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Semaine forte avec la publication des statistiques aoûtiennes de l’industrie des montres et la vente Only Watch,qui promettait une photographie précise de l’état du marché.
Baisse des deux côtés : pente fatale depuis un an pour les exportations horlogères; chute bien contenue pour Only Watch, avec une prime évidente pour les nouveaux concepts.
... Cette semaine, le sniper a...
••• ANALYSÉ...
les résultats des uns et des autres à la vente Only Watch (Business Montres du 24 septembre). Quelques enseignements à tirer :
• 2,26 millions d’euros en pleine année de crise, soit « seulement » 20 % de moins qu’en 2007 : c’est assez inespéré. Merci pour les enfants myopathes qui profiteront de cette générosité des horlogers et des collectionneurs. Merci aussi à Osvaldo Patrizzi, qui a « sauvé » les meubles dans une période très difficile– peut-être aussi grâce à son concept zéro commission.
• Les vraies pièces uniques de la nouvelle génération ont bien tiré leur épingle du jeu : qu’on songe ici à la Clef du Temps de la Confrérie Horlogère, partie à 280 000 euros (deuxième score de la vente, alors que c’était la première vente publique et quasiment la première apparition en public de la marque), mais aussi à la Cabestan Sébastien Loeb (troisième score à 220 000 euros), à la De Bethune Convertible (quatrième score à 90 000 euros), la HM2 Sage Vaughn présentée par Max Busser (58 000 euros) ou la deLaCour Bichrono Asphalt Graphite (16 000 euros).
• On pourrait classer dans cette nouvelle génération – celle qui propose un regard neuf sur la création des montres – des propositions fortes et originales de marques plus établies, comme la Grande Seconde rouge de Jaquet Droz (15 000 euros), la Dandy Arty de Chaumet (30 000 euros), la Corum Ti-Bridge (14 000 euros) ou la Bell & Ross Airborne One à tête de mort sertie (34 000 euros). Voire la Freak d’Ulysse Nardin (87 000 euros), la King Power Foudroyante de Hublot (31 000 euros) ou la Midnight in Monaco de Van Cleef & Arpels (50 000 euros).
• A elle seules, les montres de cette nouvelle génération (au sens large) et les concepts radicaux ont réalisé une grosse moitié du montant total de la vente : cette prime à l’extrême créativité devrait faire réfléchir dans les états-majors.
• Imaginons ce que cela aurait pu donner si Richard Mille ou Jérôme De Witt avaient été présents avec des pièces aussi fortes qu’en 2007...
• Quelques déceptions cependant, à propos de cette nouvelle génération, comme la Chanel J12 Joaillerie (18 000 euros, mais les montres de dames sont toujours maltraitées à Only Watch) ou la Monaco V4 de TAG Heuer (55 000 euros). Même déconvenue pour l’Emperador de Piaget (23 000 euros), la Louis Vuitton Unique (45 000 euros : pour le coup, une aubaine), la Franck Muller Munegu (23 000 euros) ou l’Equation du temps d’Audemars Piguet (70 000 euros).
• Quelques marques s’en tirent avec les honneurs de la guerre, comme Omega (50 000 euros pour la Ploprof pièce unique), Vacheron Constantin (50 000 euros pour la Quai de l’Île) ou Girard-Perregaux (22 000 euros pour la ww.tc céramique, un score qui efface l’humiliation d’Only Watch 2007). Pour Cartier, c’était quand même ric-rac pour la Santos Triple 100 à 70 000 euros. Idem pour Bovet (90 000 euros), Hermès (17 000 euros) ou même Breguet (80 000 euros).
• Comme prévu, la Patek Philippe Celestial a explosé son estimation : on peut même penser que c’était plutôt une bonne affaire à 535 000 euros ! Même si on ne peut s’empêcher de penser que cette pièce aurait frôlé le million avant la crise...
• Moralité : cette vente donne une vraie tendance pour le marché des montres d’exception, très résilient face à la crise. Les marques qui ont joué le jeu de la pièce unique, de l’innovation et du prototype ne peuvent que s’en féliciter. Les autres, qui ont prudemment misé sur la simple déclinaison, s’en repentent déjà. C’était une année difficile et un cru pour amateurs exigeants : ces derniers ont su admirablement vendanger le meilleur !
••• ANTICIPÉ...
un virage stratégique décisif dans la querelle Sarton-Perrelet autour de l’invention du mouvement automatique. On se souvient que Joseph Flores avait établi, études critiques à la clé, que Abraham Louis Perrelet n’était pas forcément le premier inventeur d’une montre à rotor et que l’horloger liégois Hubert Sarton était à ce jour le seul « inventeur » historiquement attesté et documenté. Joseph Flores avait également expertisé diverses montres des musées européens pour les réattribuer à d’autres que Perrelet et pour les estimer homologues à celles de Sarton. Ceci avec des arguments assez convaincants pour ébranler les certitudes des experts honnêtes (par exemple, Arnaud Tellier, le conservateur du musée Patek Philippe).
Cette fois, Joseph Flores a déniché le document-preuve qui manquait à ses assertions : un croquis technique déposé par Hubert Sarton à l’Académie des sciences, le 16 décembre 1778. Ce croquis confirmerait – conditionnel de prudence – que les montres à rotor décrites par Joseph Flores sont bien du même type que celle dont Sarton a fait la description officiellement enregistrée à l’époque ! A suivre...
••• NATIONALISME DÉPLACÉ : de son côté, la marque Perrelet – mal conseillée dans un premier temps et historiquement désinformée par le consensus ambiant – a revu ses affirmations à la baisse et admet volontiers, désormais, que Perrelet n’est sans doute qu’ « un des inventeurs » de la montre automatique – et non plus son unique inventeur. Ce qui change tout.
Aux historiens, maintenant, de cesser de s’accrocher à une légende, de purger cette querelle et d’admettre qu’un horloger belge du XVIIIe siècle a pu inventer ce qui fera la gloire de l’horlogerie suisse (notamment de Rolex) au XXe siècle ! A l’exposition sur les complications historiques présentées lors de la Journée de la Société suisse de chronométrie, il était navrant de voir une historienne comme Estelle Fallet persister à soutenir mordicus – en dépit de toute vraisemblance documentaire – la thèse de la « pensée unique » à propos d’un Abraham Louis Perrelet qui n’en demandait pas tant !
••• ESSAYÉ...
à la boutique Swatch de Genève la nouvelle collection des chronos automatiques réalisés avec le calibre mécanique low cost ETA C01.211, dernier-né des avancées industrielles et logistiques du Swatch Group (image ci-dessus). Cinq modèles au choix : belles pièces qui font de l’effet au poignet, avec un fond transparent pour profiter du mouvement, et un prix qui n’est quand même pas donné (autour de 380 euros), même pour de la chronographie Swiss Made ! Arrivée à la mi-octobre dans les 750 boutiques Swatch et de 13 000 points de vente de la marque dans le monde...
••• AJOUTÉ...
une nouvelle marque dans la (longue) liste des horlogers de la Formule 1 : cette fois, c’est Horus, la référence monégasque pour la haute horlogerie, qui a choisi Giancarlo Fisichella (Ferrari, en remplacement de Felipe Massa) comme ambassadeur et partenaire...
••• TIENS, AU FAIT, LA RENÉGOCIATION DU CONTRAT HORLOGER DE FERRARI, c’est pour le mois prochain ! Panerai n’étant plus dans la course, il est question de signer avec différentes marques, pour proposer des montres Ferrari à différents niveaux de prix, de l’entrée de gamme à la très haute horlogerie. Parmi les favoris, on annonce le retour d’une marque suisse historiquement liée au cheval cabré, mais un peu à l’écart des paddocks de la F1 ces dernières années...
••• CORRIGÉ...
à propos de Formule 1, une inexactitude de Business Montres (18 septembre) : Flavio Briatore – le tricheur de l’écurie Renault – n’est pas actionnaire, même symbolique, de la maison de Grisogono, à laquelle il avait été associé pour développer une montre Power Breaker...
••• REMARQUÉ...
la fermeture d’un blog horloger exclusivement consacré au dénigrement anonyme de la manufacture BNB et de Mathias Buttet : apparemment, la justice – française, puisque le serveur était français – a été saisie et une partie des imprécateurs repérés, puis circonvenus et neutralisés (fortes amendes à la clé). Une enquête est toujours en cours côté suisse, avec une orientation des recherches vers un groupe d’anciens employés de BNB, relayés par un ou deux journalistes complaisants – mais tout aussi courageusement anonymes...
••• TROUVÉ...
un concept horloger pas très chic, mais certainement plein d’avenir : les montres Keruve ciblent les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. C’est une première mondiale. La montre embarque un système de géo-localisation pour les malades « désorientés », avec une alarme pour prévenir la famille si la personne qui porte la montre sort d’un périmètre de sécurité pré-défini. Les pièces ressemblent à des vrais montres et non à des gadgets électroniques...
••• VÉRIFIÉ...
que les grandes manœuvres dans la distribution parisienne avaient commencé pour Rolex. La marque genevoise « épure » sa distribution en faisant quelques exemples chez les parallélistes pris la main dans le sac (ils ne manquent pas dans la capitale !). Deux grands points de vente viennent ainsi de perdre de perdre l’enseigne Rolex. D’autres l’ont abandonnée pour se repositionner sur l’entrée de gamme (magasins Maty, ex-Comptoirs de Paris). D’autre part, l’ouverture de la boutique Rolex au rez-de-chaussée des Galeries Lafayette Haussmann, prévue pour novembre, a réveillé la concurrence, puisque le Printemps, éternel concurrent des Galeries Lafayette, ouvrira en avril son propre espace Rolex au premier niveau du magasin Haussmann (étage « luxe »)...
••• CONSTATÉ...
que ces grandes manœuvres débordaient largement de Paris, avec l’ouverture d’un point de vente Arije à Cannes, sur la Croisette, et à Londres. La capitale anglaise devient d’ailleurs le dernier endroit où l’on cause pour les grands de la distribution française, puisque Kronometry1999 (Walter Ronchetti) devrait y ouvrir un grand flagship vers Noël (première ouverture internationale pour le réseau Kronometry) : 200 mètres carrés dans le quartier ultra-chic de Bond Street et décoration design pour ce qui s’annonce comme un lieu de référence pour les manufactures...
••• COMPRIS...
que le bras de fer ne faisait que commencer entre les détaillants et les marques. Pour mieux bétonner sa position, le pôle horloger des Galeries Lafayette accélère l’extension de son réseau Louis Pion dans toute la France (concept de présentation murale des montres d’entrée de gamme dans les ex-Europa Quartz, Goldy et Watch Me) et se prépare à l’implantation d’un comptoir Louis Pion dans les 55 magasins Galeries Lafayette de France. Au sein de ce pôle horloger, la boutique Royal Quartz de la rue Royale devrait par ailleurs devenir la tête d’un nouveau réseau de corners de luxe horloger dans les magasins du groupe (développement en cours à Haussmann), puis dans les grandes villes françaises, sans doute par le rachat de boutiques existantes. A terme, ce pôle représentera un eu plus de 15 % de la distribution en France. Quelques interrogations stratégiques demeurent pour les boutiques d’aéroport (Roissy et Orly), confrontées à la pression internationale grandissante du réseau mis en place par le Swatch Group (Tech Airport)...
••• DÉCOUVERT...
l’importance prise par les marques sur le réseau Twitter. Voici une semaine, Business Montres renonçait à décompter les groupes horlogers sur Facebook, le dernier lieu à la mode pour parler de montres. Une étude de The American Society for Information Science & Technology consacrée au « Twitter Power » démontre que 20 % des tweets américains concernent déjà les marques, avec 50 % de propos positifs contre 33 % de négatifs. 75 % de ces tweets concernent des informations impossibles à trouver en ligne : Twitter est donc un canal complémentaire pour travailler le bouche-à-oreilles en temps réel. Principales marques citées : H&M, Toyota, Mc Donald's, Starbuck, Microsoft, Dell ou Sony...
••• SNIFFÉ...
une idée forte dans l’univers de l’affichage-événement urbain : pour s’offrir une bouffée de Daisy, le parfum de Marc Jacobs, il suffit d’habiter Toronto (Canada), dans le quartier mode de Yorkville. L’agence médias (locale) de la marque a installé des panneaux à renifler pour faire découvrir cette fragrance aux passants de la rue. Pas vraiment banal que de « démocratiser » ainsi le luxe, mais apparemment très efficace. A quand des affichages de rue un peu créatifs pour les montres, avec du vrai tic-tac, des aiguilles qui bougent et des aquariums à poissons pour les montres étanches ?
••• DÉNICHÉ...
une licence inattendue du groupe Seiko : les montres Agnès B., griffe de mode française qui fête cette année ses vingt ans. Gros boîtiers all black (47 mm) en série limitée, mouvement chronographe Kinetic Seiko au 1/5e de seconde et gravure du lézard emblématique d’Agnès B. Prix public autour de 1 700 dollars.
••• SENTI...
vibrer d’enthousiasme les amateurs de Forumamontres invités par Jean-Claude Biver à visiter la nouvelle manufacture Hublot de Nyon. C’est la première fois qu’une marque horlogère traite ainsi les membres d’un forum francophone. Jean-Claude Biver et son équipe (bravo, Delphine !) s’y entendent pour faire passer le message : parler vrai sans langue de bois, transparence, huile de machines, découverte d’un nouveau calibre et marmottes bien garnies sont les nouveaux codes de la séduction horlogère. Plus un bon coup de blanc du pays de Vaud. Du grand Biver, jusque dans le commentaire un peu cruel sur l’embarquement de sa marque à bord d’Alinghi : « Audemars Piguet a tout fait pour rester à quai. Je n’ai aucun mérite : ils ont marqué un but contre leur propre équipe » !
••• REGRETTÉ...
d’apprendre, avec beaucoup de tristesse, la disparition en début de semaine du très sympathique Jean-Bernard Maeder, qui dirigeait le marketing et la création du pôle horloger de Victorinox. C’était le pilier horloger de la marque. C’était un grand professionnel et un fin connaisseur du marché de la montre. Toutes nos pensées et notre compassion pour sa famille et pour ses proches : nous avons tous perdu un ami...
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