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Cartier + une surprise = une création
 
Le 20-07-2009

Petit cours de “ grammaire esthétique ” avec Pierre Rainero, directeur de la stratégie et du patrimoine chez Cartier.

Peu de maisons peuvent faire preuve d’une cohérence stylistique à travers le temps. Cartier, qui créa son studio de dessinateurs en 1933 déjà, est l’une d’elle. Petit cours de “ grammaire esthétique ” avec Pierre Rainero, garant de cette continuité depuis 25 ans.

Cela fait 25 ans que vous êtes chez Cartier. N’avez-vous pas l’impression d’en avoir fait le tour ?
Pas du tout. Avant d’arriver chez Cartier en 1984, je travaillais dans une agence de publicité aux Etats-Unis. Dans ce domaine, on se focalise sur une seule culture, celle à qui le travail de créativité est destiné. C’est très différent chez Cartier : cette marque est appréciée partout dans le monde, ses créations jouissent d’une très forte identité dans différentes cultures. C’est ce qui fait leur force, et tout l’intérêt de travailler ici.

Vous avez donc passé ces 25 dernières années à vous occuper d’identité artistique?
Non, j’ai occupé passablement de postes chez Cartier : j’étais d’abord en charge de la publicité internationale. Puis je suis passé au marketing, puis à la recherche, à la communication, au Comité de création, avant d’assumer la direction artistique. Depuis juin 2003, j’occupe le poste de directeur de la stratégie et du patrimoine.

Que cache cette fonction un peu obscure de « directeur de la stratégie et du patrimoine » ?
Je suis responsable de tout ce qui est visible de la maison Cartier, de l’architecture des boutiques aux créations elles-mêmes, en passant par les cartes de visite. Avec Bernard Fornas, le président de Cartier International, il n’y a pas un objet qui nous échappe. Nous avons une vision commune, qui commence dans la défi nition d’un style, de la grammaire esthétique. Immédiatement suivie de l’idée d’une certaine évolution.

Qu’est-ce que cette « grammaire esthétique » ?
C’est ce qui fait que l’on reconnait immédiatement une création Cartier. Très peu de maisons peuvent faire preuve d’une démarche stylistique cohérente à travers le temps. Cette préoccupation est née à la troisième génération, avec Louis Cartier. En 1898, il a créé un studio de dessinateurs, outil qui n’existait pas avant. En 1933, il s’est retiré pour laisser la place à une femme, plus à même de comprendre les fondements du style Cartier. Cette femme, ce fut la joaillière Jeanne Toussaint.

Et cette grammaire, peut-on l’apprendre ?
Bien sûr ! Cela commence par un vocabulaire précis, auquel nous nous tenons. Il se trouve dans nos archives. Tous nos nouveaux dessinateurs doivent d’abord connaître ce vocabulaire.

C’est extrêmement rigide !
Non, parce qu’on ne s’arrête pas là. La meilleure comparaison que je puisse faire de cette grammaire, c’est celle d’une langue vivante. On ne parle pas le même français qu’au XVIIIe siècle, mais c’est toujours du français. La défi nition de notre style, c’est “ Cartier + une surprise = une création ”. Nous apportons des choses nouvelles à des choses préexistantes.

Mais ces « surprises » ont certainement des limites ?
Nous sommes des chercheurs professionnels de beauté. C’est totalement différent de l’art. Nous avons développé notre propre notion de la beauté, notre propre sens des proportions, une perception de l’équilibre qui nous est propre. C’est comme un meuble ancien : français ou anglais, on voit immédiatement la différence.

Et par quoi passe votre notion de la beauté ?
Par les volumes d’abord : notre approche s’inspire de l’architecture. Tout est conçu en 3D. Nous avons ainsi une vision sculpturale de nos créations. Mais cela passe aussi par les couleurs bien sûr : en s’ouvrant à d’autres cultures, Cartier a imposé dès la fi n du XIXe siècle – une époque extrêmement rigide sur ces codes – le bleu et le vert. La maison a beaucoup tiré ses infl uences de l’art islamique et russe. Pas seulement concernant les couleurs, mais également la symbolique.
Propos recueillis par Fabrice Eschmann

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