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CINQUANTE-NEUVIÈME JOUR…
C’est sans doute par son intelligence stratégique très affûtée que le co-président d’Ebel a survécu à plusieurs transitions dans l’histoire de la marque : Marc Michel-Amadry est un de ces passionnés méthodiques qui trouvent dans les épreuves matière à concilier rigueur gestionnaire et enthousiasme créatif.
Comme numéro 2, puis comme pilote en double commande, il a su repositionner Ebel sur un terreau plus fertile, masculin dans un premier temps et prochainement féminin.
Rien n’est encore gagné, mais les lauriers de l’héritage reverdissent : la marque est bien (re)partie ! On le vérifiera dans cette nouvelle étape du Tour du monde horloger en 80 jours qui aura accompagné tout votre été 2009.
• Les commandes des détaillants ont-elles repris pour Ebel ou ont-elles changé de nature ?
•••• MARC MICHEL-AMADRY (Ebel, La Chaux-de-Fonds) : Elles ont plutôt évolué. Nos collections féminines tiennent bien le coup. Les détaillants restent encore prudents.
• De nouveaux détaillants, avec quelles motivations de leur part ?
•••• Nous avons de nouveaux détaillants dans le monde qui aimeraient travailler avec nous. Ce qu’ils recherchent avant tout, c’est de renforcer leur offre dans la gamme féminine en s’appuyant sur une marque qui a une vraie légitimité et reconnaissance en la matière. Effectivement, on a pu observer que beaucoup de magasins ces dernières années ont fortement accentué leur attention sur les montres mécaniques masculines et que ce dernier segment est celui qui souffre beaucoup aujourd’hui...
• Une baisse des prix est-elle envisagée, ou des produits anti-crise, et pourquoi ?
•••• Pas de baisses de prix, mais un repositionnement prix des nouvelles collections. L’enjeu des marques aujourd’hui est d’offrir encore plus de valeur au client final. Le design, l’image de marque et la qualité sont importants, mais le prix reste critique pour influencer une barrière psychologique. Prix qui a beaucoup évolué dans la tête des consommateurs ces derniers mois. Il ne faut pas oublier que les vrais concurrents de l’horlogerie aujourd’hui ne sont pas les autres marques, mais le fait de s’acheter une maison, les voyages, l’organisation d’un événement important dans une vie, l’éducation, se faire plaisir à table. La perception du luxe et de son prix a changé, en tous les cas temporairement.
• Innovation à tout prix ou recentrage sur les « classiques » ?
•••• Les deux sont plus que jamais liés. Avoir de vrais classiques intemporels est un atout primordial pour une marque horlogère, et non pas uniquement aujourd’hui en période difficile. Cela prévaut quelle que soit la nature de la conjoncture. Mais si on n’innove plus, alors on ne fait définitivement plus rêver et l’on ne donne plus de raison d’injecter et d’associer de la substance et de la magie contemporaine dans les classiques existants.
• Peut-on faire confiance aux détaillants actuels et pourquoi ?
•••• Si l’on ne fait pas confiance aux détaillants, qui sont en rapport direct avec la réalité du marché, alors il faut changer de métier. Les enseignements qu’ils peuvent nous donner sur ce à quoi les clients finaux aspirent sont cruciaux aujourd’hui. Les détaillants vont discipliner toutes les marques à réduire l’étendue, la profondeur et le positionnement de leurs collections.
• Le marché a-t-il encore besoin des petits indépendants conceptuels ?
•••• Ce n’est pas le marché qui en a besoin : c’est, avant tout, l’industrie horlogère elle-même, et son image de porte-drapeau du savoir-faire suisse. Les industries gagnantes resteront toujours les industries qui savent garder en leur sein des esprits pionniers, conquérants et innovants. Personnellement, je me sens toujours très fier de faire partie de ce milieu horloger qui sait aussi faire des choses fondamentalement originales et décapantes.
• Comment rassurer ses fournisseurs et avec quelle promesse ?
•••• On rassure déjà ses fournisseurs en maintenant pour soi-même une santé financière irréprochable. On doit les rassurer ensuite en prenant des initiatives produits qui sont en adéquation avec la nouvelle donne conjoncturelle. Je le vois par exemple en partageant nos initiatives produits 2010 avec eux...
• Comment séduire des nouveaux clients et par quels canaux ?
•••• La nature du message de la marque doit maintenant fondamentalement changer. Alors que, aujourd’hui, tout se sait et se compare instantanément, le mode de communication des marques va être déterminant. Et le contenu devra s’adapter à un monde qui change en profondeur. Si la valeur apportée au client suit, une marque peut vraiment faire la différence.
• La bonne recette pour tenir le coup en temps de crise ?
•••• Rester orienté sur l’essentiel, choisir ses vraies batailles, car on ne peut pas lutter sur tous les fronts, maintenir une discipline financière stricte, et surtout ne pas être fataliste, mais vouloir faire mieux encore tous les jours.
• Sortie de crise pour quand ?
•••• Il faut partir du principe déjà que la relance de l’économie prendra du temps. Cela ne m’intéresse pas de spéculer sur la sortie de la crise, car même ceux qui ont passé leur vie à étudier et observer l’économie se sont trompés et continueront de se tromper. Ce qui compte, c’est que chaque jour qui passe, on doit se battre pour faire avancer le plus intelligemment possible la grande idée d’une marque à laquelle on croit. Une humilité générale fera très certainement avancer les choses plus vite.
(*) « Le Tour du Monde Horloger en 80 Jours » (exclusivité Business Montres) : pendant tout l'été 2009, l'actualité horlogère au jour le jour, exprimée du tac au tac par quatre-vingt décideurs et influenceurs, en quatre-vingt fois dix textos d’actualité.
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