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Les lecteurs de Business Montres sont déjà familiers du style « steampunk », mariage rétro-futuriste d’éléments techniques désuets et de composants contemporains.
La première exposition mondiale réunit 17 artistes de 7 pays au Musée d’histoire des sciences de l’Université d’Oxford.
Dont l'horloger de Sainte-Croix Vianney Halter…
••• VIANNEY HALTER, HORLOGER STEAMPUNK ?
Il fallait bien offrir le plus ancien musée du monde occidental à cette première exposition mondiale du steampunk ! On a également parlé, à propos de ce courant esthétique, d’« anachronotechnofétichisme » (Business Montres du 19 septembre 2008), mais la notion la plus précise reste celle de rétro-futurisme ou d'archéo-futurisme, qui condense dans un bel oxymore deux courants opposés en apparence : le goût lancinant du vintage (un œil dans le rétroviseur) et le vertige néo-technologique (un œil dans les étoiles).
La première exposition mondiale sera donc organisée, dès le 13 octobre prochain, au Musée d’histoire des sciences de l’Université d’Oxford (Royaume-Uni). Les couleurs de l’horlogerie suisse seront défendues par Vianney Halter, lui aussi bien connu de ceux qui suivent leBusiness Montres (Tour du Monde en 80 jours, 26 août).
Si Vianney Halter est le seul artiste purement horloger (du moins pour le domaine européen, car il cohabitera avec Haruo Suekichi, un Japonais amateur d'objets du temps totalement décalés), on remarquera que les carapaces du temps et les codes horlogers (le cadran, les aiguilles, le boîtier) sont des marqueurs identitaires très forts du style steampunk.
• A chacun de se faire une idée : le programme et les sites des différents exposants sur le blog dédié à l’exposition, Steampunk Art Oxford
••• FAUT-IL PRENDRE LE STEAMPUNK AU SÉRIEUX ? Non, parce qu’il démodera comme tous les courants artistiques « à la mode » : toute tendance se trouve dépassée par la vague suivante.
On peut cependant trouver dans le steampunk des éléments de réflexion stimulants pour la création horlogère…
• Les montres contemporaines sont par nature rétro-futuristes : comme M. Jourdain et sa prose, l’horlogerie fait du steampunk sans le savoir, puisqu’elle juxtapose des techniques quasi-médiévales à des matériaux qui relèvent presque de la science-fiction. On ne compte pas loin de neuf ou dix siècles entre le tic-tac d’une roue d’ancre et le battement d’un spiral en silicium.
• Même sur le plan esthétique, on pourrait estimer que l’association de chiffres romains à des aiguilles en titane bleuies manuellement à la flamme relève de la quintessence steampunk.
• Avec différentes expressions stylistiques, ce courant steampunk sans le savoir [encore que Business Montres ait assez longuement et régulièrement rappelé l’importance sociétale du concept] peut recouvrir des propositions comme celle de Romain Jerome (rouille, charbon, poussière lunaire, titane et diamants des Titanic) ou de MB&F (HM1, 2 et 3, ou Only Watch par Sage Vaughn), sans parler, évidemment des créations de Vianney Halter (Antiqua, Opus 3).
• A sa manière, la Cabestan relève de la même veine steampunk avec ses rouages verticaux, sa chaîne-fusée et son winch de remontage, tout comme la Tradition de Breguet avec sa fusion de composants archaïques à la sauce high-tech. L’inspiration des Zenith Defy Xtreme les plus débridées flirtait avec le steampunk, qui a également contaminé la WX-1 de Jérôme DeWitt, sans épargner le Chronofighter de Graham ou les HL d’Hautlence et la vision d’un Jorg Hysek (liste non exhaustive).
• Même dans les temples de la tradition, on peut remarquer des détails insolites mais esthétiquement révélateurs, comme la singulière couronne « captive » de la Ballon bleu (Cartier) ou le retour de Breguet, voire A. Lange & Söhne, à la technique rétro de la fusée-chaîne !
On n’oublie jamais un courant esthétique révélateur : on le digère et on se nourrit des sédiments qu’il engendre. Bon nombre des montres citées ci-dessus auront changé le regard que nous portons sur l’horlogerie, un univers où les lois de l’hérédité génétique ne sont pas mendéliennes.
L’Antiqua de Vianney Halter a manifestement impressionné la rétine de Maximilian Büsser, dont les « machines » ont mobilisé l’attention de jeunes créateurs dont les projets arriveront à maturité à partir de 2010.
Transmission, mutation, transmutation. C’est le cycle permanent de la vie horlogère : profitons donc de l’apparition de ce style steampunk pour recadrer, approfondir et affermir notre propre vision de l’horlogerie...
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