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Cherchez l'erreur : entre des fournisseurs qui n'en finissent plus de sacrifier leurs emplois et des détaillants qui n'ont même plus la tête hors de l'eau, la « reprise » tarde à exister hors de la communication des présidents de marques.
Méthode Coué ou massage relaxant ?
En attendant, votre Quotidien des Montres est reparti à la chasse aux informations qui en disent long sur l'état de la planète horlogère.
... CETTE SEMAINE, LE SNIPER A...
••• ÉTÉ TENTÉ
de décerner le titre de « montre de l’année » à la Pixel d’une marque modeste et jeune, ODM (Hong Kong), dont les montres ont cependant trusté cette année le Good Design Award japonais, le Good Design Award américain, le Reddot Design Award allemand et IF Design Award chinois : qui dit mieux pour des petites montres « manchette » à quartz, qui affichent l’heure par LED colorés, avec un style lisse et unisexe dans son bracelet silicone, mais facile à identifier ? Collection à découvrir sur le site d’ODM-Design, qui est une bonne illustration de l’esprit nouvelle génération appliqué au marketing digital...
••• SAVOURÉ
le retour chez Girard-Perregaux d’une icône absolue : le Tourbillon sous trois ponts d’or, logé pour le SIHH 2010 dans un nouveau boîtier rond de 41 mm où il se trouve majestueusement à l’aise. Ces trois ponts d’or, pilier de l’identité Girard-Perregaux, reprennent exactement le dessin des ponts utilisés en 1860 sur la première montre récompensée par un prix de première classe décerné par l’Observatoire de Neuchâtel. On peut en apprécier les lignes modernes (ci-dessus) tout en essayant de comprendre la magie d’une fonction horlogère [ces ponts sont destinés à « tenir » en parallèle barillet, roue de grande moyenne et tourbillon] détournée en élément distinctif de design : c’était totalement révolutionnaire en 1860, et ça reste tout aussi disruptif en 2010, soit un siècle et demi plus tard.
C’est en ça que le « retour aux classiques » peut avoir du bon, surtout dans un grand boîtier au cadran ajouré. Pur ce qui est de la modernité, que certaines marques limitent aux vis sur la tête de la montre, ce tourbillon sous trois ponts d'or en propose 18, et fonctionnelles : qui dit mieux ?
••• LA SECONDE PROPOSITION DE GIRARD-PERREGAUX POUR LE PROCHAIN SIHH est moins convaincante, puisqu’elle consiste à loger un « petit » mouvement chronographe G-P (23 mm !) dans un maxi-boîtier de 40 mm, lui-même irréprochable dans son style impeccablement « patékien » (réf. 5070 oou 130, au choix). Résultat : des compteurs qui « louchent » au centre de la boîte. Ce n’est plus « patékien », c’est pathétique...
••• COMPRIS
que la course à la « montre-bracelet la plus compliquée du monde » relancée par Franck Muller (Business Montres du 12 novembre) ne faisait que commencer : une équipe de Vacheron Constantin est déjà mobilisée sur ce projet, alors que Patek Philippe et Jaeger-LeCoultre poussent leur feux pour remonter sur la plus haute marche du podium. Il y avait un outsider qui pouvait se révéler dangereux sur ce terrain : Gérald Genta, ex-titulaire du titre dans les années 1990. Le projet est semble-t-il abandonné par Bvlgari Time...
••• DÉTECTÉ
une légère odeur de poudre dans la conférence que doit faire Elmar Mock (un des nombreux pères putatifs de la Swatch), le 17 novembre, pendant les Journées de la métropole horlogère (La Chaux-de-Fonds, jusqu’au 21 novembre). Thème de l’intervention au Club 44 : « Les liaisons tumultueuses de l’innovation et de l’horlogerie » (débat proposé par la Fondation suisse pour la recherche en micro-technique). Il aura donc l’occasion de reparler de la gestation controversée de la Swatch...
••• REÇU
la dernière édition du livre de Joseph Flores, Perpétuelles à roues de rencontre (éditions de l’AFAHA) : une seconde édition, largement revue et augmentée des dernières avancées de l’auteur dans sa quête de l’« inventeur » du mouvement automatique. De nombreux faits sont venus confirmer son intuition initiale en faveur d’Hubert Sarton et au détriment d’Abraham-Louis Perrelet : ce livre les expose avec beaucoup de détails techniques convaincants et des analyses implacables. Le livre était sous presse avant que Joseph Flores ne mette la main sur le document qui emporte l‘adhésion à ses thèses : un dessin de la main de Sarton qui permet de lui attribuer de façon incontestable la paternité des montres automatiques à roue de rencontre recensées, dont celle du musée Patek Philippe – qui fondait les prétentions des ultimes historiens « perreletistes »...
••• CE DESSIN D’HUBERT SARTON ÉTAIT TROP IMPORTANT POUR QU'ON NE LE PRÉSENTE PAS AU PUBLIC : il sera donc présenté par l’auteur à Genève, pendant le salon The Watch Factory @ Geneva Time Exhibition, au cours d’un débat public et contradictoire ouvert à tous les amateurs...
• Le plus difficile n’est pas d’organiser ce débat, mais de trouver les détracteurs de Sarton volontaires pour affronter publiquement Joseph Flores et son dessin, qui va incontestablement obliger tout le monde à réécrire cette page de l’histoire horlogère...
••• NOTÉ
que, pour une fois, Johann Rupert, le chairman du groupe Richemont, confirmait l’information de Business Montres concernant le non-remplacement de Norbert Platt (qui n’est plus dans son fauteuil que pour six semaines). Le chairman sera désormais également le CEO – ce qui est assez logique, mais très prenant. On peut l’interpréter soit comme une volonté de renforcer le contrôle direct de Johann Rupert sur ses patrons de marque [c’est plutôt l’hypothèse de Business Montres, compte tenu des évolutions de ces derniers mois], soit, compte tenu de la charge de travail, comme une manière de prendre du champ en s’appuyant plus fortement et plus directement sur les structures intermédiaires de Richemont...
••• MESSIEURS DE RICHEMONT, expliquez-nous aussi pourquoi tout le monde – y compris vos marques – parle aujourd’hui de « reprise », alors que votre trésorerie a fondu au cours de ces six derniers mois (moins 60 % pour le bénéfice net, moins 39 % pour le résultat opérationnel)...
••• OPÉRÉ
un rapide pointage des différentes couvertures éditoriales (Internet) pour les montres lancées au cours de ces dernières semaines : comme disent les turfistes, il n’y a pas photo entre le raz-de-marée déclenché par Max Busser (HM N° 2.2 avec Alain Silberstein) et les vaguelettes soulevées par les uns ou les autres, même s’ils se nomment Patek Philippe (Ladies First Chronograph) ou Audemars Piguet (Millenary Carbon). Bien placées pour le podium, mais loin derrière la quasi-majorité absolue de MB&F : Omega (Planet Ocean Liquidmetal), Jaeger-LeCoultre (Hybris Mecanica) ou TAG Heuer (V 4). Outsiders inattendus pour cette pression rédactionnelle en ligne : Corum et Casio, ainsi que Vacheron Constantin.
••• DÉCOUVERT
l’identité des nouveaux partenaires de Pierre Nobs pour la renaissance de Ventura (annonce Business Montres du 3 novembre) : il s’agit du groupe horloger britannique Zeon, plutôt spécialisé dans l’entrée de gamme avec des marques comme Ingersoll ou Braun (plus une quinzaine de marques en distribution locale).
••• REDOUTÉ
l’absence de toute vision à long terme des sénateurs français, qui envisagent de taxer les ventes d’or et de joaillerie pour renflouer les caisses sans fond de la Sécurité sociale, ce « système-social-que-le-monde-nous-envie » mais que personne ne peut plus financer. Une telle taxe, soutenue par la Commission des affaires sociales du Sénat, mais considérée comme « difficile à appliquer techniquement » par le gouvernement, devrait cependant être votée aujourd’hui, avec un prélèvement de 8,2 % sur chaque transaction. L’enjeu n’est plus financier, mais symbolique, si tant est que les députés votent également cette mesure : ce serait le meilleur moyen de porter un grave coup aux industries françaises du luxe, tentées – comme leurs clients – de se délocaliser vers des cieux fiscalement plus cléments. Pourquoi pas la Suisse, dont les ports-francs centre-européens n’attendent que cette occasion ?
••• ASSURÉ
à quelques collectionneurs de Rolex que la « Rolex du prisonnier », vendue ce samedi aux enchères à New York (Gaston & Sheehan), parmi les biens saisis chez les financier véreux Bernard Madoff, ne faisait pas référence au détenu numéro d’écrou 61727-054 du pénitencier de Butner (Caroline du Nord), mais à ces chronos Rolex – très recherchés (réf. 3525) – qu’Hans Wilsdorf, le fondateur de Rolex, faisait expédier pendant la Seconde Guerre mondiale aux prisonniers de guerre alliés détenus dans les stalags et les oflags du IIIe Reich. Le paiement était convenu... après la guerre, sur l’honneur. Ces montres ont parfois été des facteurs d’évasion, comme « montre de corruption » : qui peut résister à un chrono Rolex en or ? La fonction chronographe a également pu être utilisée pour des tentatives d’évasion, comme on le vérifie dans La Grande évasion : beaucoup de pilotes alliés fait prisonniers en Allemagne possédaient leurs propres chronographes, considéré comme un bien personnel pour un KG (« prisonnier de guerre »)...
••• MÊME SI LA 3525 DE BERNIE MADOFF (estimée autour de 80 000 dollars) n’est probablement pas une des authentiques Rolex « prisoners of war » (POW) répertoriées et même si cette histoire de « Rolex du prisonnier » relève plus de l’exception que de la règle [très peu de documentation au sujet de ces « POW Rolex », hormis le travail de recherche d’Antiquorum en 2007 : 53 000 dollars sous le marteau], il est quelque part assez réjouissant, paradoxal et ironique de voir se télescoper dans ce chrono Rolex l’intemporelle réputation de l’horlogerie suisse et la mémoire des grandes crises planétaires, au cœur desquelles une montre suisse parvient toujours à garder sa valeur, qu’on parle de Seconde Guerre mondiale ou de Première Crise mondiale...
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