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La multiplication des collections « capsule » n’a pas encore frappé l’horlogerie...
 
Le 12-10-2009
de Business Montres & Joaillerie

Pour les bêtes de mode, la « collection capsule », c’est la mini-collection hors collection, généralement signée par un créateur extérieur à la marque et lancée en série limitée hors des podiums classiques.

C’est la tendance forte du moment.
Sauf pour les horlogers, très timides dans ce domaine, qui est pourtant stratégique pour sortir de la crise...

••• CAPSULONS TOUS EN CHŒUR !
Historiquement, on retiendra la première collection H&M by Karl Lagerfeld comme prise de conscience du phénomène « capsule ». Un créateur hyper-tendance dessinant des jeans à 50 euros pour une marque hyper-populaire (mais chic) : il n’en fallait pas plus pour créer des émeutes dans les magasins H&M débordés !

Depuis, la vogue de la « collection capsule » a envahi la planète mode : H&M a récidivé avec Stella McCartney, Viktor & Rolf, Jimmy Choo et bientôt Sonia Rykiel. Partout dans le monde, on voit des griffes s’offrir des signatures de prestige : à Londres, c’est Topshop qui nous tease avec Kate Moss et People Tree mise sur Emma Watson. A Paris, c’est Louis Vuitton qui s’offre Sofia Coppola ou Christian Lacroix qui signe des sneakers pour Gola. Un peu partout, on mixe les talents, les genres (luxe + rappeur = très chic), les codes des collections entre elles, les saisons (la « capsule » a démodé les collections « croisière », les univers (Jean-Paul Gaultier et Doc Martens)...

On pourrait multiplier à l’infini les exemples : ils ne feraient que souligner l’extraordinaire retard à l’allumage des horlogers dans ce domaine. Il est vrai que cette acception du mot « capsule » n’est pas encore entérinée par les dictionnaires, mais c’est décevant de la part de managers qui ont fini par comprendre – ils auront mis le temps ! – que les rappeurs aux dentiers aurifères étaient des relais d’opinion comme les autres et des « influenceurs » de premier plan.

Pour avoir une idée du choc H&M/Lagerfeld, il faudrait imaginer Festina sous-traitant un édition saisonnière à De Bethune ou même, dans un autre style, Patek Philippe s’offrant une série limitée Cabestan ! Ne rêvons pas...

••• ENCAPSULONS LES MONTRES !
Historiquement, on pourrait retenir comme première proposition « capsule » le lancement des séries Opus par Max Busser chez Harry Winston (2000). Autre étape importante : l’association de TAG Heuer et du tandem Jean-François Ruchonnet-Philippe Dufour pour la création de la première V4 (2004). Consécration officielle quand Richard Mille confie à Philippe Starck le soin de créer une pièce unique (vraiment unique) pour Only Watch 2005. On remarquera d’ailleurs que les trois épisodes Only Watch ont permis à un certain nombre de marques de « tester » des concepts voisins de la pratique de la « capsule » : Jérôme De Witt et Jean-Michel Wilmotte ou Richard Mille-Philippe Starck bis en 2007, MB&F et Sage Vaughn en 2009, etc.

Autant d’initiatives qui ne créent pas une tendance, mais qui annoncent une évolution et qui dessinent une impulsion à laquelle les horlogers les plus avancés ont commencé à céder en créant de « séries capsule » à double effet médiatico-commercial. Rappelons, entre autres, Boucheron qui fait appel à Richard Mille pour un tourbillon (type RM 018 : image ci-dessus) en platine à rouages en pierres précieuses (2005 pour le lancement, bientôt pour la sortie d’atelier), Chaumet confiant à Marc Alfieri le soin de concevoir un tourbillon de rupture (12 pièces déjà sold out en un été), Romain Jerome qui dédie une Cabestan oxydée aux six grands océans de la planète...

Les échanges « capsulaires » restent cependant limités. Sans trahir de grands secrets, on peut annoncer quelques nouvelles joint-ventures, par exemple une prochaine série limitée entre MB&F et Alain Silberstein, une nouvelle association entre Marc Alfiéri et une autre marque citée ci-dessus et quelques autres révélations à venir. C’est à peu près tout, malheureusement : beaucoup de marques s'en tiennent à la fiction de moins en moins crédible de l'absolue autonomie interne de leurs créations...

Pour être précis, on peut cependant classer dans le dossier « capsule » des associations comme celle de Louis Vuitton et de Quinting (cadrans mystérieux à disques de saphir invisible), mais il est vrai que les marqueurs fashion irradient toutes les collections Louis Vuitton, horlogerie comprise. Même constat chez Dior, avec le même appel au brevet Quinting pour des Christal mystérieuses.

La nouveauté, c’est que ces branchements créatifs sont désormais avoués et revendiqués, alors qu’ils étaient confidentiels et cachés voici quelques années. Si les horlogers ont toujours fait appel à des talents extérieurs pour leurs créations les plus avancées (c’est ce qui a fait la fortune de manufactures comme Christophe Claret, Jaquet, BNB, Agnehor ou même Renaud Papi), cette « sous-traitance » était masquée et verrouillée par d ‘épaisses clauses de confidentialité.

••• RECAPSULONS LES TALENTS !
L’« esprit capsule », c’est, au contraire, assumer la juxtaposition de deux univers créatifs – parfois concurrents ou dissonants – pour en tirer une tierce profitabilité en termes d’image, de ciblage ou de message. Dans les meilleurs cas, résultat marchand et consolidation du positionnement marketing accompagnent l’opération, mais ce n’est qu’une partie de l’objectif.

La nouveauté, c’est l’arrivée sur le marché d’une « nouvelle génération » d’horlogers qui ont du talent à revendre et qui se sentent imprégnés d’une créativité telle qu’ils ne craignent pas d’en laisser échapper quelques miettes au profit de leurs « concurrents » théoriques : l’association devient gagnante-gagnante dès qu’une « grande maison » peut profiter de la notoriété grandissante d’une « petite marque ».

La timidité de la place Vendôme est ici assez stupéfiante : alors que Louis Vuitton n’hésite pas à confier à Lorenz Bäumer des collections de haute joaillerie, Van Cleef & Arpels ou Chanel hésitent à risquer leur sacro-sainte « image de marque » dans une opération commando en compagnie d’un jeune créateur horloger. 1 + 1 = 3 ou 4 si on s’y prend bien, mais Boucheron et Chaumet l’ont compris avant les autres...

Ceci pour ne rien dire des pure players horlogers, qui considèrent encore qu'une double marque sur un cadran ou un aveu de transfert créatif dans leur communication ruinerait à jamais leurs efforts de branding : pour un Harry Winston, que de mythologies branlantes autour du savoir-faire de nos équipes horlogères – alors que tout le monde sait, dans les vallées, qui fait quoi et qui sous-traite à qui...

On pourrait faire le même constat à Genève ou à La Chaux-de-Fonds : que de réticences pour profiter de l’influx créatif des jeunes talents environnants, qui ne se laissent plus racheter ou intégrer aussi facilement qu’autrefois par les grands groupes ! Que de manque d’imagination de la part de marques critiquement essoufflées sur le plan créatif, qui ignorent cependant les rations de survie qu’elles ont sous la main !

La « capsule » est la réponse créative à cette nouvelle donne du marché : face à une nouvelle génération qui défend mieux qu’auparavant son indépendance, il faut monter des « commandos » ponctuels (un concept, une mission, des moyens) pour surprendre les amateurs et bousculer les conformismes...

••• DÉCAPSULONS LES UNIVERS !
Du coup, on voit ces jeunes créateurs prendre des initiatives de fertilisation croisée au sein même de la nouvelle génération : plusieurs créations devraient bientôt naître des contacts noués à l’occasion de The Watch Factory (Baselworld) au printemps dernier, dans une grande fusion des talents mécaniques, graphiques et conceptuels. Le phénomène déborde largement du segment haut de gamme, puisque des marques intermédiaires commencent à discuter avec ces nouveaux horlogers et qu’on sent même des marques d’entrée de gamme tentées de trouver un peu de piment créatif auprès de ces jeunes talents (ou de leurs aînés).

Sur des marchés totalement chamboulés par la « crise du luxe » et l’apparition de nouveaux paradigmes encore difficiles à décoder, la vraie richesse, la seule ressource rare, celle qui fera la différence, c’est l’idée, l’étincelle, l’invention, l'éclair d'intelligence qui reprogramme en un clin d'oeil tous les logiciels mentaux. Les grandes structures assèchent les concepts quand les indépendants en débordent : le refueling créatif est devenu indispensable à la survie de l’industrie.

Rappel utile : c’est cette disruption créative provoquée par les artistes qui avait assuré le succès planétaire et la requalification « branchée » de Swatch dans les années quatre-vingt. On notera que la marque revient à cette veine d’expression et redonne la parole à des créateurs extérieurs à l’horlogerie. Il serait temps de considérer que l’horlogerie a fait naître, ces dernières années, beaucoup de grands talents endogènes qui mériteraient un peu de sollicitude de la part des grandes marques.


••• LA CRISE EST-SOLUBLE DANS LA CAPSULE ? Au moins partiellement, c’est évident. Dans le domaine de la pharmacie, une capsule est l’enveloppe soluble qui sert à conditionner certains médicaments : le recours à la « capsule horlogère » pourrait bien être l’élixir de jouvence, voir la molécule miracle, pour certaines maisons en voie de désertification créative...

• On pourra vérifier à Geneva Time Exhibition-The Watch Factory (Genève, troisième semaine de janvier) que les jeunes talents – qui ont l’insolence de lancer leur propre marque en pleine crise – ne manquent ni d’idées, ni d’ambitions. Pour beaucoup de managers en manque de visibilité pour asseoir leurs ambitions, c’est le moment de monter dans le bon train et d'ouvrir la bonne boîte à idées...

 



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