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Téléscopage de l’actualité : Arte diffuse actuellement une série sur la grande crise de 1929.
Au même moment (crise oblige ?), on ressuscite les concours stupides à haute intensité médiatique.
Bégaiement de l’histoire et souci éthique à l'horizon...
••• 24 OCTOBRE 1929, KRACH À WALL STREET
Pour le quatre-vingtième anniversaire de la « crise de 1929 », Arte diffuse un documentaire poignant : 1929, réalisé par William Karel. On y voit notamment ces incroyables « marathons de danse » organisés pour les chômeurs américains de l’époque et ancrés dans notre mémoire par le film de Sydney Pollack, On achève bien les chevaux (1969).
On apprend en même temps qu’un site Internet organise un Championnat national de course en escarpins : le 20 novembre, au Palais-Brongniart (ex-Bourse), à Paris, 32 équipes de trois filles s’affronteront dans un relais de 3 x 60 mètres, chaussées de talons de 8 cm de haut. Enjeu : 3 000 euros de chaussures à gagner. Comme disent les rédactrices de mode, « les shoes addict sont dans les starting blocks » (en néo-français dans le texte)...
••• LE RAPPORT AVEC LES MONTRES ? Hier, on achevait bien les chevaux. Aujourd’hui, on se tord bien les chevilles en stilettos poour amuser la galerie. Ce qui prouve que nous avons beaucoup progressé dans la diffusion des produits de luxe au sein de la population. C’est sans doute rigolo de faire ainsi courir les filles, et de les faire se couvrir de ridicule, surtout si ça permet de faire vendre quelques paires d’escarpins supplémentaires et de doper l’audience d’un site Internet...
• Un goût amer nous reste cependant dans la bouche et il nous rappelle celui que nous a laissé On achève bien les chevaux : peut-on faire faire n’importe quoi (hier : danser jusqu’à épuisement mortel ; aujourd’hui : courir jusqu’à déhanchement mortel ?) à des êtres humains en exploitant leur dénuement matériel ou moral (hier : quelques poignées de dollars ; aujourd’hui : quelques paires de sandales) ?
• Ce qui est gênant, c’est d’embarquer les produits de luxe dans cette aventure et de risquer un retournement éthique en associant ainsi des icônes du luxe – les stilettos – à un nouveau panem et circenses médiatico-marchand.
• La dérive est patente. Aujourd’hui, les talons. Demain, les montres ?
• Après tout, on voit bien se profiler des tombolas à 9,5 euros pour gagner une Daytona (Business Montres du 7 mai) et quelques marques de voitures commencent à offrir des « montres de luxe » comme cadeaux pour forcer la main des acheteurs. Pourquoi pas, désormais, d'abêtissantes courses contre la montre – ou plutôt pour la montre !
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