|
Ouverture aujourd’hui et inauguration officielle du site Watchonista, dernier-né de la dernière génération des outils horlogers en ligne.
Ça démode évidemment toutes les propositions antérieures, mais est-ce bien satisfaisant, tant du point de vue des marques que de l’intérêt des amateurs ?
••• « UN NOUVEL ART D’AIMER LES MONTRES »
On est tout de suite dans l’ambiance en ouvrant le site, avec une Hautlence qui vous saute à la figure : normal, la marque est aujourd’hui le seul client déclaré d’un site qui se veut alternatif par rapport à toutes les propositions actuelles de communication en ligne (Business Montres du 4 septembre).
Bonus pour les amateurs de nouvelle horlogerie : quelques HM1 et HM2 (MB&F). Normal pour un site en construction, toujours plus ou moins en version bêta : ça ira mieux demain !
Nous voici donc sur un plateforme 2.0, où l’internaute amateur peut...
• s’informer sur les marques et les montres : pour l’instant, les contenus sont maigres (mais les informations de ce type abondent sur le net). Le moteur de recherches multi-critères est surpuissant et directement greffé sur un répertoire des détaillants proches de l’internaute ;
• prendre des nouvelles de la communauté horlogère (watchnonity) à travers des lancements de produits ou des communiqués de marques (possibilité d’alerte pour ne rien manquer de sa marque préférée) ;
• créer sa propre collection en ligne, en laissant sur le site les images de ses montres personnelles ou de sa wish list
• se faire des copains qui partagent la même passion, soit en les invitant à se connecter, soit en se faisant inviter par eux ;
• profiter de nombreuses fonctionnalités en prise directe sur l’actualité du hobby horloger...
On dispose donc d’un outil à la fois personnel et communautaire : « Moi et les miens », « Moi et mes montres en plus de celles de mes copains », « Mon espace dans notre sphère »... C’est à la fois un outil relationnel horizontal (entre amateurs) et vertical (des marques vers les amateurs et retour) : cet aspect matriciel n’est pas pour rien dans le sentiment de complexité foisonnante du site. L’impression de richesse finit par en devenir écrasante, avec l’insinuation du curieux regret d’en perdre au passage et de ne pas profiter de tout ce qui s’offre comme services aux internautes.
••• LA MARQUE AU CENTRE DU JEU
Plus basiquement, Watchnonista se pose en plateau de communication à destination des marques qui veulent créer un lien direct avec leurs clients (passés, présents ou à venir). C’est cette démarche qui a poussé Hautlence à essuyer les plâtres (Business Montres du 29 septembre).
Promesse aux marques : « Connectez-vous à ceux qui vous aiment ». Avec cette promesse parallèle à la communauté : « Ce qui nous aimons tous ensemble nous relie personnellement ». C’est le B.A. BA de la philosophie 2.0, mais c’est déjà beaucoup pour une planète horlogère encore adepte de la « marque surplombante » et des médias de masse...
Intérêt supplémentaire de Watchonista, qui renvoie sans ménagement au XXe siècle finissant les sites-boutiques, les boulevards à montres désertiques, les portails-robinets à communiqués et les blogs erratiques : on ne fait plus dans la communication, mais dans l’influence – certains diront dans la persuasion clandestine. La cible est globalement communautaire et localement très fine (l’amateur, le revendeur, le collectionneur et le marketeur, voire même le fournisseur).
Au centre du jeu, la marque. Tout autour, les réseaux qui permettent de toucher individuellement chaque individu des tribus ainsi organisées, avec d’infinies possibilités de recoupements par segments et par unités d’information : une étude d’impact en quelques clics, une tendance testée en temps réel, une meilleure compréhension de ce qui structure et mobilise les amateurs.
On verra évidemment à l’usage, mais la démarche va globalement dans le bon sens. L’expérience dira si les amateurs attendent vraiment ce type de site et, surtout, s’ils ont la même perception communautaire que les initiateurs du projet.
••• CE SERA SANS DOUTE CETTE PERTINENCE CONCEPTUELLE QUI VALIDERA OU NON LE PROJET WATCHONISTA. Premier écueil : la maturité actuelle du marché horloger, qui a singulièrement muté depuis la mise en chantier de ce site qu’on qualifierait presque de pharaonique, tellement il a mobilisé de ressources (c’est sans doute le plus important chantier jamais tenté dans le web horloger)...
• Il n’est plus évident que le marché soit, comme hier, axé autour des marques : le web est, par définition, un espace non centré, où chaque nœud du réseau est à la fois pôle et passage. Refaire de la marque le pilier de la démarche, c’est peut-être prendre un train dont les amateurs ont commencé à descendre...
• D’autant que le marché se fissure lui-même entre marques classiques généralistes, qui ont les moyens de s’offrir un marketing écrasant et dominateur sur de tels sites (tout en ayant les équipes capables d’exploiter les données ainsi extraites) et les marques de nouvelle génération, chroniquement désargentées, mais source de passions chez les amateurs. Une démarche commerciale centrée sur les puissants serait rentable à court terme, mais désertificatrice à moyen terme. L’inverse serait désastreux pour le retour immédiat sur investissement, quoiqu’éventuellement plus rémunérateur à long terme. Question de choix stratégique...
• Autre écueil culturel : il est tout sauf évident que les marchés européens, américains et asiatiques réagissent sur la base de réflexes très différents. Même à l‘intérieur de l’Europe, les internautes allemands ont d’autres habitudes que celles des internautes français, qui sont eux-mêmes assez dissemblables des internautes romands. Même fossé culturel entre Hong Kong et Singapour. Autant d’approches ultra-segmentées qui décrédibilisent une proposition trop généraliste, qui propose les mêmes fonctionnalités à des cibles très hétérogènes. Là encore, la crise a accentué la disparité culturelle des marchés, qui sont moins cohérents que jamais.
• Les amateurs ne sont pas aussi unidimensionnels que les marques l’affirment : même s’ils aiment les montres, ils n’en font pas une obsession au point de passer leur vie sur des méga-portails comme Watchnonista. L’hyperpuissance relationnelle et la surplombance communautaire finissent par effrayer à une époque d’émotions soft et de zapping sociétal permanent.
• Encore une fois, il faudra attendre que le concept Watchnonista atteigne sa vitesse de croisière pour émettre un jugement définitif. Reste que les ambitions semblent démesurées : 100 000 membres d’ici à Baselworld 2010, ce n’est pas dans la poche !
|