|
SOIXANTE-NEUVIÈME JOUR…
Que serait les montres sans les images qui les montrent ? Sans bonne photographie, pas d’horlogerie !
Le Tour du monde horloger en 80 jours organisé tout au long de l’été 2009 se devait de rendre hommage aux photographes horlogers, véritables créateurs de rêve et de passion.
Guy Lucas de Peslouan est un des grands « seigneurs de l’image » : il a créé des livres pour Richard Mille, pour Boucheron, pour Hermès et pour Van Cleef & Arpels, dont il vient de signer Le Temps poétique, consacré aux objets du temps réalisés par la marque (Business Montres en rendra compte dans deux semaines).
• En pleine crise, les marques ont-elles encore envie ou besoin de grands livres d'image ?
••••GUY LUCAS DE LESLOUAN (Studio LP, Paris) : Plus que jamais. En marge de communiquer sur leurs produits, les marques ont besoin de communiquer sur leur savoir-faire. Le savoir-faire, voilà la vrai richesse des marques : c'est ce qui les poussent vers le haut, vers l'excellence, la créativité et l'art. Quelle merveille de voir un horloger travailler sur un mouvement, un laqueur ou un sculpteur sur un décor... Que de patience, de minutie, de tension, de magie et de poésie. Je pense qu'un grand livre sert cela et qu'il doit permettre au lecteur de pénétrer un monde parfois méconnu: le monde de l'art, (horloger, en l'occurrence). Enfin, c'est une trace qui perdure dans le temps.
• A qui font plaisir ces grands livres (l'éditeur, l'auteur, la marque, le manager, le détaillant) ?
•••• Je serais tenté de répondre que ça profite aux... artisans qui sont à l'origine de ces créations. Ils sont très critiques, justes et ils ont l’« œil » ! Le lecteur, collectionneur, amateur éclairé ou néophyte, se régale en général. Les raisons sont multiples et pourtant appartiennent à chacun. La marque et son manager aiment ça parce que l'on parle d'eux, de leurs souhaits, de leurs sentiments, de leur esprit. Et puis, c'est comme un bébé : on adore en avoir, mais on en fait pas tout le temps. Le détaillant est ravi, car c'est aussi un excellent support de communication. L'éditeur et l'auteur ne sont pas en reste, bien au contraire... Mon partenariat avec les Editions du Cercle d'art et ce travail d'équipe avec les marques font que, quand le livre est beau et bien conçu, la magie opère. C'est aussi l'occasion de rencontrer des personnes fantastiques, qui ont des métiers extraordinaires. C'est très enrichissant...
• Quelles ont été les principales évolutions de la photo horlogère au cours de ces dix dernières années ?
•••• L'avènement de l'appareil photo numérique et le boom horloger ont changé la donne et bousculé les choses. Bien que le classicisme ait la peau dure (aiguille à 10 h 10, par exemple), l'image s'est affinée, s’est embellie et a gagné ses lettres de noblesse. La photographie de montre s'est ouverte sur le monde et celui-ci le lui rend bien. Surtout, certains photographes abordent la photographie de montre avec un vrai regard neuf et n'hésitent pas à proposer une nouvelle vision de l'univers horloger, tout comme certains horlogers, d'ailleurs...
• Quelles sont les spécificité de la photographie horlogère (difficultés, nécessités, plaisirs, etc.) ?
•••• I L'ennemi n° 1 de la photo horlogère, c'est la poussière. C'est l'enfer ! Les principales difficultés sont les différences de matières, parfois les formes et surtout la petitesse des éléments (notamment les pièces de mouvement). Les qualités requises : la patience, la minutie, l'envie – voire la passion – et la créativité. Le plaisir, c'est la récompense. La récompense, c'est l'émotion, la surprise, l'étonnement et le sourire que l'on peut lire sur le visage de l'horloger à qui on remet la photo. C'est aussi d' avoir la chance d'être confronté à des pièces d'art, parfois uniques.
• A quoi reconnaît-on une bonne photo de montre (qualités repérables) ?
•••• Une photo de montre est avant tout une photo. Elle doit vivre, même s'il y a quelques défauts, vous parler, vous faire rêver. La lumière est belle. Le rendu des matières vous donne envie de toucher. C'est une 2D et, pourtant, vous l'avez déjà au poignet. Je parlais de défaut. Toute création artisanale, quelques soit le degré d'exigence, comprend des défauts. C'est aussi ce qui en fait une oeuvre d'art unique. Je respecte ça, même si ce n'est pas toujours « marketing » !
• A quoi sert la photo à l'âge des image numériques et des vidéos 3D ?
•••• La photo c'est la vie. La perfection et l'imperfection sont en osmose. Les images numériques et la 3D, malgré des progrès constants, ne permettent pas encore le rendu si particulier de la photographie. J'ai quand même vu des choses étonnantes... Un jour peut-être, ces mondes fusionneront. Le photographe saura-t-il s'adapter ou sera-t-il absorbé ? Reste qu'avoir un regard photographique n'est pas inné et que savoir regarder une image s'apprend. Ce qui n'est malheureusement pas vraiment dans l'air du temps.
• A quoi servent des belles images si on les regarde sur des mauvais écrans (netbooks, smartphones, etc.) ?
•••• C'est ce que j'appellerais du marketing, à savoir comment vous faire consommer de tout et toujours plus. « Are You Connected ? »...
• Comment peut et doit évoluer la communication horlogère (print, net, réseaux sociaux, etc.) ?
•••• Le savoir-faire. Eh oui, encore ! Les horlogers doivent communiquer sur leurs créateurs, leur créativité et leurs créations. C'est aujourd'hui ce qui fera la différence de demain. La crise aidant, seuls les plus sérieux verront le soleil se lever durablement. Savoir utiliser les outils d'aujourd'hui me paraît essentiel. Site Web bien conçu, réseaux d'informations sérieux... Il reste beaucoup de progrès à faire, mais les choses s'améliorent. Et puis, faites des livres !
• La bonne recette du photographe horloger en temps de crise ?
•••• Ne pas perdre la foi et préparer l'avenir.
• Le rêve secret du photographe horloger pour ces prochaines années ?
•••• Un livre, une expo.. Puis un livre sur les horlogers indépendants, maîtres d'arts et passionnés...
Une remarque au passage : alors que les photographes font tant pour la communication des montres, il est étonnant qu’il n’existe pas de récompense de type Grand Prix pour ces artisans de l’image. Ce sont pourtant des « inventeurs », au même titre que les autres acteurs de la grande chaîne de créativité horlogère !
(*) « Le Tour du Monde Horloger en 80 Jours » (exclusivité Business Montres) : pendant tout l'été 2009, l'actualité horlogère au jour le jour, exprimée du tac au tac par quatre-vingt décideurs et influenceurs, en quatre-vingt fois dix textos d’actualité.
|