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ETA (Swatch Group) une nouvelle fois dans le collimateur de la Comco
 
Le 16-09-2009
de Business Montres & Joaillerie

On sait (on dit) que les autruches ne veulent pas voir.

On dira un jour que les horlogers ne veulent pas savoir. ils découvrent aujourd'hui que le quasi-monopole d’ETA pourrait profiter au Swatch Group, propriétaire de cette manufacture.

Fantastique ! Personne n’y aurait songé ! En période de crise, certains trouvent urgent de réouvrir le dossier...

••• LES FAITS BRUTS
LA Comco (commission de la concurrence suisse) ouvre une enquête contre ETA (Swatch Group) poour savoir cette fabrique a faussé le marché des mouvements mécaniques et contrevenu à la loi suisse sur les cartels.

Cette enquête est ouverte après plusieurs plaintes contre ETA pour abus de position dominante, notamment à la suite de forte augmentation de prix et de modifications des conditions de paiement (qui aggravent un peu plus cette hausse des prix des mouvements. Cette affaire n’a rien à voir avec la plainte précédente (2004) concernant les livraisons d’ébauche.

Enjeu réel : « L’enquête doit (...) vérifier si les marques de montres appartenant au groupe sont privilégiées par rapport aux clients tiers ».

••• RÉFLEXIONS INTEMPESTIVES
N’étant ni juriste spécialisé dans le droit de la concurrence, ni expert économique capable de déterminer s’il y a eu ou non « abus de position dominante », je peux m’en ternir à quelques constatations de bon sens.

• Est-ce qu’il s’agit vraiment de pénurie de mouvements ? Chacun sait que les délais de livraisons d’ETA ont été divisés par trois ou quatre depuis l’éclatement de la bulle horlogère. L’offre de mouvements est abondante et peu coûteuse, sur le marché officiel comme sur le marché gris. Seules les manufactures de mouvements (celles qui transforment les bases ETA en calibres à forte valeur ajoutée) sont vaguement menacées, mais ont-ils réellement tenté une stratégie d’indépendance ?

• Est-il nécessaire de rappeler que le « monopole » d’ETA est aujourd’hui celui de centraliser les annulations de commandes passées par les marques qui, début 2008, ne cessaient de proclamer haut et fort leur « droit » à être livrées en temps et heure dans les quantités exigées ? S'agit-il d'un vrai « monopole » quand on peut se passer aussi facilement de son fournisseur ?

• Est-il réellement choquant de voir le Swatch Group – qui n’a pas choisi ce quasi-monopole sur les mouvements, hérité d’une histoire compliquée – favoriser ses propres marques en leur livrant en priorité des mouvements dans lesquels les marques tierces (concurrentes) refusent d’investir ?
Honnêtement, non : toutes les marques qui ont des mouvements propriétaires ne sont pas tenues de les livrer aux tiers. Demandons donc à Rolex de livrer des calibres ou à Patek Philippe de livrer des complications à des concurrents...
Prendre ETA pour un libre-service universel et bon marché, et l’accuser de ne pas l’être assez, c’est tout simplement prouver une vision horlogère à courte vue et à court terme : tôt ou tard, la soumission volontaire à un monopole se paye ! Certes, il est plus facile et plus juteux d’investir dans la publicité plutôt que dans la fabrication de mouvements, mais cette dépendance d’un quasi-monopole est à intégrer préalablement, et comme un risque, dans le modèle économique. Certaines marques-fourmis – par exemple, Chopard – investissent depuis presque quinze ans dans un appareil de production digne de ce nom : les marques-cigales en sont à danser à la porte des usines ETA. Relire La Fontaine pour la morale...

• Ne devrait-on pas globaliser le problème en étudiant d’autres formes de monopoles larvés ou d’oligopoles sournois ? Est-il normal que les grands groupes fassent du chantage aux petits détaillants pour qu’ils déréférencent les horlogers indépendants ?

• N’est-il pas inquiétant de voir les groupes user de leur puissance pour imposer au réseau l’ensemble de leurs marques, y compris les canards boiteux, sous peine de perdre l'ensemble des marques ?
• N'est-il pas anti-économique et abusif de la part de ces groupes de truster les emplacements commerciaux dans les rues chics des grandes capitales, en surenchérissant au prix de lourdes pertes sur leurs concurrents indépendants, avant de se revendre entre amis, voire entre partenaires, les emplacements ?

• Est-il moral de voir ces mêmes grands groupes – et parfois même des grandes maisons indépendantes – faire du chantage qui s’apparente à de la « vente forcée » à leurs détaillants, obligés de commander 80 % de nanards invendables pour avoir le privilège d’une livraison des 20 % vendables de la collection ?

On pourrait continuer longtemps sur ce verrouillage de la distribution internationale par l’oligopole des grands groupes, sans oublier le verrouillage des espaces rédactionnels par les grands annonceurs – qui sont aussi, comme par hasard, les mêmes grands groupes – qui orientent au seul profit des pages éditoriales elles-mêmes en voie de raréfaction...

Bref, la Comco devrait sans doute lancer une enquête internationale sur les conditions générales d’accès au marché, même si son droit de saisine est ici plus que limitée. Douce utopie ? Sans doute, mais c’est toujours bon à rappeler. D’autant qu’il existe, dans certains pays, des arsenaux législatifs autrement plus contraignants que la réglementation suisse : aux Etats-Unis, il y aurait longtemps que certaines pratiques auraient été dénoncées et lourdement sanctionnées.

••• CRISE DE COMCONFIANCE
Il est clair que les petits créateurs indépendants, les marques hors groupe et les détaillants de base, tout comme les fournisseurs de l’industrie, n’ont pas les moyens d’entrer en guerre contre tel ou tel groupe. Ils considèrent que ces dominations multi-polaires sont une donnée du marché et ils gèrent cette contrainte au mieux, en ayant des idées plutôt que des cabinets d’avocats.

C’est ce qui fonde la légitimité créative de cette horlogerie alternative, que les querelles entre petits et grands féodaux du mouvement laissent assez indifférente.

Leur seule arme, c’est l’innovation – domaine dans lequel aucun abus de position dominante n’a jamais été reproché à personne.

 



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