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Frank Muller: Un nouveau magistère ès-complications
 
Le 12-11-2009
de Business Montres & Joaillerie

Qu’une marque s’affirme « Master of Complications » n’engage que ceux qui y croient.

Qu’une marque le prouve, c’est autrement plus excitant.

La nouvelle Aeternitas Mega 4 de Franck Muller est-elle ou non, à ce jour, la montre-bracelet la plus compliquée (et la plus chère) de toute l’histoire horlogère ?

Enquête, informations et pièces d'un dossier très... compliqué !


••• QUELLE EST LA MONTRE-BRACELET « LA PLUS COMPLIQUÉE DU MONDE » ?
On parle beaucoup de « retour à la simplicité » des montres contemporaines, mais la course à l’armement sur le terrain des complications est très loin d’être éteinte. Depuis quelques semaines, on peut même estimer que la bataille fait rage – sans autre arbitre pour départager les combattants que la Patek Philippe Calibre 89, montre de poche qui passe toujours pour la montre la plus compliquée de toute l’histoire horlogère.

Parlons donc des seules montres-bracelets. Jaeger-LeCoultre présentait récemment (ou laissait présenter) son concept Hybris Mecanica à Grande sonnerie comme la montre-bracelet la plus compliquée du monde, avec 26 complications sous le cadran et un « système » musical « le plus avancé du monde ».

26 complications, c’était donc une de plus que les 25 annoncées par Franck Muller pour son Aeternitas Mega 4, dévoilée voici deux ans et disparue ensuite des écrans radar. Donc, prime (provisoire) à Jaeger-LeCoultre, qui a dédié un site fascinant à cette Hybris Mecanica, qui vient compléter ce qui serait sans doute la plus fantastique trilogie de ce début du XXIe siècle, avec le Gyrotourbillon et la Reverso à Tryptique (total : 55 complications).

Oui, mais... Franck Muller vient de présenter les premières pièces terminées de son Aeternitas Mega 4 (Business Montres du 11 novembre), déjà livrées à deux exemplaires et symbole du redéploiement de la marque. Annonce officielle : 36 complications. La montre aurait-elle gagné dix nouvelles complications en deux ans. La question ayant été posée, la réponse a été immédiate : il s’agit de complications « visibles et non visibles », le chiffre précédemment annoncé de 25 complications n’ayant concerné à l’époque que les complications « visibles ».

Du coup, avec les cinq Aeternitas et les quatre Mega, la trilogie de Jaeger-LeCoultre n'est pas la plus riche en complication du monde : sa seule supériorité serait alors d'être packagée en arpège dans un magnifique écrin...


••• QUE C’EST COMPLIQUÉ DE SAVOIR CE QU’EST UNE COMPLICATION...
Aucun dictionnaire d’horlogerie ne précisant ce qu’est une complication « visible », ni d’ailleurs un « invisible », mais spécifiant seulement – et encore, il faut bien chercher et interpréter ! – qu’une complication est à peu près une fonction qui affiche sur une montre autre chose que les heures, les minutes et les secondes. Définition contestée par certains auteurs, qui la trouvent trop extensive, alors que d’autres auraient tendance à exclure de ces « complications » celles qui ne touchent pas directement à l’art horloger (par exemple, le thermomètre).

Dans son livre sur Les montres compliquées (A. Simonin, Neuchâtel, 1985), François Lecoultre admet qu’il s’agit d’ « adjoindre à la montre simple d’autres mécanismes destinées à un indication plus exacte du temps ». La notion d’indication du temps a son importante : nous y reviendrons, mais elle exclut d’emblée tout ce qui n’indique pas le temps, donc... le tourbillon, la réserve de marche, l’heure rétrograde ou des prouesses horlogères de type mouvement automatique, calibre extra-plat ou squelettage.

Exclure le tourbillon, qui est un mécanisme d’amélioration de la précision et non une fonction horaire, serait stupide. De même pour la réserve de marche. Il faut donc admettre qu’il existe une zone grise entre les complications « évidentes », les complications qui améliorent le fonctionnement de la montre ou son isochronie et les ultra-complications. Pas facile s’y retrouver !


••• MILLIARDAIRES PAS MORTS !
Même décimés par la crise, ces milliardaires restent très nombreux et il y en avait au moins un à Monaco pour prendre livraison de sa montre : Michael J. Gould, grand collectionneur américain, avait tenu à faire le déplacement en avion privé, au départ du Colorado, avec une vingtaine de proches et de parents. Moyennant un chèque de 2,6 millions de francs suisses (1,7 million d’euros), il est reparti avec une montre qui continuera à donner l’heure 10 000 ans après sa mort.

Et il est reparti montre au poignet, ce qui n’est pas rien tellement la pièce est imposante : 42 mm de large sur 61 mm de long, pour 19,1 mm d’épaisseur. Dimensions respectables, mais finalement « portables » au regard de nos nouvelles habitudes : ce qui était inacceptable il y a dix ans devient une simple excentricité dans les limites du tolérable.

Une autre Aeternitas Mega 4 a été livrée à un collectionneur japonais, présent lui aussi parmi les 400 invités de Franck Muller sous les stucs rococo de l’Hôtel de Paris, alors qu’une autre, féeriquement sertie, achève d’être montée à Genthod, dans le micro-atelier d’ultra-complications dont dispose l’équipe de Pierre-Michel et Jean-Pierre Golay. Une poignée des meilleurs horlogers de Franck Muller devraient pouvoir y achever deux à trois Aeternitas Mega 4 dans l’année – en plus des autres Aeternitas et des autres Mega du « Master of Complications ».


••• « UN TRUC TRÈS COMPLIQUÉ AVEC PLEIN D’AIGUILLES »
La demande de Vartan Sirmakes à son maître-horloger était relativement simple : créer une montre plus compliquée que toutes les autres, « un truc avec plein d’aiguilles ». Pierre-Michel Golay a passé un week-end à imaginer comment on pouvait loger sous un même cadran la totalité des complications horlogères connues à ce jour, en concevant un calibre de base qui permettrait ensuite de créer une série de montres plus « simples » où ne seraient exploitées qu’une partie de ces complications. C’est l’idée de base dont découlent les Aeternitas, collection dont les Mega sont l’apothéose et la Mega 4 le triomphe au sens romain du terme.

Un premier chiffre pour résumer le propos : 1 483 composants dans cette Mega 4 absolument exceptionnelle, qui est à la fois un « chef-d’œuvre » au sens que donnaient à ce mot les Compagnons et un condensé unique au monde de ce qui se fait de mieux selon les traditions de la grande horlogerie.

En partant de la base Aeternitas (« base » qui serait déjà la pointe la plus avancée de la pyramide pour la plupart des marques), on trouve donc dans la Mega 4 le tourbillon automatique propre à la collection. On y ajoute, pour la Mega 4, une grande sonnerie à carillon Westiminser (elle sonne les heures et quarts d’heure au passage), ainsi qu’une petite sonnerie (qui ne sonne que les heures au passage) et une répétition minutes (sonnerie à volonté) : la sélection se fait par un poussoir (la montre est totalement étanche, contrairement à de nombreuses montres à sonnerie.

Cette Mega 4 est la seule du marché à disposer d’un tourbillon visible côté cadran (ce n’est pas le cas de l’Hybris Mecanica), disposition qui complexifie davantage la conception du mécanisme de la grande sonnerie. Ne pas oublier dans ce premier survol de ses fonctions le chronographe monopoussoir à rattrapante, le quantième perpétuel séculaire, l’équation du temps ou le double fuseau horaire.


••• AETERNITAS MEGA 4 vs HYBRIS MECANICA
Vraie question qui se pose pour départager les « maîtres de la complication » : quelle est la montre la plus compliquée du monde ? Le plus simple est sans doute de lister toutes les fonctions « visibles et non-visibles », en laissant chacun se faire une idée de ce qui relève ou non de la « complication ». L’idée est de dresser un tableau comparatif des différences entre ces deux pièces plus que d’établir un classement hiérarchique...
A ce détail près qu’il n’a pas été possible, à ce jour, de prendre en main l’Hybris Mecanica et de « jouer » avec, alors que la Mega 4 a été auscultée, soit en tant que montre finie, soit dans ses différents sous-ensembles en cours de montage sur l’établi.
D’où les points d’interrogation concernant la montre de Jaeger-LeCoultre, en espérant qu’il sera possible par la suite de compléter ces informations sur les deux montres les plus stratosphériquement mécaniques du marché...

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