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Richemont/Baume&Mercier : Michel Nieto jette l’éponge et quitte la direction générale
 
Le 21-09-2009
de Business Montres & Joaillerie

(Exclusivité Business Montres)

Conséquence pas vraiment inattendue de la réorganisation des « marques faibles » du groupe Richemont, Michel Nieto quitte Baume & Mercier, après sept ans de direction générale d’une marque qui est restée mal-aimée au sein de son groupe…

••• UN DE PLUS…
Le départ d’un bon manager ne fait jamais plaisir, surtout quand il a tout essayé (ou presque) pour réveiller une marque qui cherche encore son identité après 170 ans de tribulations.

Ingénieur de formation, Michel Nieto, 45 ans, a une carrière horlogère qui l’a fait passer – le cas est rare – par les trois principaux grands groupes de luxe horlogers : il a commencé par le Swatch Group en sortant de l’université, puis il est passé par LVMH (direction marketing d’Ebel) après un détour par le groupe Vendôme, qui n’était pas encore Richemont, groupe qu’il intégrera en 2002 comme directeur marketing de Baume & Mercier, dont il prendra la direction générale quelques mois plus tard.


••• UNE ÉTRANGE DÉRIVE VERS LE LUXE...
On ne peut pas dire que cette direction générale était un cadeau ! Fondée en 1830, la maison Baume & Mercier a connu plus de hauts que de bas jusqu’à la grande crise du quartz, dont elle se remettra tant bien que mal avant d’intégrer ce qui deviendra le groupe Richemont en 1993. Depuis cette date et jusqu’à l’arrivée de Michel Nieto aux commandes, la marque s’est cherchée un style, un positionnement et une image sans jamais vraiment convaincre.

Aspirée vers le haut de gamme par le tropisme luxe de la galaxie Richemont, la marque Baume & Mercier n’a jamais cessé d’être le « petit Chose » de marques plus clairement ancrées – par l’histoire ou par dérive naturelle – dans l’univers des montres de prestige. La « culture Richemont » a ainsi posé Baume & Mercier au cœur d’un SIHH, sans que la légitimité de la « haute horlogerie » pour cette marque soit évidente. Voir Baume & Mercier intégrer – toujours la pression Richemont – la Fondation de la haute horlogerie relevait du vœu pieux et de la projection à long terme plutôt que d’une perception réaliste de la marque. Etait-ce vraiment à Baume & Mercier de se lancer à son tour dans la course au tourbillon, même si cette proposition est restée anecdotique ?


••• DANS LE WAGON DE QUEUE DU CONVOI RICHEMONT...
Michel Nieto a successivement tenté plusieurs repositionnements, en rationalisant ce qui pouvait l’être, en restructurant son réseau de distribution (récemment, il avait sérieusement performé sur le marché chinois) et en lançant plusieurs campagnes de communication plutôt très intelligentes (partenariat avec des personnalités associées à des œuvres caritatives). Bref, il n’a pas démérité, en dépit d’une stratégie de groupe plutôt erratique à son égard : dans le wagon de queue du train Richemont, il a suivi le convoi avec beaucoup d’efficacité dans le management quotidien, mais sans visibilité tactique tellement l’état-major du groupe considérait Baume & Mercier comme un sorte de « boulet » – la marque était clairement à vendre et le dossier n’a cessé de circuler dans les banques !

On pourrait ajouter que le style personnel de Michel Nieto – montagnard dans l’âme, sportif au quotidien et plus acharné au travail que sur les tréteaux médiatiques – tranchait par sa simplicité et sa rigueur éthique sur la flamboyance des grands hâbleurs qui l’entouraient à la direction du groupe. Il n’a pas voulu jouer le jeu des intrigues politiques, alors même que son bureau – à quelques mètres du GQG du groupe et de l’actionnaire – était le plus stratégique pour faire sa cour aux puissances du moment. On lui a certainement fait payer ce refus de « grenouiller » et d’intégrer un des réseaux d’influence au sein du groupe…

Passé sous la coupe de Georges Kern (IWC) à la faveur de la bipolarisation initiée par l’actionnaire autour de Jaeger-LeCoultre et d’IWC, Michel Nieto a préféré jeter l’éponge, Georges Kern ayant décidé d’imposer son style et son autorité à une marque qui est aujourd’hui un facteur de risques pour tout manager un peu ambitieux. Dans ce schéma et sous cette férule, Michel Nieto n’avait plus qu’à faire ses adieux au personnel d’une entreprise qu’il quitte assez brutalement, après lui avoir donné beaucoup.


••• ET MAINTENANT...
Ce départ – inopiné, quoique prévisible – ne va sans doute pas apaiser les émotions et les tensions au sein d’une marque qui, doutant déjà d’elle-même, n’est pas encore rassurée sur un destin désormais accolé à celui d’IWC.

Georges Kern a désormais les coudées franches pour imposer un de ses hommes de confiance à la tête de Baume & Mercier, marque qui lui offre une belle opportunité stratégique : il peut habilement la repositionner pour lui servir de bouclier contre les concurrents tentés d’attaquer IWC par le bas. Ainsi protégée sur ses arrières et sur son entrée de gamme, la manufacture de Schaffhouse pourrait se redéployer vers une montée en gamme. Mais c’est une autre histoire…

En attendant, salut amical à Michel Nieto, manager loyal et fidèle, dont les talents manqueraient à l’industrie horlogère s’il venait à s’en éloigner, alors qu’il est passionné de montres – il avoue souvent avoir aidé à la naissance de près 2 500 modèles…


••• MAINTENANT, LE PETIT COMMENTAIRE SANS LEQUEL BUSINESS MONTRES ne serait pas Business Montres : ce départ est brutal, un nouveau CEO devant se présenter dès ce lundi. Ce départ n’était pas planifié et il n’est pas forcément consensuel.

Le personnel reste sous le choc, à la fois surpris que la politique de Michel Nieto soit ainsi sanctionnée par ceux-là même qui l’approuvaient jusqu’ici, et vaguement soulagés parce que les mesures de chômage partiel annoncées pour ce mois-ci sont pour l’instant annulées. C’est toujours un peu de répit de gagné.

En revanche, les équipes marketing, design et produits s’attendent à de nouveaux remaniements (comprenez de vraies suppressions de postes), ainsi que les équipes de direction du groupe (notamment le commercial), dans la mesure où Georges Kern semble décidé à changer assez radicalement les options et les orientations de Baume & Mercier.

Le trouble est réel, mais l’autorité de Georges Kern – qui sait foncer quand il faut – devrait enrayer le début de panique qui règne dans les couloirs de Bellevue à l’annonce de tous ces changements. La soudaineté du départ de Michel Nieto prouve à quel point il est décidé à imposer sa vision de la marque, et elle seule, sous son entière responsabilité.


••• Même s'ils auraient souhaité un fin de mission plus détendue pour Michel Nieto, les passionnés de montres ne pourront que se réjouir de voir Baume & Mercier prendre un nouveau départ et renouer avec sa gloire passée : attendons d’en savoir plus sur la stratégie arrêtée par le future nouvelle équipe « kernienne »…

 



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