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Le déstockage des détaillants s’affaiblit. Ils passent à nouveau commande. Les effets négatifs des devises semblent limités.
Il faut positiver: le pire semble désormais derrière. Depuis quelques semaines, les indices d’un redressement dans le secteur horloger se multiplient. Infimes, ténus, ils demandent certes encore confirmation, mais pour la première fois depuis neuf mois caractérisés par une litanie de mauvaises nouvelles, il est possible de nourrir quelques espoirs. «Le creux de la vague est derrière nous. Pas depuis très longtemps et la reprise demeure fragile. Mais la sortie de récession de l’Allemagne et de la France nous ravit puisque ce sont nos deux principaux marchés à l’exportation», témoigne un horloger jurassien, qui rappelle cependant que les niveaux restent très bas. Swatch Group, numéro un mondial de la branche, abonde dans ce sens. Le groupe dirigé par Nick Hayek, a ainsi déclaré en fin de semaine dernière que le chiffre d’affaires réalisé en mai et juin montrent «une tendance très positive, par rapport aux quatre premiers mois de l’année». Une observation qui s’est confirmée en juillet et qui se poursuivra dans les mois à venir, selon Swatch Group. Autre bonne nouvelle, le déstockage opéré par les détaillants s’affaiblit et ces derniers commencent à placer de nouvelles commandes. L’amélioration de ce facteur clé est réjouissante. Même si pour de nombreux détaillants, les stocks surnuméraires demeurent une préoccupation lancinante. Avec ces (nouvelles) conditions, Swatch Group anticipe un second semestre comparable à celui réalisé en 2008, voire même une progression pour certaines de ses marques.
Dans ces mêmes colonnes, Michael Tay, CEO de The Hour Glass, déclarait percevoir les signaux d’une inversion de tendance. Son groupe, présent en Asie avec 27 points de ventes, alimentés avec des montres suisses, estime que la confiance regagne les agents asiatiques. C’est d’ailleurs dans cette région du monde que les horlogers verront une hausse significative de leur sell-in durant le quatrième trimestre. «Nous estimons qu’une lente et graduelle reprise est en cours», a-t-il fait savoir. Jean-Christophe Babin, CEO de Tag Heuer, prévoit un timing différent: «Le véritable redémarrage interviendra plutôt vers Baselworld 2010», soit au printemps de l’année prochaine, en raison de stocks encore significatifs chez les détaillants. Notamment aux Etats-Unis. Ces derniers déclarent en effet ne pas vouloir modérer leurs achats pour la période de Noël à venir, préférant écouler leurs stocks de 2008. Autre signal rassurant, l’évolution des taux de changes n’apparaît plus comme un facteur d’inquiétude. Une aubaine puisque cette industrie exporte 95% de sa production. La volatilité des taux de change n’a pas eu de répercussions significatives sur le chiffre d’affaires de Swatch Group au premier semestre, avec un impact négatif de seulement 0,1% sur l’ensemble des ventes. Les effets de changes avaient grevé les revenus du groupe de 233 millions de francs en 2008. Pour les marques avec un réseau moins dense et ciblé sur quelques pays spécifiques en revanche, l’appréciation de la devise helvétique pourrait encore avoir des répercussions funestes. Certains horlogers manient toutefois l’humour noir. «Nous avons atteint le fond du gouffre. Mais pouvait-on encore descendre plus bas avec une contraction des exportations de plus de 30% sur le mois de juin?», lance le CEO d’une marque genevoise, qui a préféré garder l’anonymat.
Si certaines impulsions sont irréfutables, il n’en demeure pas moins que la situation reste critique sur certains marchés, comme le Japon, Dubaï et bien évidemment les Etats-Unis. Philippe Stern, président de Patek Philippe, s’attend à un recul de 50% des revenus dans ce pays, pour l’ensemble de l’horlogerie suisse. Il faut dire que le climat de consommation y reste sclérosé, malgré des perspectives conjoncturelles légèrement revues à la hausse. Alain Spinedi, administrateur-délégué de la marque Louis Erard, se réjouit d’ailleurs de n’être présent ni sur ce marché, ni sur le marché britannique, autre région préoccupante pour les horlogers. Les ventes de cette société horlogère active dans le moyen de gamme se maintiennent globalement. Elles progressent même sur certains marchés, comme en Russie par exemple. Pour Alain Spinedi, le facteur prix, s’avère prépondérant. Plus que jamais. «Il faut avoir le juste prix. Ce que la plupart des horlogers ont oublié ces dernières années. »
Gare toutefois à l’excès d’optimisme face à cette embellie aux pieds d’argile. Si l’horizon commence à s’éclaircir, il faudra encore attendre d’autres signaux tangibles. Attention aussi aux méfaits du décalage sur l’emploi. Les éventuels effets positifs du redressement ne se feront en effet ressentir que dans de nombreux mois, voire années, alors que la branche a déjà détruit 3300 emplois en trois trimestres. Les horlogers ne se lanceront plus tête baissée dans des recrutements tous azimuts, comme on a pu l’observer ces dernières années. La situation reste donc préoccupante du côté du marché du travail, avec une hausse attendue des licenciements ces prochaines semaines.
Bastien Buss
AGEFI |