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Swatch - Arlette Emch, l'esprit du beau
 
Le 25-08-2009

A la tête des montres Swatch depuis bientôt cent jours, la redoutée patronne horlogère parle de son nouveau défi et de l’art de rester femme malgré le pouvoir.

Une coupe de framboises, de mûres et de fraises mara. Voilà le genre d’attention exquise qu’Arlette-Elsa Emch réserve à ses invités. On se pourlèche les doigts avec gourmandise (on ne devrait pas, il y a une cuiller stylée tout près), en se disant que, décidément, cette femme-là a le sens du détail bien pensé et qu’elle est rodée à tout maîtriser à la perfection. Un sens pointu du beau et du luxe, devenu une seconde nature pour celle qui a lancé et dirigé les montres Calvin Klein, ainsi que les bijoux ultraraffinés Léon Hatot, au sein du Swatch Group (19 marques, dont Omega, Tissot ou Breguet). Aujourd’hui, le patriarche de l’horlogerie suisse, Nicolas Hayek senior, lui transmet une marque mythique, qu’il a personnellement supervisée ces dernières années: Swatch, la malicieuse montre plastique à prix léger, qui a redonné foi aux tocantes made in Switzerland après la débâcle des années septante. Quand Arlette-Elsa Emch est arrivée dans l’industrie horlogère, comme responsable de presse, en 1992, que n’a-t-il pas été écrit et chuchoté sur son parcours atypique! Avec sa licence en ethnologie et histoire, ses années de journalisme, ses deux enfants à élever seule, personne n’aurait parié un remontoir sur son ascension. Pourtant, au fil des succès, elle s’est imposée comme une patronne redoutablement efficace et créative, promue au cénacle de la direction générale du groupe. Respect!



Swatch a su battre en brèche les produits à quartz japonais; c’est aussi le socle du Swatch Group. Que représente la marque pour vous?
Mythe, socle, révolution… C’est vrai. Mais pour moi, elle symbolise aussi un changement de mentalités, dans les années 1980. On passe d’une montre pour la vie à la montre d’un instant de vie. C’est la démocratisation de la mode: grâce aux accessoires, le luxe devient accessible. L’économie va bien et les gens aspirent à de la légèreté, du jeu.

Actuellement, les temps sont différents et les chiffres de l’industrie horlogère sont au plus bas.
Certes, mais Swatch va très bien. Je reprends un bébé en pleine forme. Les marques les plus touchées sont celles qui ont misé sur l’insouciance et l’exagération dans les prix. Les montres qui ont une vraie histoire vont durer. Prenez le succès des shopping malls à travers le monde: les gens les considèrent comme des lieux de vie et les fréquentent durant leurs loisirs. Ils vont continuer à consommer, mais ils voudront du vrai, du respectueux.

Votre première Swatch?
Je m’en souviens très bien. En 1983, je travaillais dans une société à Soleure et un collègue arrive un jour avec une montre… étonnante. Il était très fier de cette chose inédite et brunâtre. Je n’ai pas été convaincue d’emblée, mais il est revenu avec un autre modèle, blanc, la Tennis. J’ai couru l’acheter. Je garde une cinquantaine de montres d’époque dans un grand vase en verre, presque une œuvre d’art.

Pourquoi vous à la tête de Swatch?
Une question de confiance, je pense. Quand Nick Hayek m’a proposé le poste, il m’a dit: «Vous aimez ce qui est beau.» Le groupe attend que j’apporte une touche féminine, l’esprit du beau, le rayonnement artistique – cela relève aussi de mon parcours, de mes goûts personnels. Malgré son petit prix, Swatch est une marque de luxe grâce à tous ces artistes qui s’impliquent de manière exclusive.

Vous restez responsable de Calvin Klein, de tout le secteur bijoux du groupe, du Japon, membre de la direction… Comment faites-vous?
Je m’appuie sur des équipes magnifiques. Chez Swatch, il règne une incroyable énergie positive. Cela simplifie la tâche, même s’il y a 2500?personnes – une lourde responsabilité. Je dispose de quatre bureaux différents, dont un à Tokyo. Quoi qu’il en soit, tous les membres de la direction sont multitâches.

Sans cesse en avion, donc?
C’est très important de voyager, notamment pour capter les tendances! On les sent vraiment arriver. L’an dernier, j’ai compté que j’avais atterri 130?fois… Je transporte toujours une bougie parfumée et des plaids, pour me sentir un peu chez moi.

Pourquoi y a-t-il toujours aussi peu de femmes à la tête des entreprises horlogères?
A ma première réunion de cadres, en 1992, il devait y avoir 90% d’hommes. Aujourd’hui, la proportion est plus équilibrée, mais il est vrai que si les femmes ont conquis les postes de cadres, elles peinent toujours à arriver au sommet. L’explication la plus évidente est que les les postes de très haut niveau présupposent une incroyable disponibilité vers la quarantaine, soit juste le moment où la plupart des femmes ont des enfants en bas âge. Or, je n’ai encore jamais vu une femme qui ne culpabilise pas dans ce déchirement. Et vraiment, en Suisse, rien n’est mis en place pour leur faciliter la vie!

Rétrospectivement, cela a été un atout d’avoir vos enfants vers 20 ans…
Effectivement! J’ai beaucoup été à la maison durant mes études tardives et mon premier travail. J’ai accompagné mes enfants jusqu’à la fin de la phase culpabilité… Et quand je suis arrivée à ce moment-clé, où tout converge dans votre vie professionnelle, où l’on a acquis expérience et maturité, mes enfants étaient jeunes adultes. Les bases de notre relation, nos rituels communs étaient déjà solidement établis.

Outre la compétence, quels sont les ingrédients de la réussite professionnelle?
D’abord la résistance et la santé. C’est la donne de base. Mais si je devais donner un conseil à des jeunes femmes, je dirais que s’imaginer faire une carrière est une idiotie. La seule question c’est: qu’est-ce que j’aime? A partir de là, sur son chemin, il faut savoir reconnaître une opportunité quand elle se présente. Et ne pas avoir peur de dire «oui».

Et vous, où puisez-vous votre force? Vous êtes crainte, jalousée, ce n’est pas toujours facile...
Je ne me rends pas vraiment compte. Vous savez, ma famille est très importante. J’ai deux petits-enfants de 2 et 4?ans, absolument craquants, et je me réjouis de les emmener en voyage, dans les galeries d’art. Et j’ai mes amis – certains ont traversé la vie avec moi. J’ai la chance d’avoir pu garder ce tissu émotionnel solide, qui me protège.

L’âge: est-ce quelque chose qui vous fait peur, à vous qui êtes resplendissante?
C’est presque banal aujourd’hui… et j’ai la chance d’avoir hérité d’un capital génétique fabuleux. Depuis juin, je suis très culpabilisée par l’équipe Swatch: ils jogguent le matin, ils sont minces, ils mangent sain… et ils m’ont déjà offert une paire de baskets, il va falloir que je m’y remette! Sérieusement, je nage tous les jours et surveille un brin ce que je mange, mais sans restriction drastique. Eh oui, je me soigne! Je pense que la technologie moderne et la médecine de prévention offrent des solutions intéressantes.

Et au-delà du paraître?
Quand on garde dans sa tête, dans son cœur, dans ses yeux la capacité d’émerveillement, on fonctionne bien jusqu’à n’importe quel âge.
Renata Libal

Femina

 



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