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Curieuse absence de fièvre à trois mois d’une première rafale de salons horlogers genevois : les grandes marques, habituellement si bavardes, n’auraient-elles donc plus rien à dire, à leurs réseaux comme aux amateurs ?
••• CHRONOMÉTRIE
Un des principaux reproches que les « anciennes » marques font aux « nouvelles » serait que leurs montres « ne marchent pas bien » ! Affirmation qui fait beaucoup rire Eric Coudray, l’horloger star de Cabestan (avant, il était chez Jaeger-LeCoultre, où il avait développé le Gyrotourbillon) : bulletin Witschi à l’appui et après passage au cyclotest multi-positions, il peut démontrer que chacun des tourbillons verticaux Cabestan qui quitte son atelier est réglé avec une précision de plus ou moins deux secondes par jour (certaines à une seconde par jour), soit une performance chronométrique au minimum cinq fois supérieure aux exigences du COSC. Qui dit mieux pour un tourbillon ?
••• NOUVELLE GÉNÉRATION ?
Le concept de « nouvelle génération horlogère » n’est pas facile en enfermer dans des mots ou dans des définitions. Business Montres parle souvent de « nouveau regard porté sur l’expression horlogère », mais c’est parfois insuffisant pour rendre compte de la richesse et du foisonnement des propositions de cette « nouvelle génération » – qui n’est pas, rappelons-le, une question d’âge, qu’il s’agisse du millésime de la marque ou de celui du créateur. On ne peut procéder que par exemples successifs, et la nouvelle Oktopus en titane de Linde Werdelin est une bonne illustration d’un esprit « nouvelle génération » appliqué à la montre de plongée.
• Que peut-on en retenir (image ci-dessus) ? D’abord, une accumulation de détails qui sonnent juste et qui définissent une identité en même temps qu’une légitimité : boîtier en titane (46 mm) aux lignes tendues (on peut admirer le dessin très maîtrisé des « facettes »), livré ici dans un microbillage gris qui témoigne du savoir-faire des ateliers genevois ; « écrous » du boîtier et du bracelet caoutchouc ; aiguilles assorties aux lignes tendues de ce boîtier et cadran traité dans le même style (chiffres et index) ; respect des codes de la « montre de plongée » (cadran laqué noir, lunette tournante, valve à hélium à 9 h, Superluminova), mais décalage subtil du 3 333 f-1 111 m (c’est gratuit, mais plus dynamique que les profondeurs classiques) ; bon « tracteur » suisse pour animer le tout (ETA 2892-A2)...
• Au poignet, une « bête de combat », qu’on peut équiper d’un module électronique optionnel (agrafage sur les logements creusés à 3 h et à 9 g) pour des données techniques supplémentaires concernant la plongée (temps passé, profondeur, vitesse de remontée, etc.).
• Le tout donne une montre de plongée alternative, emblématique de ce que peut proposer comme « autre regard » cette nouvelle génération horlogère [on pourra découvrir cette pièce et les nouveautés Linde Werdelin à l’espace The Watch Factory du salon Geneva Time Exhibition, en janvier prochain, au Centre international des conférences de Genève]...
••• TISSOT COUTURIER
La nouvelle collection Tissot Couturier propose d’intéressants chronographes, dont le positionnement prix en dit long sur les ambitions de la marque : à boîtier-cadran quasiment identique (superbe design), on passe de 1 100 euros pour un chronographe automatique Valjoux 7750 à 635 euros pour le même chronographe, équipé du nouveau calibre automatique ETA C01.211. Le double pour un Valjoux ? Ou bien ETA vend plus cher ses 7750 à Tissot qu’aux marques tierces – ce qui serait étonnant. Ou bien ETA vend vraiment très peu cher son nouveau C01.211 et Tissot en profitera pour prendre quelques substantielles parts de marché à ses concurrents. Surtout que proposer le même boîtier avec cinq mouvements différents permet d’améliorer encore les économies d’échelle et la profitabilité de la collection...
••• UNE COLLECTION QUI TÉMOIGNE DE LA TENDANCE NÉO-CLASSIQUE LOW COST, qu’on soupçonne d'être en train de restructurer l’entrée de gamme, au détriment des marques intermédiaires tentées par le « retour au classique » (analyses Business Montres de ces dernières semaines, à propos de Versace, Burberry ou Guess).
••• LES APPS DE LA SEMAINE...
L’iPhonisation horlogère est bien partie, avec, cette semaine, deux propositions, une ludique et une classique. Ce qui porte à quatorze les applications purement horlogères actuellement recensées, sans parler des apps qui jouent simplement avec le temps ou les heures (Business Montres du 21 septembre).
• La plus classique : Jaeger-LeCoultre y va de son application (visite de manufacture, assemblage de mouvement, présentation de la collection, etc., à découvrir sur App Store > Style de vie > Jaeger-LeCoultre).
• La plus amusante : une application-jeu (gratuite) basée sur la chasse aux... montres molles de Salvador Dali, qu’il s’agit de retrouver à travers neuf de ses tableaux les plus célèbres. En soi, c’est déjà une belle promenade dans l’imaginaire du peintre catalan. C’est aussi un jeu multilingue très amusant (à télécharger sur App Store > Jeux > Dali Montres molles)...
••• ET L’ANALYSE MARKETING QUI VA AVEC CES APPS POUR IPHONE...
L’étude a été réalisée par l’équipe de IC-Agency, les « boussoles digitales » de l’industrie horlogère : on consultera avec profit leur présentation de « iPhone apps & Luxury Brands » (33 pages sur tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le marketing applicatif des « mini-sites » et que vous n’avez jamais osé demander)...
••• EN PRIME, UN SLIDE SHOW...
... sur les « Nouveaux comportements du consommateur sur les médiax sociaux » réalisé par les petits fûtés de l’agence Yeasty Mobs, spécialiste de l’interactivité au service des communautés. Pour tout comprendre de ces nouveaux comportements, télécharger leur slide show (42 pages), plutôt très bien fait pour s’initier au nouveau marketing socio-digital...
••• TOUTES CES ÉTUDES (IC-AGENCY, YEASTY MOBS) POUR TENTER DE RÉPONDRE À UNE QUESTION SIMPLE : et si Internet, ses sites, ses forums, ses portails et tout ce qu’on a connu au cours de ces dernières années, n’était plus qu’une partie de la réponse aux besoins d’une nouvelle communication ? L’usure des formules digitales classiques s’est trouvée accélérée par la crise : une nouvelle révolution numérique se profile, bien au-delà du web 2.0 ! A suivre...
••• BANC–TEST AUDIOPHONIQUE
Maintenant que la répétition minutes détrône le tourbillon comme parangon du savoir d’une manufacture, comment comparer les performances des différentes montres présentées par les manufactures ? Un banc-test s’impose pour déterminer les « meilleures montres », c’est-à-dire celles qui sonnent le mieux. Sauf que, précisément, l’appréciation des performances acoustiques varie d’un individu à l’autre, quels que soient les paramètres « scientifiques » retenus. A puissance sonore égale, certains préféreront telle sonorité plutôt que telle « couleur » de son, avec des paramètres très subjectifs difficiles à mettre en équation [allez donc départager les fans de Steinway & Sons des sectateurs de Pleyel ou de Yamaha !]...
••• PEU IMPORTENT LES CRITÈRES RETENUS AU FINAL, l’important est aujourd’hui de disposer d’un protocole de référence unique pour étalonner les montres disponibles, qui prétendent touts à une excellence acoustique à qualifier. A l’oreille, à un mètre de distance, la disparité des qualités sonores est évidente, avec une prime tout aussi évidente aux montres récentes plutôt qu’aux références classiques : il ne devrait pas être insurmontable de créer un référentiel de base, même si les « grandes marques » poussent des cris d’orfraie !
••• UNE SÉRIE À NE PAS MANQUER
Pour son site A Blog to Read, Ariel Adams vient de réaliser une série d’articles absolument décisifs. En trois volets (entrée de gamme, milieu de gamme, haut de gamme), il étudie les 3 x 10 points-clés à ne pas perdre de vue (et à prendre en compte par tout consommateur) dans la définition de ce que doit être une « montre de luxe ». Si on peut trouver à redire ici et là sur les 10 entrées qu’il sélectionne par segment de marché, l’ensemble est totalement convaincant et c’est justement la discussion autour de telle ou telle affirmation qui est stimulante : c’est exactement le genre de série qu’on devrait pouvoir trouver dans des magazines horlogers de référence, mais qu’on voit désormais fleurir sur le net.
••• PROBLÈME DE CRÉATION DE CONTENUS ORIGINAUX : ces contenus d’une pertinence rare sont issues d’une réflexion personnelle, et non d’un vague copié-collé de dossier de presse ou d’une compilation de documents déjà publiés. La presse magazine finira par succomber à sa boulimie de contenus inoffensifs et pré-digérés, ainsi qu’à son refus de toute prise de risque vis-à-vis de ses chers annonceurs. Lesquels n’ont aucune reconnaissance du ventre, puisqu’ils annoncent vouloir reporter massivement hors de la presse écrite leurs futurs investissements publicitaires : voir le compte-rendu des licenciements chez Edipresse, ci-dessous et dans Tribune de Genève...
••• ÉDISTRESS
L’annonce de la suppression de 100 postes de travail (soit 10 % des effectifs) au sein du groupe Edipresse en Suisse n’aura pas étonné les lecteurs de Business Montres, informés depuis longtemps des difficultés d’un groupe qui a choisi une stratégie « publicitaire » au moment où le marché se réorientait vers une demande « éditoriale ». Ces suppressions de postes vont aggraver le mal (la production de plus en plus faible de contenus éditoriaux de qualité), alors que des économies auraient pu être consenties du côté des supports qui perdent régulièrement de l’argent sans créer de valeur sur le marché : on pense évidemment aux titres structurellement déficitaires d’un pôle Luxe qui s’obstine dans un modèle purement advertorial devenue totalement obsolète au cœur de la crise...
••• AU FAIT, ET LES MOUVEMENTS « HAUTE FRÉQUENCE » ?
Calés sur 36 000 alternances/heure, ils devaient révolutionner l’horlogerie du XXIe siècle, mais ils se font attendre : pas vraiment de nouvelles du côté de Chopard, qui a développé le projet suisse le plus avancé dans ce domaine, et guère plus du côté de Seiko, qui a deux mouvements « haute fréquence » en vitrine (36 000 KHz et 43 200 KHz), mais qui ne communique guère à leur sujet. Si Zenith (36 000 KHz pour le El Primero) reste le fournisseur préféré des marques du groupe LVMH (Louis Vuitton, Dior, TAG Heuer, pas d’informations supplémentaires du côté de Favre-Leuba, qui annonçait à Baselworld deux séries limitées en 36 000 KHz (dont la reprise d’un ancien calibre Schild). Les Chinois de Sea-Gull, qui annonçaient quelques ambitions dans ce domaine, ont affiché un profil bas, tout comme Girard-Perregaux, qui a d’autres chats à fouetter (tout en disposant d’un calibre « historique », relancé en 1996). Chez Citizen, qui avait étonné tout le monde avec son calibre 7230 de 1975, ce n’est pas non plus à l’ordre du jour...
••• QUELQUES PETITS RIENS •••
Sur un peu de tout ce qui concerne les montres…
BEST OF : la semaine dernière, dans Business Montres, il ne fallait pas manquer...
• La tendance des « collections capsule », encore mal connue en milieu horloger...
• La fin du contrat Ferrari Engineered by Panerai et les spéculations sur les marques qui décrocheront le nouveau contrat...
• L’intégration des salons horlogers The Watch Factory + Geneva Time Exhibition sous un même toit, à Genève, en janvier 2010...
• Le nouveau concept de vitrine Carrousel imaginé par Xavier Dietlin (ça va danser dans les devantures horlogères)...
• Le départ surprise d’Albert Bensoussan, qui abandonnera en fin d'année la direction des montres Louis Vuitton (on ne connaît pas encore son remplaçant)...
• Quelques nouvelles marques sur le marché (parce qu’on fait toujours beaucoup de bébés en temps de guerre)...
• CORUM : beau succès aux Etats-Unis pour la tournée de présentation de la nouvelle Ti-Bridge, nouveau cheval de bataille de la marque et symbole de sa stratégie nouvelle génération...
• STEINWAY & SONS : révélé à Baselworld 2009 au sein de l’espace The Watch Factory, la marque que Fabrizio Cavalca – lui-même pianiste de concert – a dédié à tous les amoureux du piano annonce une pièce unique Beethoven, qui sera vendue pour financer la rénovation de la Beethoven Haus de Bonn (Allemagne). Le cadran émaillé reprendra des notes des variations Diabelli, tandis que le mouvement emboîté sera un calibre du XIXe siècle (boîtier rond, différent des boîtiers « pianistiques » habituels de Steinway & Sons). D’autres séries aussi exclusives devraient être consacrées aux gloires de la musique classique. Rappel utile : Steinway & Sons a développé avec Jean-Marc Wiederrecht (Agenhor) une seconde « métronomique » absolument unique sur le marché...
• PATRIZZI & CO : score impressionnant et record pour la Patek Philippe Sky Moon Tourbillon vendue par Patrizzi & Co à New York (7 octobre). 1,2 million de dollars : c’est l’enchère la plus élevée pour une montre-bracelet depuis le début de la crise. A noter : la présence de plus en plus marquée des enchérisseurs venus de Chine, de Hong Kong ou de Taïwan, même si cette Patek Philippe a été acquise par un client européen. Le résultat de cette vente (3,23 millions de dollars) pratiquée en « zéro commission » et sans frais pour les acheteurs, qui bénéficient néanmoins d’une garantie de cinq ans, prouve que le concept inventé par Osvaldo Patrizzi trouve maintenant sa place sur le marché...
• ROLEX : toujours aux enchères, mais cette fois à Dallas, lors de la dispersion des « objets de l’exploration spatiale », la Rolex GMT portée sur la Lune par l’astronaute Ron Evans (Apollo 17) a été adjugée à 131 000 dollars ! Elle n’était pourtant pas en bon état, avec sa gravure artisanale (pour ne pas dire pire) commémorative de l’événement, mais son pedigree était impeccable, puisqu’il s’agissait d’une montre personnelle jamais passée sur le marché : c’était donc un « monument historique »...
• HALDA : toujours du côté des montres de l’espace, Halda, la nouvelle référence horlo-spatiale suédoise (révélation Business Montres du 7 septembre), est en train de débriefer le test en apesanteur réalisé par l’astronaute suédois Christer Fuglesang à bord de Discovery. Aucun problème de fonctionnement, la montre n’ayant souffert ni des G encaissés au décollage comme à la rentrée dans l’atmosphère, ni des 13 jours passés en apesanteur : les données affichées par le mouvement mécanique et par le module électronique étaient compatibles avec les données des ordinateurs embarqués, notamment la somme des G. L’affichage des « heures du monde » de ce module s’est d’ailleurs révélé plus pratique pour communiquer avec différentes bases spatiales que celui du bord. L’ergonomie de la montre s’est avérée irréprochable, de nuit comme de jour. La version finale de cette montre de l'espace – dont la mécanique est signée Svend Andersen – bénéficiera des acquis de ce débriefing...
• BRÉMONT : arrivée sur le marché des premières montres développées avec Martin-Baker, entreprise leader mondial des sièges éjectables qui équipe 75 % des forces aériennes occidentales (Business Montres du 26 août dernier). Cette Bremont MB1 sera bien réservée aux seuls pilotes ayant dû s’éjecter (Martin-Baker a déjà sauvé 7 200 vies) : ils auront le numéro de leur éjection gravée sur la montre. Une série Bremont MB2 permettra au commun des mortels de profiter de cette montre, entièrement assemblée au Royaume-Uni (composants suisses) et donc fièrement Made in Britain : la montre Martin-Baker sera également la seule montre jamais testée sur siège éjectable (mouvement et cercle d’emboîtage ont été renforcés de dispositifs anti-chocs)...
• MECCANICHE VELOCI : la marque milanaise, célèbre pour ses montres Quattro Valvole (quatre cadrans dans un design évocateur des quatre soupapes automobiles), passe maintenant aux Due Valvole (« deux soupapes »), avec boîtier en titane et mouvements ETA. Meccaniche Veloci est une des marques qui a poussé le plus loin l’intégration des codes automobiles dans une montre. Ce qui fait qu'elle est plus portée dans les paddocks Ferrari que la Panerai « officielle » !
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