suisses. Il est aujourd’hui le principal acteur local pour les belles montres (1), soit en distribution, soit à travers les 15 points de vente de son réseau Cellini.
C’est par son expertiseque ce passionné de rugby (image ci-contre) est une étape indispensable du Tour du monde horloger en 80 jours, lancé par votre Quotidien des Montres...
• Où en sont les commandes, avec quelles prévisions pour la rentrée ?
•••• Ion Schiau (Chronotime) : Nous naviguons autour des - 50% comparé aux achats de l’an passé ? Ça nous change des banals + 60% vécus ces dernières années – années fastes sitôt oubliées de certains de nos partenaires. Le marché horloger reste à l’image du pays : énorme potentiel, belle énergie, croissance mal contrôlée. Le rollercoaster actuel reste en phase descente jusqu’au 4e trimestre.
• Ces commandes ont-elles changé de nature (prix, style, délai, volume, etc.) ?
•••• Ce qui est sûr, c’est que les délais de livraison sont passés de un an à un jour pour la plupart des marques. Déjà, après Bâle et Genève l’an dernier, les commandes des salons qui, d’habitude, prenaient un an pour la Roumanie étaient prêtes en mai/juin. On continue d’acheter pour maintenir un mouvement, mais nous n’achetons que ce qui à de réelles chances d’être vendu. Ceci étant, la crise touche tout notre portefeuille et il n’y a pas de report des achats sur nos marques d’entrés de gamme, qui souffrent tout autant que le haut du panier.
• Peut-on envisager une baisse des prix dans le luxe horloger, et pourquoi ?
•••• Oui, car un réajustement après avoir « abusé de la situation » pourra être l’étape diplomatique, consensuelle à laquelle succéderait une étape plus agressive dont le but sera de mettre hors jeu certain acteurs. Une baisse serait possible. Premièrement, parce que il n’y a pas de barrières techniques pour ce que cela ne se produise pas. Deuxièmement, parce qu’il y a une demande en ce sens et, finalement, parce qu’au vu des grands noms qui restent aujourd’hui encore cohérents dans leur politique de prix, la pression sera très forte sur certaines marques et sur les prix gonflés. Le premier qui sera d’accord pour marger moins donnera le tempo.
• Les marques doivent-elles continuer à ouvrir leurs propres boutiques ?
•••• On pourra toujours débattre des raisons qui conduisent aux ouvertures et les justifier : manque d’alternatives, manque de confiance dans les partenaires existants, arrogance de certaines marques, besoin de créer une pression sur le réseau traditionnel, besoin d’offrir une vitrine sur le monde de la marque, sans parler des analyses profondes et de ces constats extrêmement percutants du type « Machin m’a offert un coca chaud la dernière fois que je l’ai visité, c’est n’importe quoi, son magasin... Ouvrons une boutique ».
Boutique en propre ou pas, je tends à croire que la grande majorité des clients veulent voir une variété de produits : limiter l’offre est handicapant et la rentabilité très variable. En réaction à cela, n’assiste-t-on pas à un courant de création de produits dérivés : articles en cuir, boutons de manchettes, stylos-plume, bijoux, voire même de téléphones cellulaires ou de parfums ?
• Les petites marques indépendantes servent-elles à quelque chose ?
•••• Oui, même si certaines n’ont pas fait avancer le schmilblik... Bon nombre de petites marques, de par leur créativité, leur énergie et leur franc-parler, ont constamment donné des coups de pied dans la fourmilière et elles ont brisé des barrières qui font que cette industrie s’est transformé ces dix dernières années.
• Peut-on faire confiance aux réseaux traditionnels (points de vente classiques) pour relancer la machine horlogère, et pourquoi ?
•••• Je retourne la question, peut-on faire confiance aux marques et leur approche traditionnelle pour sortir de la crise ? Alors que la plupart des marques et des détaillants s’impatientent et dégazent afin de survivre, je n’ai pas entendu, ni lu, une seule remise en question du modèle existant (logistique, production, distribution).
La notion même de confiance est très variable. Quant aux réseaux traditionnels de distribution (distributeur que nous sommes également), il est fort probable qu’il soit appelé à disparaître des écrans d’ici quelques années et que les marques ou les groupes gèrent de plus en plus de point de vente directement.
• Les détaillants ont-ils intérêt à lancer leur propre marque et leurs propres collections, et pourquoi ?
•••• Il faut laisser à César ce qui revient à César : un détaillant saura sans doute dessiner une belle montre pour son marché, mais créer une marque est une autre affaire. Quant aux séries spéciales pour détaillants, il est clair que les détaillants ont tout à y gagner ; quant aux marques, c’est discutable : cette création artificielle de rareté n’amène rien.
• Comment séduire des nouveaux clients et par quels canaux ?
•••• Ce qui est valable pour Bucarest en 2009 ne l’est sûrement pas pour Paris ou Beverly Hills. Il y a bientôt vingt ans, nous sortions d’un communisme moyen-âgeux. Les dernières cinq à dix années ont été spectaculaires dans tout les domaines, mais nous avons encore de gros chantiers devant nous : du customer service (où nous avons créé le premier espace client type bar destiné à observer les horlogers à l’œuvre + une zone de shopping, le tout supervisé par un horloger Swiss Made) à l’environnement retail VIP (où nous avons encore beaucoup de retard et qui nous permettra d’éviter un important flux d’achat à l’ouest), en passant par nouvelles technologies (d’internet à la téléphonie cellulaire) où nous pouvons rattraper notre retard (les Roumains étant très créatifs : la deuxième langue parlée chez Microsoft serait la nôtre !), nous sommes plus que jamais en mouvement !
• La bonne recette pour tenir le coup en temps de crise ?
•••• Tout le pays est en crise depuis... vingt, cinquante ans : le système de santé, l’éducation, les infrastructures, la justice... Les Roumains vivent continuellement en crise ! Pour tenir le coup : 1) rester cohérent dans notre approche ; 2) devenir encore plus proactifs avec les clients finaux ; 3) perdre du poids et gagner en flexibilité.
• Sortie de crise pour quand ?
•••• Fin 2010 ?
(1) Blancpain, Breguet, De Bethune, Breitling, Bell & Ross, Corum, Concord, Jaquet Droz, Graham, Leon Hatot, Hublot, Romain Jerome, Longines, Omega, Parmigiani Fleurier, Porsche Design, Roger Dubuis, Rado, Tissot, Wyler, Victorinox et, dans des segments plus accessibles : Calvin Klein, Gucci, Hugo Boss, Mango, Swatch, Flik Flak, Timberland, Tommy Hilfiger, Time Forever...
(*) « Le Tour du Monde Horloger en 80 Jours » (exclusivité Business Montres) : pendant tout l'été 2009, l'actualité horlogère au jour le jour, exprimée du tac au tac par quatre-vingt décideurs et influenceurs, en quatre-vingt fois dix textos d’actualité.
••• DEMAIN ••• QUINZIÈME JOUR : EN DIRECT DE BIENNE, LUC PERRAMOND (LA MONTRE HERMÈS).
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