|
La Haute Horlogerie en Amérique du Sud : un marché réduit mais stable
Brésil, Venezuela, Colombie, Chili, Argentine… tous ces pays d’Amérique latine sont eux aussi victimes de la crise qui touche l’économie mondiale. Ces marchés représentent néanmoins un énorme potentiel pour les marques de Haute Horlogerie.
A en croire l’image que nous donnent les films de série B, l’Amérique du Sud serait soit une jungle où les barons de la drogue s’entretuent le cigare à la bouche, soit un éternel carnaval où des femmes en bikini dansent au bord de la plage tandis que leur petit ami joue au football. S’il est bien entendu possible d’assister à ce genre de scène dans certains endroits, il faut savoir qu’en réalité, le sous-continent américain est constitué de plusieurs pays qui représentent un marché de taille réduite mais stable pour la Haute Horlogerie.
Le Brésil, à savoir le B de l’acronyme BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine, soit les quatre économies forte croissance), est à la fois le pays le plus vaste et le plus peuplé d’Amérique du Sud. Contrairement à leurs voisins, qui ont tendance à convertir les prix locaux en dollars US, les Brésiliens préfèrent s’appuyer sur leur propre devise. C’est peut-être parce qu’ils sont les seuls à parler portugais ou, plus probablement, parce qu’ils détiennent l’économie la plus puissante du sous-continent, sans oublier leurs nombreux titres de champions du monde de football qui sont également une source de fierté nationale.
Les Brésiliens ont une longue expérience de la joaillerie. D’ailleurs, leur plus grande marque, H. Stern, est connue dans le monde entier. Le marché de la Haute Horlogerie, en revanche, est moins conséquent, à l’exception des segments sport élégance et sport technique. Le Brésil est en effet un marché très porteur pour Rolex et Breitling, qui y a récemment ouvert une boutique, connaît actuellement une croissance qui surpasse celle de ses concurrents. À noter que malgré la crise, d’autres Maisons très connues comme Omega parviennent à obtenir des résultats satisfaisants.
Le Venezuela, premier marché pour les montres complexes
Au nord du Brésil, se trouve le Venezuela. Dirigé par Hugo Chavez, cet État se caractérise actuellement par un régime socialiste assez particulier. Ce pays n’en demeure pas moins le premier marché sud-américain pour les montres compliquées de plusieurs Maître horlogers indépendants ou de marques comme Audemars Piguet et Vacheron Constantin (C’est également le plus gros client de l’Écosse, les Vénézuéliens ayant la plus forte consommation individuelle de scotch au monde.) Comme le Venezuela fait partie de l’OPEP, son économie dépend largement du prix du pétrole (un plein pour un 4x4 au Venezuela est si bon marché que les Américains et les Européens en auraient le vertige). Cependant, le baril étant passé de 60 à 100, pour retomber à 70 dollars en un an, on imagine bien la situation actuelle du pays.
À l’ouest, le Venezuela a pour voisin la Colombie où l’effondrement des fonds Madoff et de la Stanford Bank a considérablement affecté la clientèle de la Haute Horlogerie. Ici, ce sont les marques haut de gamme qui ont le plus souffert : des sociétés qui dominaient le marché depuis de nombreuses années ont vu leurs ventes chuter de 50 %, tandis que les petites Maisons étaient frappées encore plus durement. Conséquence de cette débâcle : des grands noms comme Rolex et Cartier restructurent leur chaîne de distribution et font appel à de nouveaux agents pour redonner un coup de pouce à leurs activités. Parallèlement, les montres plus abordables comme Edox et Tissot se vendent bien.
L’Amérique du Sud, c’est aussi le Chili qui occupe un territoire très long mais étroit entre les Andes et l’océan Pacifique. Ce pays dispose d’une des économies les plus saines du monde, il reste toutefois peu sensible à la Haute Horlogerie. En effet, les Chiliens forment un peuple très travailleur qui a découvert les loisirs il y a seulement 20 ans. De plus, ils sont peu enclins à l’ostentation et préfèrent un luxe discret. La plupart des marques choisissent d’ouvrir des boutiques dans la capitale, Santiago, et plus précisément dans la rue Alonso de Córdova, au cœur du quartier chic de Las Condes.
L’Argentine, pays du polo
À l’est du Chili se trouve un autre grand pays d’Amérique du Sud : l’Argentine. Cette nation est connue pour son tango, son bœuf de qualité et ses équipes de polo exceptionnelles, élément très intéressant pour la Haute Horlogerie. À noter que lors de l’Open d’Argentine qui a lieu en novembre, seules trois marques, Jaeger-LeCoultre, Rolex et Piaget, ont pu placer des panneaux publicitaires sur le terrain de polo de Buenos Aires.
Malheureusement, Buenos Aires a été affaiblie par la mondialisation et par des décennies de mauvaise gestion gouvernementale. La ville a donc dû rendre son titre de capitale culturelle d’Amérique latine (certains estiment que c’est Miami qui la remplace). Néanmoins, Buenos Aires conserve son charme cosmopolite et reste la métropole la plus sûre du sous-continent. En ce qui concerne les ventes horlogères, bien qu’elles aient sensiblement baissé en Argentine, la chute n’est pas aussi vertigineuse que dans d’autres pays. De nouvelles boutiques voient même le jour comme celle d’Officine Panerai, en face de l’hôtel le plus chic de la ville.
En résumé, si vous voulez voir des danseurs de tango et des sosies de Fidel Castro accompagnés de femmes à la peau mate, vêtues de bikinis verts et coiffées de fichus d’où pendent des bananes et des ananas (tout ça sous les yeux d’une énorme statue de Jésus perchée sur une colline), regardez des films de série B. Par contre, si la réalité vous intéresse, sachez qu’il est possible de vendre de très belles montres en Amérique du Sud
Rafael Sabat |