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Ce Zurichois de 52 ans a été nommé à la tête d'Audemars Piguet en janvier 2009.

Malgré une arrivée discrète à la tête de la société, ce Zurichois de 52 ans affiche une personnalité forte qui ne laisse aucun doute sur sa capacité à poursuivre le chemin tracé par son prédécesseur.

Il est entré sans faire de vagues, avec modestie, effacement presque aux yeux du grand public, gérant en douceur le passage de témoin. Pendant quelques mois, les interviews se sont données en duo, Georges-Henri Meylan d’un côté, et lui, Philippe Merk, de l’autre, apportant sa touche à la conversation, l’air de ne pas y toucher. Nommé à la tête d’Audemars Piguet en janvier 2009, alors qu’une des pires crises de l’histoire horlogère frappait à la porte, il doit succéder à un homme profondément identifié à la marque et qui en a bâti le succès au fil des ans.

Mais Philippe Merk n’a pas de problème d’ego, la tentation de changer pour changer, juste pour laisser son empreinte, ne l’a même pas effleuré. Il a au contraire souligné les atouts d’une maison toujours en mains familiales, forte d’une incroyable légitimité, d’une gamme de produits reconnus, capables de séduire aussi bien les hédonistes avec la Royal Oak Offshore que les collectionneurs les plus exigeants, passionnés de mécanique, grâce notamment à la collection Jules Audemars.

Ne pas changer ne signifie pas rester les bras croisés. Dans la situation économique actuelle, “ il faut savoir poser des questions simples, et surtout apporter des réponses simples ”. Comprendre toute la chaîne de valeur, ajuster l’état des stocks, améliorer le service après-vente pour offrir au client “ cette qualité qui est l’un des fondements de notre maison ”.

Armé pour affronter la réalité des marchés

Alors, qui est ce Zurichois de 52 ans, nouveau patron d’Audemars Piguet, qui a pris les rênes de la maison avec douceur et détermination? Une chose est certaine, son parcours l’a préparé à affronter la réalité des marchés. Ingénieur de formation, il a longuement travaillé pour le groupe Sandoz, multipliant les séjours à l’étranger, aux Etats-Unis d’abord, en Asie ensuite, passant de la recherche et développement au marketing, avant de diriger des marchés entiers. On le retrouve ainsi, peu après la chute du Mur de Berlin, en Europe de l’Est. “ C’était un moment fantastique, il y avait un côté pionnier dans tout ce que nous faisions. ”

Attiré par la grande consommation, il passe chez Feldschlösschen où il découvre les arcanes de la distribution, jonglant entre les grandes surfaces et les hôtels de luxe. “ Il n’y avait pas de croissance naturelle dans ce secteur, on ne pouvait progresser qu’en gagnant des parts de marché ”, se souvient-il. Un acquis très certainement utile dans l’horlogerie, cuvée 2009. Il surgit ensuite à la tête de Maurice Lacroix, où il démonte puis remonte un mouvement pour la première fois de sa vie. “ Mais ça ne marchait pas ”, lâche-t-il encore dépité, tout en promettant de tenter à nouveau l’expérience. Il n’avait encore jamais travaillé dans le secteur horloger, mais était déjà passionné par les montres. Son père, médecin, était collectionneur et feuilletait le soir les ouvrages de références détaillant le mécanisme des grandes complications.

Ha, la mécanique!

Philippe Merk hérite bien sûr de ce goût de la mécanique, décrit avec enthousiasme le mouvement des pistons des moteurs de bateaux qu’il mime des deux mains, et qu’il avait découvert à 14 ans chez Sulzer, son premier job d’étudiant. Enthousiasme encore lorsqu’il raconte les machines des fabricants de papier, longues de 150 mètres, avec lesquelles il travaillera bien plus tard en Malgré une arrivée discrète à la tête de la société, ce Zurichois de 52 ans affiche une personnalité forte qui ne laisse aucun doute sur sa capacité à poursuivre le chemin tracé par son prédécesseur.

Allemagne. Maturité classique en poche - il cite de mémoire, en grec ancien et le sourire aux lèvres, les premières lignes de l’Odyssée -, il poursuit ses études d’ingénieur à l’ETH Zurich, sa ville natale. “ Je suis d’abord un industriel, j’ai un immense respect pour ces personnes capables de lancer une idée et de la concrétiser. ”

Il décroche un MBA à l’IMD de Lausanne, et connaît bien sûr le domaine financier; le bilan “ out à fait propre ” affiché par Audemars Piguet le réjouit. Tout comme le demi-milliard de chiffre d’affaires réalisé par la maison, ou sa capacité d’auto-financement qui a permis la création de sa nouvelle manufacture, pour un investissement estimé à 35 millions. “ Cela me passionne, mais pas autant que le produit, les clients, les marchés! ” assène-t-il, soulignant chaque mot d’un coup donné sur la table, tantôt d’un doigt, tantôt de la paume, tantôt des deux mains, suffisamment fort pour faire trembler le plateau de bois.

Car l’homme a beau être discret, on le sent déterminé, capable d’emballement lorsque le sujet le mérite. Et son sujet, c’est l’économie réelle, celle qui repose sur la tradition, la force d’innovation, le tissu industriel dans un monde toujours plus dominé par la finance et le court terme. “ Tradition, excellence et audace sont les trois valeurs d’Audemars Piguet ”, rappelle-t-il, et on le sent prêt à les défendre toutes.

Installé la semaine dans un appartement lausannois, il regagne Zurich tous les samedis, “ là où se trouve le siège de la famille ”, plaisante-t-il. Son épouse et ses deux enfants. Trois chiens également, un petit, un moyen, un grand (le grand doit bien mesurer deux mètres si on en croit le geste de Philippe Merk). Deux Harley Davidson aussi, qu’il regrette de ne plus avoir le temps de conduire. La mécanique, toujours.

En 3 dates....

2008… en décembre, l’aventure Audemars Piguet commence…
1989… naissance de son fils Georges
1990… naissance de sa fille Christina, deux moments intenses et inoubliables

Marco Cattaneo
Tribune des Arts