|
La marque en main de Franck Muller s’appuie sur l’ancien associé de Rodolphe Cattin.
Le groupe Franck Muller n’aura pas eu à chercher longtemps un nouveau directeur pour la marque Rodolphe. Gabriel Guidi, premier associé de Rodolphe Cattin, reprendra la fonction. La maison conserve son siège à Neuchâtel, dans les anciens locaux de l’UBS place de Pury, son fameux café design, et peut-être ses huit collaborateurs actuels.
Un retour en force pour Gabriel Guidi, qui s’était éloigné de l’opérationnel pour se consacrer à la filiale Rodolphe & Co, focalisée sur la création. Il apparait déjà comme l’homme de confiance de Vartan Sirmakes, à la tête Franck Muller Watchland et propriétaire des montres Rodolphe.
Pour Nicolas Rudaz, directeur opérationnel du groupe, le départ de l’emblématique Rodolphe Cattin fait partie des effets secondaires naturels des mutations que travers aujourd’hui tout le secteur horloger. Il n’aura pourtant échappé à personne que le divorce entre le designer et le groupe, annoncé mardi soir, dépasse la marche des affaires. L’épisode s’inscrit sans doute dans la logique de l’actuelle restructuration du groupe horloger. Mais il ne fait aucun doute que la rupture marque un nouveau conflit de personnes au sein d’une maison à l’actualité agitée. Rodolphe Cattin brosse le tableau sans attiser: «Il faut composer.»
Pour le designer, c’est surtout un appel d’air qui s’offre à lui. Les sollicitations sont sans surprise déjà là. Et pas uniquement des mandats. Un groupe est déjà preneur de ses talents, une manufacture aussi. Le créateur se donne le temps.
Il regarde l’aventure sans amertume, malgré une période de déception évidente. «Pendant deux ans et demi, j’ai eu le plaisir de créer une collection.» Puis Rodolphe Cattin a été rattrapé par une réalité qui n’était pas la sienne, celle du contrôle qualité, de la vente, de la gestion. Le plaisir de la création, son véritable et unique métier, s’est étiolé au fur et à mesure que son équipe de départ s’est délitée. De son point de vue, sa marque a très directement souffert d’une stratégie de concentration sur le vaisseau amiral du groupe, la marque Franck Muller. Ces difficultés et un fort sentiment d’isolement auront donc eu raison de l’union.
Rodolphe Cattin repart ainsi avec sa liberté et ses crayons. Il demeure toutefois actionnaire de la marque, avec près de 35% du capital actions, et quelques administrateurs alliés qui lui assurent un oeil et un pied. Rassurant, de toute évidence. Car le créateur laisse tout de même son nom (désormais un grand classique horloger) dans une maison marquée par la controverse, au moins médiatique, régulièrement alimentée autour de son mentor Vartan Sirmakes. Le groupe Franck Muller n’a par ailleurs aucune intention de stopper le développement de la marque. En quelques années, Rodolphe a gagné une place forte dans l’horlogerie design haut de gamme. Avec une griffe presque à contre-courant, dans un univers largement frappé par la recherche de technicité.
Rien ne remet véritablement en cause la complémentarité qui avait fait se rapprocher les montres Rodolphe et le groupe Franck Muller. Avec, d’un côté, la possibilité pour le designer indépendant d’accéder à la production manufacturière 100% swiss made, dans un temps où la vraie difficulté était d’accéder à des mouvements de qualité. De l’autre, une diversification stratégique pour le groupe Franck Muller, qui s’est appuyé sur les marques annexes pour regagner le terrain de l’exclusif.
Stéphane Gachet
AGEFI |